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21/10/1999 | FRANCE | N°98NC02367

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 21 octobre 1999, 98NC02367


(Première Chambre)
Vu la décision, en date du 4 novembre 1998, enregistrée le 17 novembre 1998 sous le N 98NC02367 au greffe de la Cour, par laquelle le Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée par la SOCIETE ICE AND MUSIC ;
Vu, enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, respectivement le 8 août 1995 et le 8 décembre 1995, la requête introductive d'appel et le mémoire ampliatif présentés par la S.A.R.L. ICE AND MUSIC, ayant son siège social à Les Rivières - Prémanon (Jura), représentée par son gérant ;
La sociét

é demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement, en date du 1er juin 1995, p...

(Première Chambre)
Vu la décision, en date du 4 novembre 1998, enregistrée le 17 novembre 1998 sous le N 98NC02367 au greffe de la Cour, par laquelle le Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée par la SOCIETE ICE AND MUSIC ;
Vu, enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, respectivement le 8 août 1995 et le 8 décembre 1995, la requête introductive d'appel et le mémoire ampliatif présentés par la S.A.R.L. ICE AND MUSIC, ayant son siège social à Les Rivières - Prémanon (Jura), représentée par son gérant ;
La société demande à la Cour :
1 ) - d'annuler le jugement, en date du 1er juin 1995, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 10 septembre 1993 du maire de Prémanon, résiliant le contrat de concession conclu entre la commune et la société pour l'exploitation de la patinoire et de la salle "hors sacs" ;
2 ) - d'annuler l'arrêté municipal susvisé ;
3 ) - de condamner la commune à verser à la société une somme de 15 000 F au titre de ses frais irrépétibles ;
La société soutient que :
- l'arrêté municipal est insuffisamment motivé, au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; le même reproche peut en outre être formulé à l'encontre du jugement attaqué ;
- les droits de la défense ont été méconnus : la commune aurait dû adresser à sa co-contractante une mise en demeure explicite, et lui accorder un délai raisonnable pour régulariser sa situation et présenter ses observations, ce qui n'a pas été fait, la sanction de résiliation étant intervenue de manière précipitée ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la résiliation du contrat de concession avait pu intervenir de plein droit pour non-paiement régulier des loyers, en application de l'article 15 de la convention ; à défaut de clause expresse en ce sens, la résiliation ne pouvait intervenir sans indemnisation du concessionnaire ; la collectivité aurait pu cependant demander au juge du contrat de prononcer cette déchéance sans indemnité, ce qu'elle n'a pas fait ; le tribunal, dans la mesure où il entendait procéder à une telle résiliation judiciaire, ne pouvait la prononcer d'office ;
- la commune ne pouvait invoquer d'autres clauses du contrat et notamment ses articles 13 et 18, pour justifier la sanction prononcée ;
- la résiliation apparaît comme une une sanction disproportionnée à la réelle gravité des faits reprochés au concessionnaire, consistant en un retard de paiement, à deux échéances, du loyer convenu, en période estivale où la fréquentation des locaux connaît une baisse sensible ; cet incident est en outre imputable aux propres retards de paiement de débiteurs de la société ;
- le motif d'intérêt général allégué par la commune, d'un équilibre des finances communales, n'apparaît pas pertinent ;

... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 1999 :
- le rapport de M. BATHIE, Premier Conseiller ;
- les observations de M. Y..., maire de Prémanon ;
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la motivation de l'arrêté municipal du 10 septembre 1993 :
Considérant que l'arrêté litigieux précise que la concession d'exploitation de la patinoire et de la salle "hors sacs", conclue avec la société, se trouve résiliée de plein droit, en raison d'un défaut de paiement des redevances ; qu'il est fait référence à un commandement, signifié précédemment au concessionnaire, lequel mentionnait le détail de cette dette ; qu'ainsi, l'arrêté signé le 10 septembre 1993, complété au besoin par le commandement auquel il se réfère, permettait à la société de connaître et de discuter éventuellement les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de résiliation prise par le maire ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cette sanction contractuelle est insuffisamment motivée ;
Sur la procédure préalable à la résiliation de la convention :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 2 août 1993, un huissier mandaté par la commune de Prémanon a notifié à M. X..., gérant de la S.A.R.L. ICE AND MUSIC, et à son épouse et associée, un commandement tendant à obtenir dans un délai de dix jours, le paiement de deux loyers échus aux 15 juin et 15 juillet 1993, totalisant 31 626 F ; qu'il était expressément indiqué qu'à défaut de paiement de cette dette, la commune ferait application de la clause de l'article 15 de la convention de concession sus-évoquée, entraînant sa résiliation de plein droit ; que, par une correspondance du 13 août 1993, le maire rappelait à M. et Mme X... la notification de ce commandement et ajoutait que le délai prévu pour apurer la dette du concessionnaire étant expiré, la commune poursuivait la procédure engagée ; qu'en dépit de l'imprécision de cette dernière mention, les destinataires de ce courrier ne pouvaient se méprendre sur la procédure ainsi évoquée, qui venait de faire l'objet, quelques jours auparavant, d'un document ayant valeur de mise en demeure, notifié par huissier ; qu'il s'est ensuite écoulé près d'un mois avant que ne soit signé l'arrêté municipal, daté du 10 septembre 1993, portant résiliation du contrat de concession ;
Considérant qu'il ressort de ces éléments que la société concessionnaire a été clairement avisée des manquements à ses obligations contractuelles qui lui étaient reprochés et de la sanction qu'elle encourait, et qu'elle a disposé d'un délai raisonnable, pour apurer sa dette ou éventuellement faire valoir ses observations ; que, dès lors le moyen tiré de ce que avant de prononcer la sanction de résiliation du contrat, la commune de Prémanon aurait méconnu les droits de la défense, n'est pas fondé ;
Sur le bien-fondé de la mesure de résiliation de la concession :
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de la convention en date du 26 novembre 1990 concédant l'exploitation de la patinoire et de la salle "hors sacs" de la commune de Prémanon, initialement à M. et Mme X..., puis, par l'effet d'un avenant du 1er août 1991, à la S.A.R.L. ICE AND MUSIC, les loyers fixés par le contrat étaient payables mensuellement, à terme échu, étant précisé que : "La concession sera résiliée de plein droit en cas de non-paiement régulier des loyers ..." ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les loyers échus les 15 juin et 15 juillet 1993 n'ont pas été acquittés à leurs échéances ; qu'à la suite d'un commandement d'huissier valant mise en demeure de régler ces dettes, la société a versé, le 25 août 1993, le loyer mensuel de juin 1993, mais n'avait cependant pas acquitté celui venant à terme en août ; qu'ainsi, à la date de la décision litigieuse, la concessionnaire conservait un arriéré de deux mois de loyers ; qu'ayant constaté ces faits, et alors, en outre, qu'il possédait simultanément, des renseignements très défavorables sur la solvabilité de la cocontractante de la commune, le maire était fondé à procéder à la résiliation de plein droit de la concession, prévue par l'article 15 précité du contrat en cas de non paiement régulier des loyers ; que les moyens tirés par l'appelante de ce que cette sanction aurait été disproportionnée à la gravité des faits et prématurée, doivent, dès lors, être écartés ;
Considérant, en deuxième lieu, que le maire, qui pouvait sur le fondement de la clause précitée du contrat, prononcer cette résiliation, n'était pas tenu de saisir le juge à cette fin ;
Considérant, en troisième lieu, que la société ne peut utilement alléguer ni des difficultés conjoncturelles liées à une baisse de fréquentation de la patinoire, en période d'été, normalement prévisible, ni les problèmes de gestion rencontrés au-delà de septembre 1993, alors que l'exploitation des locaux concédés se poursuivait en fait, et qui sont postérieurs à la décision en litige ; qu'au demeurant, il est constant qu'après avoir à nouveau accumulé des arriérés de loyers, la société a fini par faire l'objet d'une liquidation judiciaire en 1995 ;
Considérant, en quatrième lieu, que la convention de concession a pu légalement ne prévoir aucun droit à indemnisation du concessionnaire dans une hypothèse où, comme en l'espèce, la résiliation constitue la sanction d'impayés de loyers ;
Considérant, en cinquième lieu, que, comme indiqué précédemment, cette résiliation n'est pas intervenue pour des motifs d'intérêt général et en l'absence de toute faute du co-contractant ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la commune n'aurait pas justifié les motifs d'intérêt général l'ayant conduite à cette rupture du contrat, est inopérant ;
Considérant, en sixième lieu, que la mesure prise par le maire est uniquement motivée par des impayés de loyer et fondée sur l'article 15 précité de la convention de concession ; que les moyens tirés de ce que les conditions d'une rupture anticipée de cette convention prévues dans ses articles 13 et 18 ne seraient pas remplies, sont donc également inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A.R.L. ICE AND MUSIC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Besançon a refusé d'annuler la mesure de résiliation prise par le maire de Prémanon, dans le cadre de la convention de concession de l'exploitation de la patinoire et de la salle "hors sacs" appartenant à la commune ;
Sur les frais irrépétibles :

Considérant, d'une part, que la S.A.R.L. ICE AND MUSIC qui est partie perdante dans la présente instance, ne peut obtenir, à son profit, la mise en oeuvre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, d'autre part, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de condamner la société ICE AND MUSIC à verser une somme de 5 000 F à la commune de Prémanon ;
Article 1er : La requête N 98NC02367 susvisée de la S.A.R.L. ICE AND MUSIC est rejetée.
Article 2 : En application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la S.A.R.L. I CE AND MUSIC versera une somme de cinq mille francs (5 000 F) à la commune de Prémanon.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Pascal Z..., en sa qualité de liquidateur de la S.A.R.L. ICE AND MUSIC et à la commune de Prémanon. Copie en sera transmise, pour information, au ministre de l'intérieur et au préfet du Jura.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98NC02367
Date de la décision : 21/10/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - QUESTIONS GENERALES - MOTIVATION - MOTIVATION SUFFISANTE - ABSENCE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION.


Références :

Arrêté du 10 septembre 1993 art. 13, art. 18
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATHIE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1999-10-21;98nc02367 ?
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