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04/06/1998 | FRANCE | N°97NC02102

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, Pleniere, 04 juin 1998, 97NC02102


(Plénière)
Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 1997 sous le n 97NC02102 au greffe de la Cour, présentée pour la ville de METZ, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 22 septembre 1995, ayant pour avocat Me Hugodot ;
La ville de METZ demande que la Cour :
1 ) annule le jugement, en date du 20 août 1997, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Jean-Louis X..., les délibérations du conseil municipal de Metz, en date du 1er juillet 1995, portant approba

tion de son règlement intérieur, du 12 juillet 1995 attribuant des moyens ...

(Plénière)
Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 1997 sous le n 97NC02102 au greffe de la Cour, présentée pour la ville de METZ, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal en date du 22 septembre 1995, ayant pour avocat Me Hugodot ;
La ville de METZ demande que la Cour :
1 ) annule le jugement, en date du 20 août 1997, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. Jean-Louis X..., les délibérations du conseil municipal de Metz, en date du 1er juillet 1995, portant approbation de son règlement intérieur, du 12 juillet 1995 attribuant des moyens en matériel et en personnel aux groupes d'élus du conseil municipal et du 31 mai 1996 portant nouvelle répartition de ces moyens ;
2 ) rejette les demandes de M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3 ) subsidiairement, au cas où la Cour estimerait illégale la fixation d'un seuil d'effectifs pour les groupes d'élus, réforme ledit jugement en tant qu'il annule le règlement intérieur dans son intégralité ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 92-125 du 6 février 1992 modifiée, relative à l'administration territoriale de la République ;
Vu la loi n 95-65 du 19 janvier 1995 relative au financement de la vie politique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 1998 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
- les observations de Me HUGODOT, avocat de la commune de METZ,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des termes du jugement attaqué que pour annuler la délibération du conseil municipal de la ville de METZ, en date du 1er juillet 1995, portant adoption du règlement intérieur de l'assemblée municipale, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que l'article 13 de ce règlement, qu'il a estimé non divisible des autres dispositions de celui-ci, avait été adopté en méconnaissance de l'article 32 bis de la loi du 6 février 1992 issu de l'article 27 de la loi n 95-65 du 19 janvier 1995 ;
Considérant, d'une part, qu'après qu'il eut estimé que l'article 13 était indivisible des autres dispositions du règlement intérieur, le tribunal administratif n'était plus tenu de statuer sur les autres moyens de la requête et notamment ceux relatifs à l'article 48 de ce règlement ; que, d'autre part, en précisant que les dispositions de l'article 32 bis "eu égard à l'intention du législateur de permettre, dans le cadre de la démocratie de la vie locale, à l'ensemble des minorités politiques d'exercer, .... les droits à l'expression et à l'information qui leur sont reconnus par la loi, ne peuvent être regardées comme ayant eu pour objet de permettre l'instauration d'un seuil pour la constitution des groupes d'élus .... et de conditionner l'octroi de moyens matériels et en personnels à des groupes, au dépassement de ce seuil", le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de l'argumentation soulevée en défense par la ville de METZ, a suffisamment motivé sa décision eu égard au motif retenu par lui pour prononcer l'annulation de la délibération en cause ; qu'ainsi la ville de METZ n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation ;
AU FOND
Sur la légalité de la délibération du 1er juillet 1995 :

Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 72 de la constitution du 4 octobre 1958 : " ... les collectivités territoriales ... s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi ..." ; qu'aux termes de l'article L.121-10-1 du code des communes, repris à l'article L.2121-8 du code général des collectivités territoriales : "Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le conseil municipal établit son règlement intérieur dans les six mois qui suivent son installation. Le règlement intérieur peut être déféré au tribunal administratif" ; qu'aux termes, enfin, de l'article 32 bis de la loi n 92-125 du 6 février 1992, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 19 janvier 1995 et dont les dispositions ont été reprises et codifiées sous l'article L.2121-28 du code général des collectivités territoriales :
I - Dans les conseils municipaux des communes de plus de 100 000 habitants, le fonctionnement des groupes d'élus peut faire l'objet de délibérations sans que puissent être modifiées, à cette occasion, les décisions relatives au régime indemnitaire des élus. II- Dans ces mêmes conseils municipaux, les groupes d'élus se constituent par la remise au maire d'une déclaration, signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ceux-ci et de leur représentant. Dans les conditions qu'il définit, le conseil municipal peut affecter aux groupes d'élus, pour leur usage propre ou pour un usage commun, un local administratif, du matériel de bureau et prendre en charge leurs frais de documentation, de courrier et de télécommunications. Le maire peut, dans les conditions fixées par le conseil municipal et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes ...." ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le conseil municipal d'une ville de plus de 100 000 habitants peut, lors de l'adoption de son règlement intérieur, décider, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les groupes d'élus municipaux, lesquels se constituent par la remise d'une déclaration signée des membres qui les composent accompagnée de la liste de ceux-ci, doivent comporter un effectif minimum de conseillers municipaux ; qu'une telle exigence ne porte, par elle-même, atteinte ni à la liberté d'information et d'expression, ni aux droits et prérogatives particulières qu'à titre individuel les élus qui ne font pas partie d'un groupe tiennent de leur qualité de membres de l'assemblée municipale ; que, dès lors, la ville de METZ est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du conseil municipal de METZ, en date du 1er juillet 1995, approuvant le règlement intérieur de celui-ci, au motif que son article 13, qui a été regardé, à tort au demeurant, comme indivisible des autres dispositions, était intervenu en méconnaisssance de l'article 32 bis de la loi du 6 février 1992 ;
Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.121-22 du code des communes, devenu l'article L.2121-13 du code général des collectivités territoriales : "Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération." ; qu'aux termes de l'article L.2121-19 du même code : "Les conseillers municipaux ont le droit d'exposer en séance du conseil des questions orales ayant trait aux affaires de la commune. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le règlement intérieur fixe la fréquence ainsi que les règles de présentation et d'examen de ces questions" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que les conseillers municipaux tiennent de leur qualité de membres de l'assemblée municipale appelés à délibérer sur les affaires de la commune, le droit d'être informés et de s'exprimer sur tout ce qui touche à ces affaires dans des conditions leur permettant de remplir pleinement leur mandat ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 13 du règlement intérieur du conseil municipal de METZ : "Les conseillers municipaux qui ne sont ni inscrits, ni apparentés ni rattachés administrativement à un groupe déterminé, forment une réunion administrative représentée par un délégué élu par elle, habilité à s'exprimer en leur nom au cours des séances plénières" ; qu'une telle disposition, qui subordonne le droit à l'expression de conseillers municipaux qui peuvent être de sensibilité politiques différentes, voire antinomiques, au regroupement de ceux-ci dans une même "réunion administrative" représentée par un seul délégué, porte atteinte aux droits et prérogatives des conseillers municipaux qui ne font pas partie d'un groupe déterminé ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que la disposition précitée est entachée d'excès de pouvoir ;
Considérant, en second lieu, que le droit d'amender est inhérent au pouvoir de délibérer des conseillers municipaux ; que s'il appartient au conseil municipal de réglementer ce droit, il ne saurait légalement le faire que sous réserve de ne pas porter atteinte à son exercice effectif ;
Considérant que si l'article 48 du règlement intérieur du conseil municipal de METZ précise que " tout élu a le droit de présenter des amendements tendant à modifier ou à compléter des textes ou des propositions au conseil", il subordonne, toutefois, la recevabilité de tout amendement à son examen préalable par la commission compétente, le renvoi à celle-ci étant de droit "toutes les fois qu'il est demandé par le président de séance ou le président de ladite commission" ;

Considérant qu'une telle procédure qui, d'une part, a pour effet de permettre au président de séance ou au président de la commission concernée de renvoyer à celle-ci tout amendement soumis directement au conseil municipal lors d'une séance et, d'autre part, ne garantit pas l'examen de l'amendement par l'assemblée municipale avant l'adoption définitive du texte auquel il se rapporte, porte atteinte à l'exercice effectif du droit d'amender le texte soumis à la délibération des conseillers municipaux ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que ledit article 48, dont les dispositions doivent être regardées comme indivisibles, est entaché d'excès de pouvoir ;
Sur la légalité des délibérations des 12 juillet 1995 et 31 mai 1996 :
Considérant que, par les délibérations des 12 juillet 1995 et 31 mai 1996, le conseil municipal de la ville de METZ a procédé à la détermination et à la répartition, entre les trois groupes d'élus municipaux, des moyens matériels et d'effectifs en personnel que la collectivité se proposait d'allouer à ces groupes ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-avant que le moyen articulé par M. X... à l'encontre des deux délibérations susmentionnées et tiré de l'illégalité du 1er alinéa de l'article 13 du règlement intérieur du conseil municipal de la ville de METZ, en tant qu'il fixe à quatre le nombre minimum d'élus pour la constitution d'un groupe au sein de l'assemblée municipale, n'est pas susceptible de prospérer ;
Considérant, d'autre part, que si M. X... soutient que les délibérations litigieuses sont de nature à créer une discrimination entre les élus selon qu'ils appartiennent ou non à un groupe formé au sein du conseil municipal, un tel moyen ne saurait davantage être accueilli dès lors que la situation qui est faite aux membres de celui-ci résulte de la stricte application de la disposition législative ci-avant reproduite, laquelle réserve l'affectation d'une ou plusieurs personnes et de moyens matériels aux seuls groupes d'élus ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la ville de METZ est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, d'une part, la délibération du conseil municipal de la ville de METZ, en date du 1er juillet 1995, approuvant le règlement intérieur de cette assemblée, dans ses dispositions autres que le second alinéa de l'article 13 et que l'article 48 de ce règlement et, d'autre part, les délibérations des 12 juillet 1995 et 31 mai 1996 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, en date du 20 août 1997, est annulé en tant qu'il annule, d'une part, la délibération du conseil municipal de la ville de METZ, en date du 1er juillet 1995, approuvant le règlement intérieur de cette assemblée, dans ses dispositions autres que le second alinéa de l'article 13 et que l'article 48 de ce règlement et, d'autre part, les délibérations des 12 juillet 1995 et 31 mai 1996.
Article 2 : Le surplus de la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de la requête de la ville de METZ sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de METZ et à M. X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 97NC02102
Date de la décision : 04/06/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - CONSEIL MUNICIPAL - FONCTIONNEMENT.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - DISPOSITIONS RELATIVES AUX ELUS MUNICIPAUX - GARANTIES.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - REGIME DES ACTES PRIS PAR LES AUTORITES COMMUNALES (VOIR SUPRA DISPOSITIONS GENERALES).


Références :

Code des communes L121-10-1, L121-22
Code général des collectivités territoriales L2121-8, L2121-28, L2121-13, L2121-19
Loi 92-125 du 06 février 1992 art. 32 bis
Loi 95-65 du 19 janvier 1995 art. 27, art. 13, art. 48


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MOUSTACHE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1998-06-04;97nc02102 ?
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