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11/12/1997 | FRANCE | N°91NC00196

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 11 décembre 1997, 91NC00196


(Première Chambre)
Vu, enregistré au greffe le 4 avril 1991, sous le n 91NC00196, la requête présentée pour la commune de LALAYE (Bas-Rhin) représentée par son maire ;
La commune de LALAYE demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 5 février 1991, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages-intérêts ;
2 / de réserver les droits de la commune, notamment pour chiffrer son préjudice, et de condamner l'Etat à lui payer une provision de 500 000 F dans l'immédiat ;


3 / de prescrire une expertise sur le préjudice invoqué ;
4 / de condamner...

(Première Chambre)
Vu, enregistré au greffe le 4 avril 1991, sous le n 91NC00196, la requête présentée pour la commune de LALAYE (Bas-Rhin) représentée par son maire ;
La commune de LALAYE demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 5 février 1991, par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages-intérêts ;
2 / de réserver les droits de la commune, notamment pour chiffrer son préjudice, et de condamner l'Etat à lui payer une provision de 500 000 F dans l'immédiat ;
3 / de prescrire une expertise sur le préjudice invoqué ;
4 / de condamner l'Etat à lui verser 10 000 F au titre de ses frais irrépétibles ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 1997 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller,
- les observations Me DECHRISTE, avocat de la commune de LALAYE,
- et les conclusions de M. STAMM, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant, que par un arrêt en date du 10 décembre 1992, la cour administrative d'appel de Nancy a ordonné une expertise afin d'évaluer l'importance du préjudice subi par la commune de LALAYE, correspondant aux revenus des parcelles de forêt dont la collectivité a été indûment privée à l'issue des opérations de remembrement, du fait d'une perte de 37 828 points dans la catégorie "forêts" au profit des catégories "terres" et "prés", éventuellement corrigés par les avantages financiers ou autres qu'elle aurait néanmoins retiré de cette restructuration foncière ; que l'expert avait pour mission de déterminer les revenus d'exploitation "forêts" produits depuis la réunion de la commission de remembrement en novembre 1970 par des surfaces correspondant à 37 828 points, le bénéfice que la commune a pu retirer de l'exploitation des attributions excédentaires de 31 142 points dans la catégorie "prés" et de 26 105 points dans la catégorie "terres", et enfin, les frais ou avantages de toute nature supportés par la commune ou lui ayant profité du fait de cette répartition erronée ;
Sur le préjudice subi par la commune de LALAYE :
En ce qui concerne les pertes de revenus d'exploitation des forêts ;
Considérant que la superficie boisée à prendre en compte doit normalement correspondre à la différence entre les apports et les attributions ; qu'elle doit en l'espèce être corrigée en ajoutant les parcelles cédées en prés désormais englobées dans le domaine forestier et en retranchant les parcelles acquises en prés mais devenues forestières ; qu'il ressort du rapport de l'expert est qu'il n'est pas contesté que cette surface boisée ainsi corrigée est de 27,3 hectares ; que le rendement de ces parcelles doit être estimé en valeurs nettes, en déduisant des revenus bruts prévisibles, les dépenses correspondantes ; que ce revenu net peut être estimé à 310 F par hectare et par an ainsi que le propose l'expert ;

Considérant que pour évaluer le préjudice subi de ce chef à 350 000 F, l'expert a d'abord pris en compte la période 1971 - 1995 (25 ans) afin de calculer un préjudice de 212 000 F, puis a tenu compte d'une perte certaine de revenus futurs liée au déséquilibre de la structure des peuplements forestiers pour la période 1996 - 2020 évaluée à 138 000 F après actualisation ; que la commune de LALAYE est fondée à demander réparation, non seulement du préjudice déjà subi correspondant à la première période, mais encore du préjudice futur mais certain correspondant à la seconde période et qui résulte du déséquilibre dans la structure des peuplements, induit par le remembrement ; que, toutefois, la commission départementale d'aménagement foncier du Bas-Rhin ayant à nouveau défini les attributions de la commune par une décision, non contestée, en date du 7 juillet 1992 et cette décision ayant été notifiée le 26 janvier 1993, il y a lieu de limiter la première période durant laquelle l'Etat a engagé sa responsabilité envers la commune aux années écoulées entre 1970 et 1993, soit une période de vingt-deux années pleines ; qu'ainsi, le préjudice correspondant à cette première période doit être ramené à 186 000 F et, par voie de conséquence, le préjudice global correspondant au total des deux périodes s'établit à 324 000 F ;
En ce qui concerne les bénéfices retirés des excédents en terres et prés :
Considérant que la commune de LALAYE affirme, sans être utilement contredite, qu'en raison notamment de l'exode rural, aucune location n'est possible et que ses terres ne produisent aucun revenu ;
En ce qui concerne les frais supportés et les avantages de toute nature ayant profité à la commune :
Considérant que la commune ne saurait, en tout état de cause, obtenir l'indemnisation d'une perte de productivité due à des coupes excessives ayant précédé le début du remembrement, et dues à sa propre initiative ; que les litiges pour des motifs similaires survenus avec d'autres propriétaires dans le périmètre remembré sont étrangers au préjudice dont la réparation incombe à l'Etat ; qu'enfin la commune n'établit pas être créancière de soultes envers les autres propriétaires ; qu'au demeurant, ces soultes ont été actualisées par la commission compétente dans la délibération précitée du 7 juillet 1992 ;
Considérant qu'il n'y a pas davantage lieu de prendre en compte les améliorations, dues notamment à la création d'un nouveau réseau de chemins d'exploitation facilitant la gestion des biens par leurs propriétaires, dès lors que, d'une part, cet avantage est sans rapport avec le préjudice subi par la commune en raison du mauvais fonctionnement de la commission départementale de remembrement, et que, d'autre part, ces améliorations constituent l'un des buts mêmes de l'opération de remembrement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de LALAYE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'indemnité ;
Sur les intérêts :

Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de la commune, et d'assortir la somme susmentionnée des intérêts au taux légal, et ce, ainsi que le demande la commune, à compter du 26 janvier 1993, date de la notification de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier du Bas-Rhin ;
Sur les frais et honoraires d'expertise :
Considérant qu'en application de l'article R. 217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, les frais d'expertise avancés par la commune, et qui ont été liquidé et taxés à la somme de 29 500 F ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu en application de ces dispositions de condamner l'Etat à payer à la commune de LALAYE une somme de 10 000 F ;
Article 1er : Le jugement du 5 février 1991 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la commune de LALAYE une somme de 324 000 F qui produira intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 1993.
Article 3 : L'Etat remboursera à la commune de LALAYE les frais de l'expertise prescrite par l'arrêt avant-dire droit susvisé du 10 décembre 1992, soit une somme de 29 500 F.
Article 4 : En application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'Etat versera à la commune de LALAYE une somme de 10 000 F.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de LALAYE, au ministre de l'agriculture et de la pêche et à M. Jean-Claude X..., expert.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91NC00196
Date de la décision : 11/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - REMEMBREMENT FONCIER AGRICOLE - ATTRIBUTIONS ET COMPOSITION DES LOTS - EQUIVALENCE DES LOTS - EQUIVALENCE EN VALEUR DE PRODUCTIVITE REELLE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RETARDS.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R217, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATHIE
Rapporteur public ?: M. STAMM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1997-12-11;91nc00196 ?
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