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09/10/1997 | FRANCE | N°93NC00802;93NC00808

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 09 octobre 1997, 93NC00802 et 93NC00808


(Première Chambre)
I/ VU, la requête, enregistrée le 17 août 1993 sous le n 93NC00802, présentée pour la commune de La Ferté Milon, représentée par son maire ;
La commune de La Ferté Milon demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 11 juin 1993 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser aux époux X..., à titre principal, les sommes respectives de :
- 337 905F pour réparer les dommages dus à l'effondrement d'un mur situé en contrebas d'une voie publique ;
- 6 000F et 3 247F pour troubles dans les conditions d'existenc

e et autres sommes exposées ;
2 ) de supprimer, ou à tout le mois, de réduire c...

(Première Chambre)
I/ VU, la requête, enregistrée le 17 août 1993 sous le n 93NC00802, présentée pour la commune de La Ferté Milon, représentée par son maire ;
La commune de La Ferté Milon demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 11 juin 1993 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser aux époux X..., à titre principal, les sommes respectives de :
- 337 905F pour réparer les dommages dus à l'effondrement d'un mur situé en contrebas d'une voie publique ;
- 6 000F et 3 247F pour troubles dans les conditions d'existence et autres sommes exposées ;
2 ) de supprimer, ou à tout le mois, de réduire cette indemnisation ;
3 ) de repousser la date de départ des intérêts légaux ;
4 ) de porter de 10 à 50 % la garantie de l'Etat ;
VU l'ordonnance, en date du 13 septembre 1994 par laquelle le Président de la 1ère chambre de la Cour fixe au 10 octobre 1994 la clôture de l'instruction ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 48-1530 du 29 septembre 1948 ;
VU le décret n 61-371 du 13 avril 1961 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 1997 :
- le rapport de M. BATHIE, Conseiller ;
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la jonction des requêtes d'appel :
Considérant que la requête de la commune de La Ferté Milon et le recours du ministre de l'Equipement, des Transports et du Tourisme sont relatifs aux conséquences d'un même dommage de travaux publics ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité de la commune :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 6 juin 1985, à la suite de pluies anormalement abondantes, le mur entourant la propriété de M. et Mme X... à La Ferté Milon, situé en contrebas de la voie communale dite "Chemin du Château", s'est effondré sur environ dix-huit mètres, en endommageant un appentis voisin ; qu'il ressort du rapport de l'expertise prescrite par les premiers juges que ce sinistre a pour cause une poussée du remblai de la voie en surplomb sur ce mur vétuste, aggravée par les effets des pluies exceptionnelles de début juin 1985, lesquelles ont, au demeurant, été qualifiées de catastrophe naturelle par arrêté interministériel ;
En ce qui concerne la propriété du mur endommagé :
Considérant que la commune conteste le droit à indemnisation des époux X..., en tant qu'il porte sur la reconstruction du mur effondré, au motif que cet édifice ne serait pas leur propriété, mais un élément du domaine public communal ;
Considérant, en premier lieu, qu'à supposer que ce mur assure le soutènement de la voie communale voisine, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de regarder cet immeuble comme un élément du domaine public routier, à défaut de titres corroborant les droits de la commune ; que celle-ci n'apporte aucun élément de nature à établir que, de quelque manière que ce soit, elle serait devenue propriétaire de ce mur ; qu'en tout état de cause, la prescription acquisitive régie par les dispositions du code civil n'a pu entraîner l'incorporation de ce mur dans le domaine public communal ; qu'ainsi, la contestation relative à la propriété du mur ne donne pas naissance à une difficulté sérieuse sur une question de droit privé, que le juge judiciaire devrait être amené à trancher sur renvoi préjudiciel ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort d'éléments concordants du dossier que ce mur, constituant la clôture de la cour arrière de la propriété, se situe dans les limites de celle-ci, comme l'a en outre confirmé une récente opération de bornage ; que, sa structure et son emplacement en font un élément indissociable des bâtiments voisins, auxquels il sert parfois de support ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Ferté Milon n'est pas fondée à soutenir, pour faire échec à la demande des époux X... relative aux conséquences dommageables de l'effondrement de ce mur, que celui-ci serait en réalité une propriété communale ;
En ce qui concerne les conditions de la mise en oeuvre de la responsabilité de la commune :

Considérant que, même en l'absence de toute faute de sa part, la collectivité maître d'ouvrage est responsable de tout dommage anormal directement causé à un tiers par un ouvrage public ; que les événements susévoqués sont constitutifs d'un tel dommage anormal aux biens des époux X..., directement imputable à un mouvement du remblai de la voie communale voisine ; que pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité, la commune invoque uniquement l'absence de toute faute dans l'aménagement et la gestion de sa voirie ; que, comme il a été dit ci-dessus, cette absence de faute du maître d'ouvrage n'est pas de nature à l'exonérer de la responsabilité qu'il encourt envers les tiers ; qu'il résulte de ce qui précède que les premiers juges ont pu, à bon droit, déclarer la commune de La Ferté Milon entièrement responsable des conséquences dommageables de l'effondrement du mur de clôture de la propriété des époux X... ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne le coût de reconstruction du mur effondré :
Considérant, en premier lieu, que le coût des travaux nécessaires à une reconstruction du mur effondré peut être fixé, comme le propose l'expert, à une somme globale de 357 397F ; qu'il n'est pas contesté que cette somme ne correspond qu'aux travaux strictement nécessaires à la remise en état de ce mur, ni que ces travaux soient les moins onéreux possibles ; que, compte-tenu de l'usage que les époux X... faisaient de leur bien, l'amélioration du mur ancien ne justifie pas un abattement pour vétusté ; qu'il résulte de ce qui précède que les époux X... sont fondés, par voie d'appel incident, à obtenir la réformation du jugement attaqué, en tant qu'il a appliqué une réfaction de 10 % pour vétusté sur le coût de reconstruction du mur effondré ; qu'il convient d'y ajouter les indemnités fixées pour les autres éléments du préjudice matériel par les premiers juges, et non contestées en appel, soit :
- 5 487 F pour la remise en état d'un appentis ;
- 10 760 F pour les plantations prévues ;
En ce qui concerne le point de départ des intérêts légaux :
Considérant que c'est à bon droit que le tribunal administratif a fait courir les intérêts légaux qu'il a prévus dans les articles 1 et 2 de son jugement, à compter du dépôt de la requête introductive d'instance soit au 12 mars 1986 ; que le jugement attaqué doit être confirmé sur ce point ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que la somme que la commune de La Ferté Milon doit payer pour réparer les préjudices matériels subis par M. et Mme X..., fixée à l'article 1er du jugement attaqué, doit être portée de 337 905 F à 373 644 F ; que les autres dispositions de cet article 1er, concernant la taxe sur la valeur ajoutée et les intérêts légaux, doivent être maintenues ;
Sur les frais exposés par M. et Mme X... et non compris dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, de condamner la commune de La Ferté Milon à verser à M. et Mme X... une somme de 6 000F ;
Sur la garantie, par l'Etat, des condamnations de la commune :
Considérant que si, en vertu du décret n 61-371 du 13 avril 1961, les communes peuvent obtenir, à titre facultatif, le concours des agents de la direction départementale de l'Equipement, notamment pour la gestion de leur voirie, cette mission est exécutée ... "sous l'autorité du maire" aux termes de l'article 1er du décret précité ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée en pareil cas envers une commune, en raison de la gestion de ses services de voirie, qu'en cas de faute d'un agent de la Direction Départementale de l'Equipement refusant ou négligeant d'exécuter un ordre de l'autorité municipale ; qu'aucune faute de cette nature n'est établie ni même alléguée en l'espèce ; que si la commune soutient que les services de l'Etat auraient assumé une mission de maîtrise d'oeuvre dans l'aménagement de la "Rue du Château", elle n'apporte aucune précision sur le contrat qui aurait été conclu à cette fin, et par suite, elle n'est pas en mesure de préciser la nature des obligations que son cocontractant aurait méconnues dans cette opération ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat ne pouvait engager sa responsabilité envers la commune de La Ferté Milon, à l'occasion du sinistre dont s'agit ; que le ministre appelant est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 5 et 6 du jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné l'Etat à garantir la commune de La Ferté Milon à concurrence de 10 % des sommes mises à sa charge au profit des époux X..., ainsi qu'au titre des frais d'expertise ;
Article 1 : La somme de 337 905F que la commune de La Ferté Milon a été condamnée à verser à M. et Mme X... par l'article 1er du jugement du 11 juin 1993 du tribunal administratif d'Amiens est portée à 373 644F, à laquelle s'ajouteront le montant de la taxe sur la valeur ajoutée au taux en vigueur en mai 1992, et les intérêts au taux légal à compter du 12 mars 1986.
Article 2 : Les articles 5 et 6 du dispositif du jugement susvisé du tribunal administratif d'Amiens sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la commune de La Ferté Milon et de l'appel incident des époux X..., est rejeté.
Article 4 : En application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la commune de La Ferté Milon versera 6 000F à M. et Mme X....
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 11 juin 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Ferté Milon, à M. et Mme X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC00802;93NC00808
Date de la décision : 09/10/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-02-02-03 TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - REGIME DE LA RESPONSABILITE - QUALITE DE TIERS


Références :

Code civil
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 61-371 du 13 avril 1961 art. 1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATHIE
Rapporteur public ?: M. VINCENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1997-10-09;93nc00802 ?
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