(Première chambre)
VU la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour les 20 septembre 1995 et 18 mars 1996, présentés pour la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, ayant pour mandataire Me POUILLOT, avocat ;
La Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement du 6 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions des 19 et 20 juillet 1994 par lesquelles le président du conseil d'administration et d'orientation du Groupe SUPDECO Amiens-Picardie a licencié M. Y... et a condamné la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens à lui verser 3 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rejeter la demande présentée pour M. Y... devant le tribunal administratif d'Amiens et de le condamner à lui verser 15 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le mémoire en défense enregistré le 29 mai 1996 présenté pour M. Y... par la SCP Masse-Dessen et associés, avocats aux Conseils ; il conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens à lui verser 5 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le mémoire enregistré le 21 octobre 1996 présenté pour la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens ; elle conclut aux mêmes fins que la requête ;
VU l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 22 octobre 1996 ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU la loi du 19 avril 1898 ;
VU le décret n 91-739 du 18 juillet 1991 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 1997 :
- le rapport de M. SAGE, Président ;
- les observations de Me PARENTIN substituant Me POUILLOT, avocat de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens, et de Me X... substituant la SCP Masse-Dessen, avocat de M. Y... ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE , Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'un requérant n'est plus recevable, après l'expiration du délai d'appel, à contester pour la première fois la régularité du jugement attaqué ;
Considérant que la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens n'a présenté que dans son mémoire complémentaire enregistré le 18 mars 1996, plus de deux mois après la notification du jugement attaqué, les moyens tirés d'un défaut de visas et de motivation du jugement ; qu'ainsi, ces moyens ne sont pas recevables ; qu'en outre et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait soulevé d'office l'exception d'incompétence de l'auteur de la décision de suppression d'emplois manque en fait ;
Sur la légalité du licenciement de M. Y... :
Considérant que les décisions portant licenciement de M. Y... n'indiquent d'autre motif que la suppression de son emploi ; que, dès lors, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de ces décisions de licenciement, M. Y... était fondé à invoquer devant le tribunal administratif, comme il l'a fait dans son mémoire en réplique, l'exception d'illégalité de la décision réglementaire supprimant son emploi ; qu'à supposer même que d'autres motifs aient pu justifier le licenciement de l'intéressé, la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens ne saurait utilement s'en prévaloir pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant qu'aucune disposition de la loi du 9 avril 1898 ni du décret du 18 juillet 1991 n'autorise la Chambre de Commerce et d'Industrie à déléguer à son bureau, à son président ou aux organes de l'école de commerce le pouvoir de décider des suppressions d'emplois ; qu'une convention passée avec la Chambre régionale de Commerce et d'Industrie ne pouvait légalement prévoir une telle délégation ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 18 juillet 1991 : "Les compagnies consulaires ... adoptent un règlement intérieur relatif à leur organisation et à leur fonctionnement, qui fixe, entre autres dispositions : 1 Les conditions de fonctionnement de leurs différentes instances, en particulier l'assemblée générale, le comité directeur, le bureau, les délégations et les commissions, la périodicité de leurs réunions, les rapports avec les délégués consulaires, les membres associés et les conseillers techniques ainsi que l'organisation administrative des services ..." ; que la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens ne se prévaut d'aucune disposition d'un règlement intérieur, dûment homologué dans les conditions fixées par l'article 50 du même décret, qui lui aurait permis de déléguer le pouvoir de décider des suppressions d'emplois de l'école de commerce ;
Considérant que si le tribunal administratif n'a pas tenu compte de la convention passée entre la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens et la Chambre Régionale en vue de mettre fin à la cogestion de l'école pour la confier à la seule chambre d'Amiens, cette erreur est sans influence sur le sens de sa décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les décisions portant licenciement de M. Y... au motif que les mesures de suppression d'emploi, décidées par le bureau de la chambre sur proposition de son président et approuvés par le conseil d'administration de l'école, avaient été prises par une autorité incompétente ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que M. Y... soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens à payer à M. Y... la somme de 2 000F ;
Article 1 : La requête de la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens est rejetée.
Article 2 : La Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens est condamnée à verser à M. Y... une somme de 2 000F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Chambre de Commerce et d'Industrie d'Amiens, à M. Y... et au ministre de l'intérieur.