(Première chambre)
VU l'ordonnance, en date du 22 février 1995, enregistrée au greffe de la Cour le 13 mars 1995, par laquelle le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la Cour le jugement de la requête présentée pour la société anonyme SCHNITZLER ;
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat les 29 septembre 1994 et 26 janvier 1995, présentés pour la société anonyme SCHNITZLER, dont le siège social est ... (Moselle), représentée par Me PARMENTIER, avocat aux Conseils ;
La société anonyme SCHNITZLER demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 4 août 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités prononcées à son encontre par le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Moselle en application des articles 5 et 6 de la convention d'allocation spéciale du fonds national pour l'emploi ;
2 ) de lui accorder décharge des pénalités qui lui ont été infligées par une décision dudit directeur départemental en date du 11 juin 1993 ;
VU le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 1995, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ;
Il demande à la Cour de rejeter la requête ;
VU le mémoire en réplique, enregistré le 16 octobre 1995, présenté pour la S.A. SCHNITZLER, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
VU le mémoire en réponse, enregistré le 2 janvier 1996, présenté par le ministre du travail et des affaires sociales qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 1997 :
- le rapport de M. MOUSTACHE, Conseiller ;
- et les conclusions de M. COMMENVILLE , Commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, eu égard au libellé des mentions du jugement attaqué, le commissaire du gouvernement doit être regardé comme ayant pris part à la délibération de la chambre ayant donné lieu à ce jugement ; qu'ainsi la S.A. SCHNITZLER est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de celui-ci ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la S.A. SCHNITZLER ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.322-4 du code du travail : "Dans les cas prévus au présent article, peuvent être attribuées par voie de conventions conclues ... avec les entreprises : ... 2 ) des allocations spéciales en faveur de certaines catégories de travailleurs âgés lorsqu'il est établi qu'ils ne sont pas aptes à bénéficier de mesures de reclassement" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention d'allocation spéciale-licenciement du Fonds National de l'Emploi conclue le 29 avril 1991 entre la S.A. SCHNITZLER et le préfet de la région Lorraine, préfet de Moselle, en application des dispositions précitées du code du travail : "Dans tous les établissements concernés par la présente convention, l'entreprise s'engage pendant une période s'étendant de l'admission du premier bénéficiaire aux douze mois suivant la notification du licenciement du dernier bénéficiaire, ou à la date de la dernière transformation d'emploi à temps plein en emploi à mi-temps de la présente convention à soumettre ses embauches sous contrat à durée indéterminée ou sous contrat à durée déterminée d'une durée supérieure à trois mois à l'accord préalable de l'autorité administrative compétente. Cet accord sera réputé tacitement acquis, à défaut de réponse de l'autorité administrative dans un délai de sept jours renouvelable une fois, à compter de la date d'envoi de la demande d'accord, le cachet apposé par l'administration des Postes et Télécommunications faisant foi de la date d'envoi de la demande. En cas d'embauche sans accord préalable une contribution supplémentaire, égale à la participation financière définie ci-dessus, sera versée par l'entreprise pour un nombre de bénéficiaires équivalent au nombre d'embauches réalisées sans accord. En contrepartie, l'entreprise s'engage à compenser chaque départ par l'embauche d'un salarié de la sidérurgie dont l'emploi est supprimé ou d'un demandeur d'emploi direct inscrit depuis plus de douze mois à l'A.N.P.E. (agences de Metz, Thionville ou Hayange) sous contrat à durée indéterminée. Elle n'envisagera pas de mesure de licenciement économique de ces salariés pendant une période de six mois. En cas de non respect de ces engagements, la participation de l'entreprise sera portée à 20 % du salaire de référence moyen des bénéficiaires partis dans le cadre de la convention multiplié par le nombre d'emplois n'ayant pas bénéficié des aides prévues ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que si la S.A. SCHNITZLER était tenue de compenser "nombre pour nombre" le départ des sept salariés âgés de plus de 55 ans ayant bénéficié du régime des allocations spéciales de pré-retraite par l'embauche de nouveaux salariés répondant aux conditions définies au 3e alinéa de l'article 5 précité et de ne pas procéder au licenciement pour motif économique de ces derniers pendant une période de six mois, lesdites stipulations ne faisaient nullement obligation à la société anonyme requérante, en cas de départ volontaire ou pour un motif disciplinaire de ces salariés, de les remplacer afin de maintenir leur effectif en nombre égal à celui des bénéficiaires desdites allocations durant toute la période mentionnée à l'alinéa 1er du même article 5 ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de recruter quatre nouveaux salariés pour compenser le départ de ceux qui avaient quitté l'entreprise soit volontairement soit à la suite d'une procédure de "licenciement pour cause réelle et sérieuse", la S.A. SCHNITZLER n'a pas méconnu les obligations résultant pour elle de la convention qu'elle avait conclue avec l'Etat le 29 avril 1991 ; qu'ainsi c'est à tort que le directeur départemental du travail et de l'emploi de la Moselle a estimé que cette société n'avait pas respecté ses engagements et a, par la décision attaquée du 11 juin 1993, mis à sa charge une somme de 228 952F au titre des pénalités prévues aux articles 5 et 6 de ladite convention ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Strasbourg, la société anonyme SCHNITZLER est fondée à demander, d'une part, que l'ordre de versement émis à son encontre par le directeur départemental du travail et de l'emploi de la Moselle soit annulé et, d'autre part, à être déchargée de la somme susdite ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg, en date du 4 août 1994, est annulé.
Article 2 : La décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Moselle, en date du 11 juin 1993, déclarant la S.A. SCHNITZLER redevable de la somme de 228 952F est annulée.
Article 3 : La S.A. SCHNITZLER est déchargée du paiement de la somme de 228 952F.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. SCHNITZLER et au ministre du travail et des affaires sociales.