Vu la requête et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 28 juillet 1993, 10 septembre 1993, 21 décembre 1993 et 14 janvier 1994 présentés pour M. et Mme Claude Y..., demeurant ..., par X... HARTMANN et autres, avocats ;
M. et Mme Y... demandent à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 18 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge de la somme de 3 600 F correspondant à des retraits frauduleux opérés au moyen d'une carte magnétique 24/24 qui leur avait été volée ;
2° - de leur accorder la décharge demandée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 26 janvier 1994 présenté pour La Poste par la société civile profes-sionnelle PONCET-KAUFFER, avocats ;
Elle demande à la Cour :
1) - de rejeter la requête ;
2° - de condamner M. et Mme Y... à lui verser la somme de 3 551,31 F avec intérêts de droit capitalisés et 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les mémoires enregistrés les 7 avril 1994 et 13 février 1995 présentés pour M. et Mme Y... ;
Ils concluent aux mêmes fins que la requête ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 14 février 1995 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 1995 :
- le rapport de M. SAGE, Président-Rapporteur,
- les observations de Me HARTMANN, avocat de M. et Mme Y..., et Me SAFFROY, avocat de La Poste ;
- et les conclusions de M. LEDUCQ, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du contrat d'adhésion "carte 24/24" souscrit le 24 juillet 1987 par M. et Mme Y... : "Le titulaire de la carte est responsable de la conservation et de l'utilisation de celle-ci. Toutefois, sa responsabilité est dégagée en cas de ... vol ... dès l'accomplissement des formalités, prévues à l'article III ..." ; que ces stipulations, qui n'excluent pas que la responsabilité de l'administration soit engagée en cas de manquement à ses propres obligations contractuelles, ne présentent pas de caractère abusif de nature à les faire réputer non écrites ;
Considérant que l'administration n'a commis de faute contractuelle ni en omettant de spécifier à Mme Y... qu'elle pouvait signaler le vol de sa carte de retrait tous les jours et à toute heure, ni en n'ayant pas prescrit de dispositif de nature à prévenir les retraits supérieurs à l'avoir du compte, ainsi que les retraits successifs le dimanche et le lundi suivant du plafond contractuel de 1 800 F par semaine ; qu'en revanche, l'administration n'établit pas avoir vérifié que les distributeurs automatiques utilisés après le vol de la carte ont permis de respecter l'obligation contractuelle de rendre impossible tout retrait sans utilisation du code confidentiel, alors que Mme Y... soutient avoir pris toute précaution nécessaire afin d'éviter que ce code puisse être découvert par l'auteur du vol ; que, dans ces conditions, la responsabilité de l'administration est engagée à l'égard de Mme Y... ;
Considérant, toutefois, que Mme Y... a elle-même commis des fautes de nature à exonérer partiellement l'administration de sa responsabilité en laissant imprudemment sa carte dans un véhicule stationné de nuit à l'extérieur et en ne déclarant le vol commis le samedi 16 décembre 1989 que le lundi suivant ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en accordant à M. et Mme Y... décharge de la moitié de la somme de 3 600 F frauduleusement retirée sur leur compte, soit 1 800 F ;
Sur les conclusions reconventionnelles de La Poste tendant à la condamnation des époux Y... à lui verser le montant de la somme due :
Considérant que ces conclusions sont présentées pour la première fois en appel, qu'elles sont, dès lors, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que La Poste succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que M. et Mme Y... soient condamnés à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1 : Il est accordé à M. et Mme Y... décharge de la somme de 1 800 F.
Article 2 : Le surplus des conclusions des époux Y... et de La Poste est rejeté.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 18 août 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y..., à La Poste et au ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur.