Vu l'ordonnance en date du 30 juin 1993 enregistrée au greffe de la Cour le 22 juillet 1993 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour en application de l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée par M. TRESFIELD ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 14 décembre 1992 et le 21 décembre 1992 présentés pour M. Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ;
M. TRESFIELD demande que le Conseil d'Etat :
1°/ annule le jugement en date du 22 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a opposé la prescription quadriennale à sa demande relative à l'obtention du bénéfice de l'indemnité d'éloignement ;
2°/ annule cette décision ;
3°/ lui accorde ladite indemnité d'éloignement ;
4°/ condamne l'Etat à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, augmentée des intérêts à compter de sa première demande et des intérêts capitalisés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 1995 :
- le rapport de M. PIETRI, Conseiller-rapporteur,
- et les conclusions de M. LEDUCQ, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 53.1266 du 22 décembre 1953 : "Les fonctionnaires domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable. Les taux et conditions d'attribution de cette indemnité sont identiques à ceux prévus par les articles 2, 4 et 5 du présent décret" ; qu'aux termes du second alinéa de l'article 2 du même décret : "L'indemnité d'éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l'installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, la seconde au début de la troisième année de service et la troisième après quatre ans de service" ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l'Etat ..., toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ..." ; que selon l'article 2 de la même loi : "La prescription est interrompue ... par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur à l'existence, au montant et au paiement de la créance ... Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption" ; que l'article 3 de la même loi prévoit que : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement" ;
Considérant que si l'indemnité d'éloignement constitue une indemnité unique payable en trois fractions, chacune de ces fractions constitue pour son bénéficiaire une créance liquide et exigible à partir du moment où les conditions fixées à l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 précité se trouvent remplies pour chacune d'elles ; qu'il résulte de l'instruction que M. TRESFIELD, originaire du département de la Martinique, a été titularisé en métropole comme gardien de la paix de la police nationale le 1er août 1970 ; qu'ainsi les droits les droits du requérant au versement de l'indemnité d'éloignement lui ont été acquis le 1er août 1970, date à laquelle il est entré dans l'administration, en ce qui concerne la première fraction de cette indemnité, au 1er août 1972 en ce qui concerne la seconde fraction et au 1er août 1974 en ce qui concerne la troisième fraction ; qu'en conséquence il lui appartenait, pour échapper au délai de la prescription quadriennale, de demander le bénéfice de la première fraction de l'indemnité avant le 31 décembre 1974, de la seconde fraction avant le 31 décembre 1976 et de la troisième fraction avant le 31 décembre 1978 ; qu'il est constant que M. TRESFIELD a sollicité l'octroi de l'indemnité d'éloignement par une demande écrite présentée le 30 avril 1982, soit après l'expiration des délais susmentionnés de la prescription quadriennale ; que la circonstance que, dans un avis du 7 avril 1981, le Conseil d'Etat ait donné à l'administration une interprétation des dispositions de l'article 6 du décret du 22 décembre 1953, lequel a été régulièrement publié, n'est pas de nature à faire légitimement regarder M. TRESFIELD comme ayant ignoré l'existence de sa créance alors qu'il lui était loisible de présenter sa demande et, sur le refus de l'administration, de former un recours contentieux pour faire valoir ses droits devant le juge administratif ; que, par suite, l'intéressé ne peut valablement se prévaloir des dispositions de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 précité pour prétendre que la prescription n'a pas couru à son encontre et pour demander, d'une part, l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur sa demande d'attribution de l'indemnité d'éloignement et, d'autre part, la condamnation de l'Etat à lui payer ladite indemnité augmentée des intérêts ; qu'il résulte de ce qui précède que M. TRESFIELD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; Sur les sommes exposées par les parties et non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance ne saurait être condamnée sur le fondement de ces dispositions à indemniser M. TRESFIELD des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par M. TRESFIELD doivent dès lors être rejetées ;
Article 1er : La requête présentée par M. Jacques TRESFIELD est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. TRESFIELD et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.