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30/06/1994 | FRANCE | N°93NC00020

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 30 juin 1994, 93NC00020


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 11 janvier 1993, présentée pour le département de Meurthe et Moselle représenté par le président du conseil général en exercice dûment habilité à ester en justice par délibération en date du 5 février 1993 de la commission permanente dudit conseil général, représenté par la S.C.P.
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et Zillig ;
Le département de Meurthe et Moselle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de condamn

ation de l'Etat à lui verser une somme de 685 389 F assortie des intérêts au taux l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 11 janvier 1993, présentée pour le département de Meurthe et Moselle représenté par le président du conseil général en exercice dûment habilité à ester en justice par délibération en date du 5 février 1993 de la commission permanente dudit conseil général, représenté par la S.C.P.
X...
et Zillig ;
Le département de Meurthe et Moselle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 685 389 F assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la requête en réparation du préjudice résultant de la faute de service commise par des personnels relevant du ministre de l'éducation et de la culture, ainsi qu'une somme de 5 000 F sur le fondement du décret du 2 septembre 1988 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 685 389 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1989 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance en date du 3 mars 1994 par laquelle le président de la 1ère chambre a fixé la clôture de l'instruction à partir du 8 avril 1994 à 16 heures ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 85-97 du 25 juillet 1985 ;
Vu le décret n° 85-348 du 20 mars 1985 ;
Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ensemble le décret n° 92-245 du 17 mars 1992 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 1994 ;
- le rapport de M. Bonhomme, Conseiller-rapporteur,
- les observations de Me X... de la SCP BAUMANN-CHEVALIER et ZILLIG, avocat du Conseil Général de Meurthe et Moselle,
- et les conclusions de Mme Felmy, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le 26 août 1986 les services de la gendarmerie nationale ont constaté, lors d'une ronde nocturne effectuée sur la voie publique, que de l'eau en provenance des bâtiments du collège de Longuyon s'écoulait dans la rue ; que les diligences desdits services ont révélé que l'éclatement d'un manchon placé avant le robinet d'arrêt d'une salle de cours du 2ème étage du bâtiment avait provoqué l'inondation des locaux du collège pendant plusieurs jours par environ 400 mètres cubes d'eau ; que le département de la Meurthe et Moselle, invoquant les fautes commises par le personnel du collège demande que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 685 389 F, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de dépôt de la requête introductive d'instance et correspondant au montant de la part des dépenses que la compagnie d'assurances, auprès de laquelle la collectivité départementale avait contracté une police incendie et dégâts des eaux, a refusé de prendre en charge en raison du dépassement du plafond d'indemnisation fixé contractuellement à 500 000 F ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant que les collèges, lycées et établissements d'éducation spéciale visés par la loi du 22 juillet 1983 modifiée sont des établissements publics locaux d'enseignement qui, en vertu des dispositions des articles 7 et 8 du décret du 30 août 1985 relatif à cette catégorie d'établissements publics, sont dirigés par un chef d'établissement nommé par le ministre de l'éducation, lequel chef d'établissement en sa qualité de représentant de l'Etat au sein de l'établissement prend toutes dispositions pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'établissement ; que l'exercice de cette compétence a notamment pour objet de garantir la pérennité des biens immobiliers mis à la disposition du service public de l'éducation ; que, par suite, en cas de faute commise par le chef d'établissement dans l'exercice de cette mission, l'Etat peut être tenu pour responsable des conséquences dommageables des actes de son représentant sans que les dispositions du paragraphe II de l'article 14 de la loi du 22 juillet 1983 modifié par la loi du 25 janvier 1985, selon lesquelles "le département a la charge des collèges. A ce titre il assure la construction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat", fassent obstacle à ce que le département recherche la responsabilité de l'Etat en cas de dommages causés aux biens dont il a la charge, dès lors que le chef d'établissement exerce cette mission au nom de l'Etat et non pas pour le compte du département, même si pour préserver les locaux eux-mêmes d'un risque qui leur est propre, il lui appartient d'agir en liaison avec les services de cette collectivité locale, conformément aux dispositions de l'article 8 du décret du 30 août 1985 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'aggravation des conséquences dommageables du sinistre dont le département de Meurthe et Moselle demande réparation, a pour origine la fermeture totale de cet établissement scolaire du second degré pendant la période des grandes vacances estivales, sans qu'aucune surveillance appropriée des locaux ait été organisée, qui aurait permis d'éviter la plus grande partie des conséquences dommageables du sinistre ; que l'Etat n'est pas fondé à soutenir qu'en se bornant à prévenir les services locaux de la gendarmerie de la période à laquelle le collège serait fermé, des mesures suffisantes ont été prises par son représentant pour assurer la sécurité des biens ; que, par suite, et sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le remplacement en mai 1986 par le personnel d'entretien de l'établissement du manchon dont la rupture est à l'origine du sinistre est constitutive ou non d'une faute de nature à engager aussi la responsabilité de l'Etat, il y a lieu de condamner l'Etat à réparer les conséquences dommageables du sinistre restées à la charge du département ;
Sur la réparation :
Considérant qu'il n'est pas contesté que, déduction faite de l'indemnité versée par l'assureur de la collectivité locale qui s'élève à 524 144 F, il restera à la charge du département de Meurthe et Moselle au titre des travaux de réfection, évalués à la somme de 1 209 533 F, une somme de 685 389 F ; que l'Etat, qui n'est pas fondé à soutenir que le département aurait commis une imprudence en contractant un contrat d'assurance ne garantissant pas des dommages illimités, doit être condamné à payer cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1989, date de la requête introductive d'instance ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département de Meurthe et Moselle est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire application des dispositions précitées et de condamner l'Etat à verser au département de Meurthe et Moselle une somme de 4 000 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 10 novembre 1992 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer au département de Meurthe et Moselle une somme de 685 389 F assortie des intérêts de droit à compter du 5 juin 1989.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser au département de Meurthe et Moselle une somme de 4 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de Meurthe et Moselle et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93NC00020
Date de la décision : 30/06/1994
Sens de l'arrêt : Annulation condamnation de l'état
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT DU SECOND DEGRE - ADMINISTRATION ET FONCTIONNEMENT DES LYCEES ET COLLEGES - Responsabilité - Collectivité responsable en cas de dommages aux bâtiments aggravés par la carence du chef d'établissement (1).

30-02-02-03, 60-03-02-02-02 La circonstance que le département a la charge de la construction, de l'extension, des grosses réparations, de l'équipement et du fonctionnement des collèges, lesquels sont des établissements publics locaux, ne fait pas obstacle à ce que le département recherche la responsabilité de l'Etat à raison de l'aggravation des dommages causés aux locaux par une fuite d'eau, lorsque cette aggravation est imputable à la carence du chef d'établissement à organiser une surveillance durant les vacances scolaires.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS - Existence d'une faute - Défaut de surveillance de locaux scolaires pendant les vacances.

60-01-03-04 Aggravation des dommages causés aux locaux d'un collège par suite de la rupture d'une canalisation d'eau intérieure, imputable à la fermeture totale de l'établissement pendant la période des grandes vacances estivales, sans qu'une surveillance appropriée des locaux ait été organisée. Ce manquement du chef d'établissement dans sa mission visant à assurer la sécurité des biens engage la responsabilité de l'Etat.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLEMES D'IMPUTABILITE - PERSONNES RESPONSABLES - ETAT OU AUTRES COLLECTIVITES PUBLIQUES - ETAT OU DEPARTEMENT - Carence du directeur d'un collège dans sa mission visant à assurer la sécurité des biens (1).


Références :

Décret 85-924 du 30 août 1985 art. 7, art. 8
Loi 83-663 du 22 juillet 1983 art. 14
Loi 85-97 du 25 janvier 1985

1.

Rappr. CAA de Nancy, 1990-07-10, Lycée d'Etat Jean-Monnet, p. 461


Composition du Tribunal
Président : M. Philippoteaux
Rapporteur ?: M. Bonhomme
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-06-30;93nc00020 ?
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