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30/06/1994 | FRANCE | N°92NC00872;92NC01018

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 30 juin 1994, 92NC00872 et 92NC01018


Vu 1°) enregistrée sous le n° 92NC00872 la requête présentées le 18 novembre 1992 par les époux X... ;
Les époux X... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 octobre 1992 en tant qu'il a omis de statuer sur leur demande de sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel et personnel du jeune Jonathan X... jusqu'à la production de sa créance définitive par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ;
2°) de surseoir à statuer sur l'indemnisation du préjudice du jeune Jonathan X... jus

qu'à production de sa créance définitive par la caisse primaire d'assurance...

Vu 1°) enregistrée sous le n° 92NC00872 la requête présentées le 18 novembre 1992 par les époux X... ;
Les époux X... demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 octobre 1992 en tant qu'il a omis de statuer sur leur demande de sursis à statuer sur l'indemnisation du préjudice corporel et personnel du jeune Jonathan X... jusqu'à la production de sa créance définitive par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ;
2°) de surseoir à statuer sur l'indemnisation du préjudice du jeune Jonathan X... jusqu'à production de sa créance définitive par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Saverne à leur payer une rente annuelle de 391 212 F à titre provisionnel et, subsidiairement, une indemnité de 9 207 284,87 F ;
4°) de surseoir à statuer sur les postes d'aménagement du logement et du préjudice sexuel et d'établissement ;

Vu 2°) enregistrée sous le n° 92NC01018 la requête présentée le 23 décembre 1992 par le centre hospitalier de Saverne ;
Le centre hospitalier de Saverne demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 20 novembre 1992 en tant qu'il a omis de statuer sur sa demande tendant à ce que les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat au titre des frais de séjour du jeune Jonathan X... s'imputeront sur la rente qui lui a été allouée en réparation de l'atteinte portée à son intégrité physique ;
2°) de décider que les sommes versées par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat au titre des frais de séjour du jeune Jonathan X... s'imputeront sur la rente qui lui a été allouée en réparation de l'atteinte portée à son intégrité physique ; ... ... ... ... Vu le mémoire enregistré le 2 février 1993 présenté par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ; la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat demande à la Cour de rectifier le jugement attaqué en tant qu'il a condamné le centre hospitalier de Saverne à lui rembourser une somme de 37 571,13 F déjà incluse dans la somme de 85 315,17 F ; de porter à 91 576,72 F le montant des débours qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Saverne à lui rembourser, soit 6 261,55 F au titre des débours exposés par elle depuis le jugement attaqué avec intérêts au taux légal depuis le 2 février 1993, date d'enregistrement de sa requête ;
Vu les jugements attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 1994 :
- le rapport de M. LE CARPENTIER, Conseiller,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes des consorts X..., du centre hospitalier de Saverne et de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat sont relatives aux conséquences du même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le centre hospitalier de Saverne (Bas-Rhin) reconnu responsable des troubles dont reste atteint, depuis sa naissance, Jonathan X... par un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 18 août 1988, a été condamné à payer une rente annuelle de 129 591 F à M. et Mme X..., ses parents, et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat des débours s'élevant à un montant de 112 886,30 F ; que M. et Mme X..., le centre hospitalier de Saverne et la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat relèvent chacun appel du jugement susmentionné du 22 octobre 1992 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, comme le soutiennent les consorts X... et le centre hospitalier de Saverne, le jugement contesté est entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande présentée devant eux par les parents de la victime de surseoir à statuer jusqu'à la production de sa créance définitive par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ainsi que de condamner le centre hospitalier de Saverne à leur verser une indemnité en capital, et sur la réclamation de ce dernier tendant à ce que les frais de placement éventuel de Jonathan X... dans un établissement spécialisé s'imputent sur le montant de la rente à servir à la victime ; que dès lors le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 octobre 1992 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions des consorts X..., du centre hospitalier de Saverne et de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ; Sur les conclusions des consorts X... :
En ce qui concerne la demande de sursis à statuer :
Considérant que les consorts X... demandent qu'il soit sursis à statuer sur la réparation du préjudice de leur fils Jonathan jusqu'à ce que la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat soit en mesure de faire valoir l'intégralité de sa créance à l'égard de la collectivité publique, reconnue responsable de l'accident ;

Considérant que si les caisses de sécurité sociale sont admises à demander à l'auteur de l'accident occasionné à un assuré social le remboursement des prestations servies par elles dans les limites et conditions prévues par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au juge saisi du litige de différer l'évaluation du préjudice subi par la victime jusqu'à ce que lesdites caisses soient en mesure de produire le montant définitif de leur créance ; qu'il appartient, au contraire, au juge, lorsqu'il est appelé à statuer, de procéder à une telle évaluation, en déterminant, en fonction des éléments dont il dispose, les droits respectifs de la victime et des caisses de sécurité sociale lesquels sont susceptibles d'une modification ultérieure lorsque l'état de santé de la victime le justifie ; que, dès lors, il y a lieu de procéder à l'évaluation du préjudice subi par la victime à la date de la présente décision de façon à en assurer, à cette date, l'entière réparation, nonobstant le caractère non définitif des débours supportés par la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat ;
En ce qui concerne la demande de versement d'un capital :
Considérant qu'il revient au juge, saisi du litige, de décider en fonction des circonstances de l'affaire, si l'indemnisation du préjudice subi par la victime sera assurée par le versement d'une rente ou l'attribution d'un capital ; qu'en l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que l'état de la victime évoluera et qu'il est impossible de connaître actuellement les dommages permanents de toute nature dont elle restera atteinte ; que, dès lors, il convient de réparer le préjudice subi par Jonathan X... par le versement d'une rente annuelle et de réserver ses droits jusqu'à sa majorité en procédant alors à une nouvelle expertise pour fixer définitivement l'indemnité qui lui est due ;
En ce qui concerne le préjudice de Jonathan X... :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Jonathan X... demeure atteint d'une infirmité motrice cérébrale grave avec handicap fonctionnel majeur touchant la statique, la locomotion, les mouvements volontaires de la face, de la bouche et la coordination oculaire, une déficience intellectuelle légère et une épilepsie incomplètement contrôlée, entraînant une incapacité permanente partielle de 95 % nécessitant l'assistance permanente d'une tierce personne ; que les souffrances physiques endurées sont importantes et le préjudice esthétique moyen ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence découlant de cet état de santé en fixant la rente annuelle due à l'intéressé jusqu'à sa majorité par le centre hospitalier de Saverne à la somme de 220 000 F avec jouissance à compter du 1er avril 1990 ; que ladite rente portera intérêts au taux légal à compter, pour les arrérages échus entre cette date et le jour de la présente décision, de leurs échéances respectives ; que cette somme sera indexée à compter de la présente décision en faisant application des coefficients de revalorisation prévus à l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale ; que ladite rente indemnisant l'intégralité des chefs de préjudice de la victime, il n'y a pas lieu de procéder à une indemnisation séparée des souffrances physiques, du préjudice esthétique et des frais nécessités par la présence d'une tierce personne ;
Considérant qu'il ressort également du rapport d'expertise que le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement ne pourront être déterminés que lorsque la victime aura atteint l'âge de la majorité ; que, par conséquent, M. et Mme X... ne sont pas fondés à demander dès maintenant la réparation de tels chefs de préjudice ;
Considérant enfin que si les consorts X... réclament également le paiement des frais d'aménagement de leur logement dont l'expert a reconnu la nécessité, cette demande n'a pas été chiffrée, ni assortie de justificatifs appropriés ; que par conséquent, elle doit être rejetée ;
Sur les conclusions du centre hospitalier de Saverne :
Considérant que, sauf dans le cas où une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé une allocation ou une prestation d'en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à une meilleure fortune, il y a lieu de déduire d'une rente allouée à la victime du dommage dont le service public hospitalier est responsable, tous les éléments d'indemnisation dont bénéficie la victime dans la mesure où ils n'excèdent pas la part d'indemnisation correspondant à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ; que dès lors le centre hospitalier de Saverne est fondé à demander que les frais de placement éventuels du jeune Jonathan X... s'imputeront sur le montant de la rente qui lui est servie dans la limite susindiquée qu'il y a lieu de fixer aux trois-quarts de ladite rente ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat demande la condamnation du centre hospitalier de Saverne à lui rembourser le montant de ses débours en faveur de Jonathan X... qu'elle évalue, dans le dernier état de ses conclusions, à la somme de 285 798,91 F ; que, toutefois, le décompte qu'elle produit à l'appui de sa demande globalisant le montant des dépenses supportées par elle depuis la date de l'accident causé à la victime ne permet pas à la Cour, en raison de l'imprécision des rubriques mentionnées, notamment les postes "divers dont cures" et "forfait soins et éducation spécialisée à domicile" d'en apprécier le bien fondé et le montant ; que, dès lors, avant de statuer sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat, il y a lieu d'inviter cette dernière à fournir à la Cour, un décompte chronologique détaillé des différents postes de dépenses dont elle demande le remboursement ; Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il convient de condamner le centre hospitalier de Saverne à supporter les frais d'expertise liquidés et taxés à 2 500 F par ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg en date du 28 janvier 1991 ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 22 octobre 1992 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Saverne est condamné à payer à M. et Mme X... en qualité de représentants légaux de leur fils mineur Jonathan une rente annuelle de 220 000 F payable par trimestres échus avec jouissance au 1er avril 1990. Le montant de la rente portera intérêts au taux légal à compter, pour les arrérages échus entre cette date et le jour de la présente décision, de leurs échéances respectives. Le montant de la rente sera majoré à compter de la présente décision par application des coefficients de revalorisation prévus à l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 3 : Les droits de Jonathan X... à obtenir à la date de sa majorité, date à laquelle il sera procédé à une nouvelle expertise, la fixation définitive de l'indemnité qui lui est due, sont réservés.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.
Article 5 : Les frais de placement éventuels de Jonathan X... dans une institution spécialisée s'imputeront sur le montant de la rente prévue à l'article 1er ci-dessus dans la limite des trois-quarts de ladite rente.
Article 6 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 500 F sont mis à la charge du centre hospitalier de Saverne.
Article 7 : Avant de statuer sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat, celle-ci est invitée à fournir à la Cour un décompte chronologique détaillé des différents postes de dépenses dont elle demande le remboursement.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme X..., au centre hospitalier de Saverne, à la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92NC00872;92NC01018
Date de la décision : 30/06/1994
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-04-02-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - MODALITES DE LA REPARATION - FORMES DE L'INDEMNITE - RENTE


Références :

Code de la sécurité sociale L376-1, L434-17


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LE CARPENTIER
Rapporteur public ?: Mme FELMY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1994-06-30;92nc00872 ?
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