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17/10/1991 | FRANCE | N°89NC00877

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 17 octobre 1991, 89NC00877


VU la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 décembre 1988 sous le numéro 103819 et le mémoire ampliatif enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 18 avril 1989 sous le numéro 89NC00877, présentés pour la commune de SAINT-LYE (Aube) représentée par son maire en exercice ;
La commune demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 11 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de M. X..., architecte et de M. Y..., couvreu

r, à lui verser diverses sommes en réparation du préjudice résultant ...

VU la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 décembre 1988 sous le numéro 103819 et le mémoire ampliatif enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel le 18 avril 1989 sous le numéro 89NC00877, présentés pour la commune de SAINT-LYE (Aube) représentée par son maire en exercice ;
La commune demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 11 octobre 1988 par lequel le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de M. X..., architecte et de M. Y..., couvreur, à lui verser diverses sommes en réparation du préjudice résultant des désordres affectant les bâtiments du groupe scolaire et du bureau de poste, et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°/ de condamner M. X... et M. Y... à lui verser la somme de 392 812,53 F, ainsi que le coût de remplacement des panneaux composant les plafonds suspendus et une somme de 25 000 F ;
Vu l'ordonnance du 2 février 1989 par laquelle le Président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des marchés publics ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 1991 :
- le rapport de Monsieur DAMAY, Conseiller,
- les observations de Maître THIBAUT, avocat de M. Y...,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R.77 du code des tribunaux administratifs, devenu article R.87 du code des tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel : "La requête introductive d'instance, concernant toute affaire sur laquelle le tribunal administratif est appelé à statuer doit contenir l'exposé sommaire des faits et moyens, les conclusions, nom et demeure des parties" ;
Considérant que par un jugement en date du 11 octobre 1988, le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE a déclaré irrecevable, comme méconnaissant les dispositions de l'article R.77 précité la demande présentée par la commune de SAINT-LYE tendant à la condamnation solidaire de M. X..., architecte, et de M. Y..., entrepreneur, à réparer les désordres affectant les couvertures du bureau de poste, de l'école maternelle et de l'école primaire ; que la commune indiquait toutefois dans ses différents mémoires que les désordres qui avaient empêché que soit prononcée la réception définitive des travaux engageaient la responsabilité de l'architecte et du couvreur en raison des fautes constatées par l'expert désigné par ordonnance de référé et chiffrait son préjudice à la somme de 374 954 F, majorée du coût de remplacement des panneaux composant les plafonds suspendus, d'une somme de 18 858,53 F correspondant aux travaux de mise hors d'eau provisoire effectués par la commune et d'une somme de 25 000 F à titre de dommages-intérêts ; que la requête qui comportait ainsi des conclusions assorties d'un exposé sommaire des faits et moyens était suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R.77 précité ; que par suite le jugement du tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE en date du 11 octobre 1988 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par la commune de SAINT-LYE devant le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE ;
Sur les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE :
Considérant que la demande présentée par la commune de SAINT-LYE devant le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE indiquait que les désordres invoqués avaient empêché que soit prononcée la réception définitive des travaux ; que la commune doit dès lors être regardée comme ayant entendu situer son action uniquement sur le terrain contractuel ;
En ce qui concerne le bureau de poste :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de couverture du bureau de poste ont fait l'objet d'une réception provisoire à la date du 26 avril 1972 et d'une réception définitive à la date du 26 avril 1973 ; que cette réception définitive a mis fin aux relations contractuelles entre la commune de SAINT-LYE et les différents constructeurs ; que par suite les conclusions présentées par la commune en première instance ne peuvent qu'être rejetées, en tant qu'elles concernent le bureau de poste ; En ce qui concerne l'école primaire :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que des infiltrations d'eau étaient déjà apparues le 23 juillet 1976, date à laquelle a été prononcée la réception provisoire des travaux pour les corps d'état autres que la couverture ; que les travaux effectués par M. Y..., couvreur, n'ont par suite fait l'objet ni d'une réception provisoire, ni d'une réception définitive ; que dès lors, il n'avait pas été mis fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et les différents constructeurs à la date à laquelle la commune de SAINT-LYE a formé sa requête devant le tribunal administratif ; que par suite, celle-ci était recevable à rechercher la responsabilité de M. X..., architecte, et de M. Y..., couvreur, sur le terrain contractuel ;
Considérant que les infiltrations d'eau survenues dans les bâtiments de l'école primaire ont pour origine une exécution non conforme aux documents contractuels et aux règles de l'art des travaux de pose des bardeaux bitumineux ainsi que des cheneaux ; que M. Y... ne saurait se décharger de ses obligations contractuelles en invoquant son insuffisante qualification pour effectuer des travaux qu'il avait acceptés en toute connaissance de cause ; que si la mauvaise exécution des travaux incombant à M. Y... a été rendue possible par une négligence dans la mission de direction et de contrôle des travaux confiée à l'architecte, la faute commise par ce dernier n'est pas en l'espèce d'une gravité suffisante pour entraîner sa condamnation solidaire ; que ladite condamnation ne peut être prononcée qu'à titre subsidiaire ;
Considérant que l'évaluation des dommages causés à l'école primaire de la commune de SAINT-LYE du fait de l'exécution défectueuse des travaux de couverture doit être faite à la date à laquelle il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que l'expert désigné par les premiers juges a conclu dans son rapport déposé en octobre 1984 à la nécessité d'une réfection complète de la couverture de l'école primaire et l'a chiffrée à la somme de 206 893 F ; que si la commune n'a pas accepté les conclusions de ce rapport et a demandé, avant de présenter sa demande devant le tribunal administratif, un complément d'expertise lequel n'a pas révélé d'erreur d'appréciation sur le coût des travaux à réaliser, elle ne saurait se prévaloir de cette circonstance pour demander la réévaluation de cette somme, dès lors que l'augmentation du coût des travaux de réfection ne correspond qu'à l'aggravation des dommages par suite de la non-exécution des travaux prescrits par l'expert ; que les désordres étant apparus peu de temps après l'achèvement des travaux, aucun abattement pour vétusté ne peut être pratiqué sur le montant de l'indemnité ;
Considérant par ailleurs que la commune de SAINT-LYE est fondée à demander à être indemnisée d'une somme de 1 800 F correspondant au remplacement des panneaux du plafond de l'école primaire, dont l'expert a constaté la défectuosité en 1984, et d'une somme de 5 000 F correspondant à une juste appréciation du coût des travaux de mise hors d'eau provisoire qu'elle a elle-même effectués ;
En ce qui concerne l'école maternelle :

Considérant qu'aux termes de l'article 6-4 du cahier des prescriptions communes applicables au marché : "La réception définitive des ouvrages aura lieu un an après la réception provisoire" ; qu'il est constant que la réception provisoire des travaux de couverture de l'école maternelle est intervenue le 12 septembre 1974 sans qu'aient été formulées des réserves sur les travaux de couverture exécutés par M. Y..., couvreur ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que la commune volonté des parties ait été de prononcer tacitement la réception définitive des travaux à la date du 12 septembre 1975 ; que dès lors qu'aucune réception définitive des travaux n'était intervenue, il n'avait pas été mis fin aux relations contractuelles entre le maître d'ouvrage et les différents constructeurs à la date à laquelle la commune de SAINT-LYE a formé sa requête devant le tribunal administratif ; que par suite, la commune était recevable à rechercher la responsabilité de M. X..., architecte et de M. Y..., couvreur, sur le terrain contractuel pour les travaux concernant l'école maternelle ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les infiltrations d'eau survenues dans les bâtiments de l'école maternelle ont pour origine une exécution non conforme aux documents contractuels et aux règles de l'art des travaux de pose des bardeaux bitumineux ainsi que des cheneaux ; qu'il n'est pas établi qu'un mauvais entretien de l'ouvrage par la commune de SAINT-LYE ait contribué à provoquer ou à aggraver les désordres constatés par l'expert ; que compte tenu du caractère ponctuel des malfaçons, aucun défaut de surveillance caractérisé ne peut être mis à la charge de l'architecte ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de SAINT-LYE est fondée à demander la condamnation de M. Y..., couvreur, à l'indemniser des frais de réfection de la couverture de l'école maternelle, évalués par l'expert dans son rapport déposé en octobre 1984, date à laquelle la commune devait procéder à la réparation des dommages, à la somme de 63 310 F ; que cette indemnité doit être majorée d'une somme de 300 F correspondant au remplacement de deux panneaux du plafond de l'école maternelle ; que les désordres étant apparus peu de temps après l'achèvement des travaux, aucun abattement pour vétusté ne peut être pratiqué sur le montant de l'indemnité ;
En ce qui concerne la demande de dommages-intérêts :
Considérant que la commune de SAINT-LYE n'apporte aucune justification de la somme de 25 000 F dont elle demande le versement à titre de dommages-intérêts ;
Sur les conclusions présentées devant la Cour administrative d'appel :
En ce qui concerne la mise en oeuvre de la garantie décennale :
Considérant que les conclusions de la commune de SAINT-LYE tendant à mettre en jeu la responsabilité de M. X..., architecte, et de M. Y..., couvreur, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ont été présentées directement devant le juge d'appel et reposent sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle se fondait la demande devant le tribunal administratif ; que lesdites conclusions sont par suite irrecevables ;
En ce qui concerne les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de M. Y... et subsidiairement de M. X... les frais de l'expertise ordonnée le 13 janvier 1983 d'un montant de 5 495 F ; qu'il y a lieu par contre de laisser à la charge de la commune les frais de la seconde expertise ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de SAINT-LYE est fondée à demander, d'une part la condamnation de M. Y... et subsidiairement de M. X... à lui verser une somme de 213 693 F, avec intérêts à compter du 30 mai 1986, jour de la demande, et à lui rembourser une somme de 5 495 F au titre des frais d'expertise et, d'autre part, la condamnation de M. Y... à lui verser une somme de 63 610 F, avec intérêts à compter du 30 mai 1986 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts n'a été demandée que le 20 mai 1987 ; qu'à cette date il n'était pas dû une année d'intérêts ; que dès lors il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts ;
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE en date du 11 octobre 1988 est annulé.
Article 2 : M. Y... et subsidiairement M. X... sont condamnés à verser à la commune de SAINT-LYE la somme de 213 693 F, avec intérêts de droit à compter du 30 mai 1986.
Article 3 : M. Y... est condamné à verser à la commune de SAINT-LYE la somme de 63 610 F avec intérêts de droit à compter du 30 mai 1986.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée le 13 janvier 1983, d'un montant de 5 495 F sont mis à la charge de M. Y..., et subsidiairement de M. X....
Article 5 : Le surplus de la demande présentée par la commune de SAINT-LYE devant le tribunal administratif de CHALONS-SUR-MARNE et le surplus des conclusions de la requête présentée devant la Cour administrative d'appel sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de SAINT-LYE, à M. Y... et à M. X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00877
Date de la décision : 17/10/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - QUESTIONS GENERALES - RECEPTION DES TRAVAUX - RECEPTION DEFINITIVE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION - DATE D'EVALUATION.


Références :

Code civil 1792, 2270
Code des tribunaux administratifs R77
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: DAMAY
Rapporteur public ?: FELMY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1991-10-17;89nc00877 ?
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