Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 1er août 1985 sous le numéro 71050, la requête présentée pour Madame Y... et tendant :
1°) à l'annulation du jugement du 4 juillet 1985 par lequel le tribunal administratif de NANCY a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de la fermeture de la clinique-maternité qu'elle exploitait à Etain (MEUSE) ;
2°) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 400 000 F avec les intérêts de droit ;
Vu l'ordonnance du 19 janvier 1989 par laquelle le Président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier de la requête susvisée à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 75-750 du 7 août 1975 ;
Vu le Code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 1991 :
- le rapport de M. LEGRAS, conseiller,
- les observations de Maître X..., représentant Mme Y...,
- et les conclusions de Mme FELMY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme Y... exploitait depuis 1972 une clinique-maternité de 10 lits à Etain (MEUSE) ; qu'en application des dispositions du décret n° 75-750 du 7 août 1975 elle s'est trouvée dans l'obligation d'attacher à l'établissement qu'elle dirigeait les services d'un médecin-réanimateur et d'un praticien spécialisé en pédiatrie ; que n'ayant pu parvenir à s'assurer le concours de ces spécialistes, elle a été contrainte de mettre fin à l'activité de la maternité dont elle était propriétaire ; qu'elle fait régulièrement appel devant la Cour du jugement par lequel le tribunal administratif de NANCY a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser du préjudice subi ;
Considérant en premier lieu que la requérante se prévaut d'une faute qu'aurait commis le ministre de la Santé en lui indiquant, par une lettre du 3 août 1972, que la clinique-maternité qu'elle envisageait alors d'ouvrir pouvait fonctionner régulièrement ; que toutefois, pour donner un tel renseignement, le ministre se fondait expressément sur le décret du 21 février 1972, applicable à la date de la rédaction de sa lettre ; qu'aucune faute ne peut ainsi lui être reprochée dès lors que les dispositions nouvelles auxquelles la requérante n'a pu satisfaire n'ont été édictées qu'en 1975 ;
Considérant en deuxième lieu que le préjudice né de l'institution de servitudes administratives nouvelles ne peut éventuellement ouvrir droit à réparation que si d'une part le but poursuivi par l'atteinte légale portée à l'égalité devant les charges publiques n'est pas de nature à exclure l'ouverture d'un tel droit et si le préjudice lui-même présente un caractère direct, certain, grave et spécial ; qu'en l'espèce, en adoptant les dispositions du décret du 7 août 1975, l'autorité investie du pouvoir réglementaire a eu pour but d'assurer une meilleure protection de la santé des parturientes et des nouveaux-nés ; qu'eu égard à cet objet lesdites mesures ne peuvent ouvrir droit à indemnisation aux exploitants de maternités auxquels elles sont susceptibles de porter préjudice ;
Considérant en troisième lieu et au surplus qu'il résulte de l'instruction que seuls les refus opposés à Mme Y... par les praticiens spécialisés avec lesquels elle avait pris contact l'ont empêchée de satisfaire aux conditions imposées par le décret du 7 août 1975 ; qu'ainsi la cessation d'activité de son établissement ne peut, être regardée comme la conséquence directe de l'entrée en application dudit décret ;
Considérant en quatrième lieu que ni la proposition d'un emploi de chef de section en maison maternelle faite à Mme Y... par le préfet de la MEUSE au moment de la fermeture de l'établissement de la requérante, ni l'offre de rachat de certains de ses équipements ne peuvent être regardés comme une reconnaissance de responsabilité des services de l'Etat ; que la requérante ne peut, par suite, en tout état de cause se prévaloir utilement de ces propositions ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de NANCY a rejeté sa demande ;
Article 1 : La requête susvisée de Mme Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Y... et au ministre de la Santé.