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29/05/1990 | FRANCE | N°89NC00815

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 29 mai 1990, 89NC00815


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 décembre 1987 sous le numéro 93328 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 4 janvier 1989 sous le numéro 89NC00815, présentée par M. Raymond X..., demeurant à Grandlup et Fay (02250) Liesse, tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 29 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978, 1979 et 1980 ;
- lui accorde la r

duction de l'imposition contestée ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1989...

Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 décembre 1987 sous le numéro 93328 et au greffe de la Cour administrative d'appel le 4 janvier 1989 sous le numéro 89NC00815, présentée par M. Raymond X..., demeurant à Grandlup et Fay (02250) Liesse, tendant à ce que la Cour :
- annule le jugement en date du 29 septembre 1987 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1978, 1979 et 1980 ;
- lui accorde la réduction de l'imposition contestée ;
Vu l'ordonnance du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 15 mai 1990 :
- le rapport de M. Pietri, conseiller,
- et les conclusions de Mme Felmy, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. Raymond X..., exploitant agricole, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des redressements en matière de bénéfices agricoles au titre des années 1978, 1979 et 1980 ; qu'il conteste les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti ;
Sur l'inscription d'une maison d'habitation à l'actif du bilan de l'exploitation agricole :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III du code général des impôts : "Les immeubles bâtis ou non bâtis appartenant à l'exploitant et utilisés pour les besoins de l'exploitation sont obligatoirement inscrits à l'actif du bilan" ;
Considérant que M. X... a fait construire à Courmont, où il exploitait un second domaine agricole, une maison d'habitation d'une valeur de 773 425 F et l'a inscrite à l'actif du bilan de son entreprise le 1er novembre 1978 ; qu'il a comptabilisé en charges, d'une part, au titre des exercices clos en 1979 et 1980, les amortissements correspondants à cette immobilisation, et d'autre part, au titre des exercices clos en 1978, 1979 et 1980, les intérêts d'un emprunt de 500 000 F souscrit pour la construction de ladite maison ;
Considérant que la maison en cause était louée au gendre de M. X..., salarié de l'exploitation et chargé d'assurer la direction du domaine agricole de Courmont ; qu'elle n'était pas affectée, même pour partie, aux besoins de l'exploitation ; que, eu égard à ses dimensions, son agencement et son confort, cette maison ne saurait être regardée comme "utilisée pour les besoins de l'exploitation" au sens de l'article 38 sexdecies D précité ; qu'il suit de là que M. X... ne pouvait inscrire cette maison d'habitation à l'actif du bilan de son exploitation agricole ; que cette inscription constitue un acte anormal de gestion opposable au contribuable ; que ce dernier ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, les dispositions de l'instruction 5-E-7-71 du 20 décembre 1971 qui ne donnent pas une autre interprétation du texte fiscal que celle qui est exposée ci-dessus ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13.1 du code général des impôts, qui est applicable, à défaut de dispositions contraires, pour la détermination du revenu net des différentes catégories : "Le bénéfice ou le revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation des revenus" ; que ces dépenses s'entendent uniquement, sous réserve des dépenses reconnues déductibles du revenu global par l'article 156 du code, de celles qui ont été nécessaires pour acquérir ou conserver les produits bruts retenus pour le calcul des revenus de la catégorie envisagée ; qu'ainsi doivent être regardés comme tels les intérêts des emprunts contractés pour acquérir ou conserver les éléments d'actif qui sont affectés aux entreprises exploitées ou aux professions exercées par le contribuable ; qu'en revanche, et sauf disposition contraire expresse, les frais engagés pour maintenir ou accroître le patrimoine privé du contribuable ne peuvent être déduits des revenus retirés de certains éléments de ce patrimoine ; qu'il en est ainsi notamment des intérêts des emprunts contractés par des particuliers en vue de l'acquisition d'un immeuble destiné à accroître leur patrimoine privé ;
Considérant que M. Raymond X..., qui a contracté un emprunt de 500 000 F pour construire ladite maison, soutient que les intérêts qu'il a versés en 1978, 1979 et 1980 constituaient des dépenses liées à cette construction et à son inscription obligatoire à l'actif du bilan de son exploitation ; qu'il résulte de ce qui est dit ci-dessus que l'immeuble litigieux n'a pas été acquis et utilisé pour les besoins de l'exploitation, mais constitue un élément du patrimoine privé du requérant ; que, dès lors, les intérêts dont il s'agit ne peuvent être déduits de ses revenus imposables ; que, pour le même motif, ce dernier ne saurait prétendre également déduire les amortissements afférents à cette immobilisation ; que l'instruction ministérielle du 10 septembre 1985 étant postérieure à la mise en recouvrement, le 30 avril 1983, des impositions contestées, M. X... ne peut, en tout état de cause, en invoquer les termes sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur l'application de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 sexdecies J de l'annexe III du code général des impôts : "I. Lorsqu'un exploitant réalise un bénéfice supérieur à 50 000 F et excédant deux fois la moyenne des résultats des trois années précédentes, il peut demander que la fraction de ce bénéfice qui dépasse 50 000 F ou cette moyenne si elle est supérieure soit imposée selon les règles prévues à l'article 150 R du code général des impôts ; toutefois, le paiement de l'impôt ne peut être fractionné ... III. Pour la détermination des bénéfices de l'année considérée et des trois années antérieures, il n'est pas tenu compte des déductions ou réintégrations prévues à l'article 38 sexdecies F ni du report des déficits des années précédentes." ; que, selon les dispositions de l'article 39.1 du code général des impôts applicable en matière de bénéfice agricole en vertu de l'article 72 du même code "Le bénéfice net est établi sans déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ...2°) ... les amortissements réellement effectués par l'entreprise ... y compris ceux qui auraient été différés au cours d'exercices antérieurs déficitaires, sous réserve des dispositions de l'article 39 B ..." ; que, d'après les dispositions de l'article 39 B du même code : "Les amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire sont compris dans les charges au même titre que les amortissements visés au premier alinéa du 2° du 1 de l'article 39" ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, sous réserve du délai, le législateur n'a entendu établir aucune distinction entre le report des déficits et celui des amortissements différés ; qu'ainsi, pour l'application de l'article 38 sexdecies J précité de l'annexe III du code général des impôts, les amortissements régulièrement comptabilisés, mais réputés différés en période déficitaire, ne doivent pas, au même titre que les déficits des années précédentes, être pris en compte en vue de la détermination du bénéfice de l'année considérée et des trois années précédentes ;
Considérant que, dès lors que les amortissements réputés différés en période déficitaire ne pouvaient être retenus, M. X... ne remplissait pas la condition prévue à l'article 38 sexdecies J de l'annexe III du code général des impôts pour bénéficier des dispositions de l'article 150 R du code général des impôts ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a effectué les redressements litigieux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, en date du 29 septembre 1987, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en décharge des impositions contestées ;
Article 1 : La requête de M. Raymond X... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Raymond X... et au ministre délégué, chargé du Budget.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 89NC00815
Date de la décision : 29/05/1990
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES AGRICOLES - REGIME DU BENEFICE REEL -Détermination du bénéfice imposable - Actif - Exclusion de l'actif de la maison d'habitation dont l'exploitant est propriétaire lorsqu'elle n'est pas affectée aux besoins de l'exploitation.

19-04-02-04-03 Ne peut être inscrite à l'actif du bilan de l'exploitation agricole la maison d'habitation dont l'exploitant est propriétaire, et qui, eu égard à ses dimensions, son agencement et son confort, ne saurait être regardée comme "utilisée pour les besoins de l'exploitation".


Références :

CGI 13 par. 1, 156, 39 par. 1, 72, 39 B, 150 R
CGIAN3 38 sexdecies D, 38 sexdecies J
Instruction 5E-7-71 du 20 décembre 1971
Livre des procédures fiscales L80 A


Composition du Tribunal
Président : M. Gouardes
Rapporteur ?: M. Pietri
Rapporteur public ?: Mme Felmy

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1990-05-29;89nc00815 ?
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