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15/05/2023 | FRANCE | N°23MA00154

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 15 mai 2023, 23MA00154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 2201335 du 5 janvier 2023, le président du tribunal administratif de Bastia, juge des référés, a condamné le syndicat mixte de valorisation des déchets de Corse (SYVADEC) à verser à M. D... une provision de 34 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2022, a mis à la charge du SYVADEC les frais d'expertise et la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour administrativ

e d'appel de Marseille :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectiveme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 2201335 du 5 janvier 2023, le président du tribunal administratif de Bastia, juge des référés, a condamné le syndicat mixte de valorisation des déchets de Corse (SYVADEC) à verser à M. D... une provision de 34 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2022, a mis à la charge du SYVADEC les frais d'expertise et la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour administrative d'appel de Marseille :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 18 janvier 2023, 3, 17 et 28 mars 2023 et 14 et 28 avril 2023 sous le n°23MA00154, le SYVADEC, représenté par la SELARL itinéraires Avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia en date du 5 janvier 2023 en tant qu'il le condamne au paiement d'une provision de 34 800 euros ;

2°) de fixer une provision à une plus juste proportion ;

3°) de rejeter les conclusions incidentes de M. D... ;

4°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions incidentes sont irrecevables car se rattachant à un litige distinct et en tout état de cause, aucune faute n'a été commise étant observé que M. D... a commis une imprudence et ne démontre pas la réalité des préjudices invoqués ;

-le premier juge n'a pas suffisamment motivé l'évaluation des préjudices, procédant de manière globale et sans indication de méthode ;

-l'évaluation retenue pour les préjudices fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées et des préjudices esthétiques temporaire et permanent de M. D... est manifestement excessive ; il en va de même aussi s'agissant du préjudice d'agrément ;

- la demande portant sur l'assistance par une tierce personne est irrecevable et, en tout état de cause, son évaluation a été aussi manifestement excessive ;

- le préjudice relatif aux troubles dans les conditions d'existence a également été évalué de manière manifestement excessive.

Par des mémoires, enregistrés le 22 février, les 14 et 21 mars 2023 et le 10 avril 2023 M. D..., représenté par Me Perez, conclut :

1°) au rejet de la requête du SYVADEC ;

2°) à l'annulation de l'ordonnance du 5 janvier 2023 en tant que la demande de provision fondée sur la responsabilité pour faute a été rejetée ;

3°)à la condamnation du SYVADEC à lui payer une somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices en lien de causalité direct et certain avec les fautes ;

4°) de mettre à la charge du SYVADEC une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'absence de formation, le défaut de production d'un document unique des risques professionnels actualisé et le caractère accidentogène du lieu de travail conduisent à reconnaître l'existence d'une faute comme déjà développé en première instance. En tout état de cause, il existe un faisceau d'indices pour considérer que l'accident est survenu en raison de l'impossibilité de manipuler une charge lourde en toute sécurité.

Vu la demande enregistrée le 22 février 2023 et présentée pour M. D... tendant à ce que la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille invite le SYDAVEC à lui régler le montant des condamnations figurant aux articles 1 et 3 de l'ordonnance du 5 janvier 2023 et le cas échéant à l'ouverture d'une phase juridictionnelle, au prononcé d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard à l'encontre du SYVADEC à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et à la mise à la charge du SYVADEC d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu le mémoire, enregistré le 4 avril 2023, présenté pour le SYVADEC tendant au non-lieu à statuer sur la demande d'exécution.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. C... A..., premier vice-président, président de la 5ème chambre, pour statuer en référé.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " L'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification " ; que l'article R. 541-5 ajoute : " À l'occasion des litiges dont la cour administrative d'appel est saisie, le président de la cour ou le magistrat désigné par lui dispose des pouvoirs prévus à l'article R. 541-1. (...) " .

2. Il résulte des dispositions précitées de l'article R.541-1, que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

3. M. D..., adjoint technique territorial employé par le SYVADEC, exerce les fonctions d'agent de recyclerie sur le site de Lucciana. Il a été victime, le 11 mai 2019, d'un accident imputable au service. Il a saisi le SYVADEC, le 18 janvier 2022, d'une réclamation tendant à ce que lui soit versée une indemnité de 43 380 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis. Sa demande a été rejetée par un courrier du 21 février 2022. M. D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de condamner le SYVADEC, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 51 901,14 euros. Le SYVADEC relève appel de l'ordonnance du 5 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal l'a condamné à verser à M. D... une provision d'un montant de 34 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2022. M. D... conclut au rejet de l'appel et à la condamnation du SYVADEC à lui payer une somme provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices en lien de causalité direct et certain avec les fautes.

Sur la régularité de l'ordonnance :

4. Le juge des référés du tribunal a indiqué dans son ordonnance qu'il résultait de l'instruction, notamment des conclusions du rapport de l'expertise judiciaire prescrite le 23 juin 2021 que M. D... présentait un déficit fonctionnel temporaire au taux de 25 % du 11 mai 2019 au 21 septembre 2019 puis du 6 novembre 2019 au 30 avril 2021, date de consolidation de son état de santé à l'âge de trente-cinq ans, au taux de 100 % du 22 au 24 septembre 2019 et de 50 % du 25 septembre 2019 au 5 novembre 2019, qu'il conservait un déficit fonctionnel permanent fixé à 10 %, qu'il endurait des souffrances estimées à 3 sur une échelle de 7 et qu'il subissait un préjudice esthétique temporaire et permanent évalué respectivement à 1,5 sur 7 et à 0,5 sur 7. Au vu de ces éléments, le premier juge a considéré que l'obligation du SYVADEC au titre de l'indemnisation de ces préjudices revêtait un caractère de certitude suffisant à hauteur de la somme de 30 000 euros. Eu égard à son office et s'agissant de la même catégorie de préjudices dits " extra-patrimoniaux ", le premier juge a pu valablement se prononcer sur l'ensemble de ces préjudices et accorder une somme provisionnelle globale d'un montant de 30 000 euros. Par suite, même succincte et non assortie d'une méthode de calcul, cette motivation est suffisante.

Sur les provisions accordées :

5. Il résulte du rapport de l'expert judiciaire que M. D..., né en 1985, a été victime d'un accident de service qui lui a causé une entorse avec déchirure du ligament triangulaire. Hospitalisé du 22 septembre au 24 septembre 2019, une réparation chirurgicale du ligament et ténolyse de l'extenseur carpien ulnaire a été faite sous arthroscopie. L'avant-bras a été immobilisé avant et après l'opération jusqu'au 5 novembre 2019, suivi de séances de rééducation. Le comité médical a décidé que l'arrêt de travail était justifié jusqu'au 30 avril 2021, le travail a été repris à 70% en mai 2021 puis à temps plein le 1er août 2021. L'expert indique une flexion palmaire 80° (N 90), une flexion dorsale 70° (N 80), une supination et une pronation complètes, une inclinaison radiale 10° (N 20) et une inclinaison cubitale 20° (N 40°). Il précise aussi la présence " d'une cicatrice de 4 cm sur le bord cubital du poignet et 2 de 1 cm postérieure. Il ajoute également une mobilité des doigts complète, aucun déficit sensitif ou moteur des nerfs médian et cubital, une force de la pince diminuée, grip de l'outil et grip sphérique diminués et une perte de force d'environ 2/3.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

6. En reprenant chaque prétention indemnitaire de M. D..., le SYVADEC soutient que le premier juge a fait une évaluation manifestement excessive de ses préjudices. Mais, au vu des conclusions de l'expertise judiciaire mentionnées aux points 4 et 5, dont le bien-fondé ne peut valablement être remis en cause par les " conclusions administratives " d'un cabinet d'expertises médicales datées du 22 juillet 2020 et dépourvues de toute précision, il ne résulte pas de l'instruction que le premier juge ait fait une évaluation excessive de ces préjudices.

En ce qui concerne le préjudice d'agrément et les troubles dans les conditions d'existence :

7. Il résulte en particulier du rapport de l'expertise judiciaire et il n'est pas véritablement contesté que M. D... a subi un préjudice d'agrément résultant de la cessation d'un sport et a enduré, en raison des conséquences de l'accident de service décrites par l'expert judiciaire, des troubles dans les conditions d'existence. Par suite, les montants retenus par le juge des référés du tribunal ne sont pas sérieusement contestables et doivent être confirmés.

En ce qui concerne le recours à l'assistance d'une tierce personne :

8. M. D... a présenté une demande préalable au SYVADEC qui a été rejetée le 23 février 2022. Il a alors saisi le président du tribunal administratif d'un référé provision enregistré le 1er novembre 2022. La circonstance que M. D... n'ait pas formulé dans sa réclamation préalable le préjudice d'assistance ne rend pas cette demande irrecevable dès lors que la décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Pour le surplus, il y a lieu, en adoptant les motifs appropriés et non sérieusement contestés du premier juge, de mettre à la charge du SYVADEC la somme de 2 300 euros pour ce chef de préjudice.

9. Au total et alors, en tout état de cause, que la demande portant sur le préjudice moral a été rejeté à juste titre et par une motivation qu'il convient d'adopter, le SYVADEC n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée il a été condamné à verser une somme provisionnelle de 34 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2022.

Sur le rejet de la demande provisionnelle de M. D... portant sur la responsabilité pour faute :

10. M. D... soutient que l'absence de formation, le défaut de production d'un document unique des risques professionnels actualisé et le caractère accidentogène du lieu de travail présenteraient un caractère fautif susceptible d'engager la responsabilité du SYVADEC. Toutefois, le SYVADEC conteste l'ensemble de cette argumentation. Le SYVADEC fait valoir sans être utilement contredit l'expérience et l'ancienneté de M. D..., la formation annuelle intitulée " quart d'heure de sécurité, gestes et postures ", produit le livret d'accueil alertant sur les risques liés à la manutention et la nécessité d'adapter les gestes et postures à chaque manutention. Il s'oppose aussi au caractère accidentogène du lieu de travail lequel, du reste, n'est notamment** pas démontré par les photographies fournies par M. D.... Dès lors et en l'état de l'instruction, l'obligation invoquée ne peut être regardée comme présentant le caractère non sérieusement contestable. Par suite et en tout état de cause, les conclusions de M. D... ne peuvent être que rejetées.

Sur la demande d'exécution présentée par M. D... :

11. Cette demande, enregistrée le 22 février 2023, est en phase administrative et ne peut, à ce stade et en tout état de cause qu'être rejetée.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Il y a lieu de mettre à la charge du SYVADEC une somme de 1 500 euros à verser à M. D... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions du SYVADEC tendant à l'application de ces dispositions doivent être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du SYVADEC est rejetée.

Article 2 : Le SYVADEC versera à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... D... et au syndicat de valorisation des déchets de Corse.

Fait à Marseille, le 15 mai 2023.

23MA00154 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 23MA00154
Date de la décision : 15/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ - LACROIX - REY - VERNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-15;23ma00154 ?
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