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21/01/2022 | FRANCE | N°21MA00740

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 21 janvier 2022, 21MA00740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à lui verser une provision de 830 300 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'aggravation de son état de santé.

Par une ordonnance n° 2000389 du 25 janvier 2021, le juge des référés du tribun

al administratif de Nice a condamné le CHRU de Nice à verser à Mme A... une provisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Nice à lui verser une provision de 830 300 euros à valoir sur l'indemnisation définitive des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'aggravation de son état de santé.

Par une ordonnance n° 2000389 du 25 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné le CHRU de Nice à verser à Mme A... une provision de 663 900 euros, outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21MA00740, le 19 février 2021, et un mémoire enregistré le 3 mai 2021, non communiqué, le CHRU de Nice, représenté par Me Martin, demande à la Cour :

1°) à titre principal :

- d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 25 janvier 2021 ;

- statuant en référé, de rejeter la requête de Mme A... ;

- de renvoyer Mme A... à la saisine de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour l'indemnisation de l'aggravation de son préjudice ;

- de déclarer l'Etat responsable à l'égard du CHRU de Nice de la vaccination obligatoire sur son agent et ses conséquences ;

2°) à titre subsidiaire :

- de condamner l'Etat à le garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

- de ramener les sommes dues à de plus justes proportions ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Il soutient que :

- Mme A... ne peut prétendre à la réparation intégrale de son préjudice dès lors qu'aucune faute à l'origine de l'accident de service n'est imputable au CHRU de Nice ;

- le préjudice lié à l'inaptitude physique de Mme A... doit être indemnisé par la caisse des dépôts et consignations ;

- la pathologie rénale de Mme A..., son hospitalisation intervenue en avril 2017, et le fait qu'elle ne puisse plus conduire ne sont pas en lien avec l'aggravation de la sclérose en plaques ;

- le lien entre l'apparition en 1992 de la sclérose en plaques de Mme A... et les injections de vaccin contre le virus de l'hépatite B qu'elle a reçues, à titre obligatoire, dans le cadre de son activité professionnelle, n'est pas établi ;

- Mme A... doit être indemnisée par l'ONIAM en application des nouvelles dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique ;

- Mme A... a d'ores et déjà été indemnisée de son préjudice par l'Etat ;

- à titre subsidiaire, le montant de la provision allouée doit être ramené à de plus justes proportions.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Tora, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du CHRU de Nice ;

2°) par la voie de l'appel incident, de condamner le CHRU de Nice à lui verser une provision de 830 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'aggravation de son état de santé ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'aggravation de son état de santé est due à la sclérose en plaques dont elle est atteinte ;

- le lien de causalité entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B a été reconnu par un arrêt définitif de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 octobre 2019 ;

- le tribunal administratif de Nice a jugé de façon définitive par jugement du 16 juin 2010 que la sclérose en plaques dont elle est atteinte est une maladie imputable au service ;

- le tribunal administratif de Nice a rejeté, par jugement du 10 août 2020, le recours subrogatoire du CHRU contre l'Etat au titre des indemnités qu'il a déjà versées ;

- elle demande réparation de l'aggravation de son état de santé ;

- il n'y a pas lieu d'appeler la caisse des dépôts et consignations dans la cause dès lors qu'elle ne sollicite pas l'indemnisation du préjudice lié à l'incidence professionnelle, mais l'indemnisation de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent évaluée à 50 % par l'expert ;

- elle doit être indemnisée à titre provisionnel à hauteur de 300 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total ;

- elle doit être indemnisée à titre provisionnel à hauteur de 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire permanent ;

- elle doit être indemnisée à titre provisionnel à hauteur de 5 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 100 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 5 000 euros au titre du préjudice esthétique ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 500 000 euros au titre de l'assistance par une tierce personne ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de 200 000 euros au titre des frais de logement adapté.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 21MA01220, le 26 mars 2021, et un mémoire enregistré le 22 avril 2021, non communiqué, le CHRU de Nice, représenté par Me Martin, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 541-6 du code de justice administrative, d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 25 janvier 2021.

Il soutient que :

- l'exécution de l'ordonnance du 25 janvier 2021 l'exposerait au risque de la perte définitive de la somme de 663 900 euros, outre celle de 2 000 euros au titre des frais d'instance, ce qui entraînerait des conséquences difficilement réparables ;

- il présente des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande de première instance de Mme A....

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Tora, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du CHRU de Nice ;

2°) d'enjoindre au CHRU de Nice de lui payer la somme de 665 900 euros sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHRU de Nice ne démontre pas que l'exécution de l'ordonnance attaquée entraînerait des conséquences difficilement réparables ;

- il n'existe aucun moyen sérieux de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Alfonsi, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes du CHRU de Nice visées ci-dessus sont dirigées contre la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur la requête n° 21MA00740 :

2. Par un arrêt du 15 octobre 2009 devenu irrévocable, la cour administrative de Marseille, après avoir admis le lien de causalité entre la vaccination obligatoire contre l'hépatite B qu'elle a subie en 1991 et 1992 alors qu'elle était employée en qualité d'infirmière par le CHRU de Nice et la sclérose en plaques dont elle a été atteinte, a condamné l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de santé publique dans sa rédaction alors applicable, à payer à Mme A... une indemnité de 100 220,30 euros en réparation des préjudices résultant de cette vaccination. Par ailleurs, Mme A..., dont la sclérose en plaque avait été reconnue imputable au service, a formé une demande devant le tribunal administratif de Nice qui, par jugement du 18 novembre 2016, a condamné le CHRU de Nice à lui payer une indemnité complémentaire de 52 300 euros, sur le fondement de la responsabilité sans faute encourue par un employeur public à l'égard de ses agents victimes d'une maladie imputable au service.

3. A la suite du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée le 5 juin 2019 par le juge des référés de la cour, Mme A... a obtenu la condamnation du CHRU de Nice à lui payer une indemnité provisionnelle de 663 900 euros à valoir sur la réparation des conséquences de la sclérose en plaques dont elle a été atteinte par une ordonnance du 25 janvier 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Nice, dont le CHRU de Nice relève appel. Par la voie de l'appel incident, Mme A... demande que le montant de la provision qui lui a été accordée en première instance soit élevé à la somme de 830 300 euros.

4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

Sur la responsabilité du CHRU de Nice :

5. Aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique dans sa rédaction d'origine, applicable au cas d'espèce : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre est supportée par l'Etat. (...) ".

6. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise déposé le 28 octobre 2019, que l'aggravation de l'état de santé de Mme A... est imputable de façon certaine, directe et exclusive à la sclérose en plaques dont elle est atteinte. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la sclérose en plaques ayant été reconnue imputable au service par une décision du directeur du CHRU de Nice du 12 octobre 2010, c'est par conséquent à bon droit que le premier juge a retenu que la créance dont Mme A... se prévalait à l'encontre du CHRU présente un caractère non sérieusement contestable.

Sur les conclusions aux fins d'appel en garantie :

8. Eu égard au jugement du 10 août 2020, dont le CHRU de Nice n'a pas relevé appel, par lequel le tribunal administratif de Nice a considéré que le CHRU n'était pas fondé à demander à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les indemnités qu'il avait été condamné à verser à Mme A... par le jugement du 18 novembre 2016 précité, il n'apparaît, pas en l'état de l'instruction, que l'obligation de l'Etat, ou même de l'ONIAM, à l'égard de Mme A..., soit sérieusement non contestable. Dans ces conditions, l'appel en garantie formé par le CHRU de Nice contre l'Etat doit être rejeté.

Sur le montant des préjudices :

9. Le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des frais de logement adapté :

10. Il résulte de l'instruction qu'au mois de mai 2019, Mme A... a dû déménager de chez ses parents, qui jusqu'alors lui portaient assistance pour les besoins de la vie courante, afin de s'installer dans un foyer pour seniors en perte d'autonomie. Ainsi que l'a relevé le premier juge, la circonstance que ce poste de préjudice n'ait pas été expressément prévu dans la mission de l'expert est sans incidence sur l'obligation incombant à l'expert de se prononcer sur l'ensemble des préjudices, le CHRU n'ayant au demeurant produit aucune observation au cours des opérations de l'expertise réalisées au contradictoire des parties. En revanche, il ressort de l'instruction que le loyer mensuel correspondant à l'appartement occupé par Mme A... est de 1 520 euros, et que le loyer mensuel dont elle s'acquittait lorsqu'elle vivait de façon autonome avant d'emménager chez ses parents était de 600 euros. Pour la période comprise entre le mois de mai 2019 et la date de la présente ordonnance, il y a lieu d'allouer à Mme A... une somme provisionnelle de 28 520 euros au titre de ce chef de préjudice.

11. Pour la période postérieure à la date de la présente ordonnance, il apparaît que l'indemnisation du surcoût des frais de logement adapté sous la forme d'une rente trimestrielle constitue, en l'état de l'instruction, la modalité de réparation la plus équitable. Cette rente trimestrielle sera déterminée par la différence de loyer entre le logement nécessaire à l'aggravation de l'état de santé de la requérante et le loyer qu'elle payait lorsqu'elle était encore autonome, ainsi qu'il vient d'être dit au point 10. La rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

S'agissant de l'assistance par une tierce-personne :

12. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise déposé le 28 octobre 2019, que l'aggravation de l'état de santé de Mme A... nécessite une assistance par une tierce personne à hauteur de 975 heures par an depuis le 18 novembre 2016, soit 2,67 heures par jour, comprenant l'aide pour les actes courants de la vie domestique, ainsi que la gestion administrative.

14. Mme A... soutient que le taux horaire à appliquer pour le calcul de l'indemnité à lui allouer est de 25 euros. Il résulte cependant de l'instruction que les tarifs de l'organisme d'aide à la personne auquel elle fait appel, et produits uniquement pour la période du 1er décembre 2019 au mois de mai 2020, font état d'un coût horaire moindre, soit 20,70 euros pour les heures effectuées du lundi au samedi, et 25,10 euros pour les heures effectuées les dimanches et jours fériés, et ce à compter du 1er mars 2020.

15. Eu égard à ce qui vient d'être dit, et en particulier aux incertitudes en ce qui concerne le montant du tarif horaire à appliquer en fonction des différentes périodes à prendre en compte, il y a lieu d'admettre que la créance relative à l'assistance par une tierce personne présente un caractère non sérieusement contestable dans une limite résultant de l'application du taux horaire de 13 euros jusqu'au 31 décembre 2017, de 14 euros à compter du 1er janvier 2018, et de 15 euros à compter du 1er janvier 2021, calculé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours augmenté des charges sociales, et sur la base d'une année de 412 jours afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail.

16. En application des principes et modalités qui viennent d'être énoncés, les frais liés à l'assistance par une tierce personne non spécialisée, pour la période comprise entre le 18 novembre 2016 et la date de la présente ordonnance, représentent ainsi la somme de 79 003,97 euros, de laquelle il convient de déduire le montant de la prestation de compensation du handicap de 533,10 euros par mois perçue à compter du 1er août 2018, soit 21 857,10 euros. L'indemnité provisionnelle du préjudice liée à l'assistance par une tierce personne pour la période précitée doit donc être évaluée à la somme de 57 146, 87euros.

17. Pour la période postérieure à la date de la présente ordonnance, il apparaît que l'indemnisation du coût de l'assistance par une tierce personne sous la forme d'une rente trimestrielle constitue, en l'état de l'instruction, la modalité de réparation la plus équitable. Cette rente trimestrielle sera déterminée, en l'état de l'instruction, selon les modalités exposées au point 15, à raison de 2,67 heures par jour et un coût horaire de 15 euros, et sera versée à chaque trimestre échu, déduction faite, le cas échéant, des prestations mentionnées au point précédent que Mme A... aura perçues. La rente sera revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 28 octobre 2019, que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 19 au 28 avril 2017, l'expert ayant retenu que la tentative de suicide de la requérante résulte de l'état dépressif consécutif à l'aggravation de son état de santé, puis du 5 au 10 décembre 2017, en raison d'une hospitalisation pour une majoration des troubles de l'équilibre et une diplopie.

19. S'agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que, pour la période du 19 novembre 2016 au 4 décembre 2017, le taux, qui correspond au déficit fonctionnel permanent antérieur, est évalué à 20%. Pour la période du 11 décembre 2017 au 18 septembre 2019, date de stabilisation retenue par l'expert, le taux est évalué à 70%.

20. Il y a lieu d'admettre que la créance relative au déficit fonctionnel temporaire total et partiel présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de la somme de 9 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

21. Il résulte du rapport d'expertise que le déficit fonctionnel permanent de Mme A... est fixé à 70%, avec une aggravation qui est évaluée à 50% depuis le jugement du tribunal administratif de Nice du 18 novembre 2016. Le CHRU de Nice n'est pas fondé à soutenir que Mme A... ne pourrait être indemnisée pour ce chef de préjudice au motif qu'elle bénéficierait d'une rente d'invalidité ou d'une allocation temporaire d'activité, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, ces deux réparations forfaitaires ont pour seul objet d'indemniser les pertes de revenus et l'incidence professionnelle. Mme A... étant âgée de 56 ans au 18 septembre 2019, date de stabilisation retenue par l'expert, il y a lieu d'admettre que la créance relative au déficit fonctionnel permanent présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 110 000 euros.

S'agissant des autres préjudices extrapatrimoniaux :

22. C'est par une juste appréciation des souffrances endurées par Mme A..., évaluées à 3 sur une échelle de 7 en raison d'une chute avec fracture vertébrale et du traitement en résultant, et de la dépression liée au contexte morbide, que le premier juge a fixé à la somme de 3 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de ce chef de préjudice.

23. Concernant l'aggravation du préjudice esthétique, évalué à 3,5 sur une échelle de 7, en raison d'une démarche disgracieuse et claudicante avec béquilles, attitude en flexion et oscillations permanentes, il y a lieu d'allouer à Mme A... une indemnité provisionnelle d'une somme de 5 000 euros.

24. Il y a lieu d'allouer, pour l'aggravation du préjudice d'agrément, établi par l'expert concernant les activités de loisirs, sportives ou sociales, mais pour lequel Mme A... n'explicite pas la nature des activités résiduelles qu'elle ne pourrait plus pratiquer, une somme provisionnelle de 2 000 euros.

25. Il résulte de ce qui précède que le CHRU de Nice est seulement fondé à demander à ce que la provision de 663 900 euros que le juge des référés du tribunal administratif de Nice l'a condamné à verser à Mme A..., soit ramenée à la somme de 214 666,87 euros. Mme A... n'est pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, à ce que la provision mise à la charge du CHRU de Nice soit portée à la somme de 830 000 euros.

Sur la requête n° 21MA01220 :

26. Le juge des référés de la cour statuant par la présente ordonnance sur les conclusions de la requête du CHRU de Nice tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée, les conclusions de sa requête n° 21MA01220 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

27. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des partie la charge de ses propres frais d'instance.

ORDONNE

Article 1er : Le montant de l'indemnité que le CHRU de Nice est condamné à payer à Mme A... est ramené à la somme de 214 666,87 euros.

Article 2 : Le CHRU de Nice est condamné à payer à Mme A... des rentes trimestrielles calculées selon les modalités précisées aux points 11 et 17 de la présente décision.

Article 3 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 25 janvier 2021 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 4 : Le surplus des conclusions du CRHU de Nice est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de Mme A... présentées par la voie de l'appel incident, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA01220 tendant au sursis à l'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice.

Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier régional universitaire de Nice et à Mme B... A....

Fait à Marseille, le 21 janvier 2022.

2

N°21MA00740,21MA01220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 21MA00740
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision - Sursis de l'ordonnance accordant la provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : TORA;TORA;CABINET MARTIN - VERGER - DEPO - GAYETTI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-21;21ma00740 ?
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