Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Maussane-les-Alpilles a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement le groupement de maîtrise d'oeuvre, constitué de M. A... C... mandataire, de la société Best Melchers, de la société Malnuit devenue Eté, et de M. D... F..., ainsi que la société Isnard et Fils à lui verser la somme, d'une part, de 454 013,49 euros toutes taxes comprises à titre de provision sur les sommes qui lui sont dues pour les travaux de remise en état des installations de chauffage-climatisation, à la suite de l'exécution d'un marché public de travaux, et, d'autre part, de 81 655,84 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise.
Par une ordonnance n° 1700900 du 6 janvier 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à cette demande en ce qu'il a condamné solidairement le groupement de maîtrise d'oeuvre, constitué de M. A... C..., mandataire, de la société Best Melchers, de la société Malnuit devenue Eté, et de M. D... F..., ainsi que la société Isnard et Fils à verser à la commune de Maussane-les-Alpilles une provision de 494 538,04 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2017 et de leur capitalisation à compter du 7 février 2018 ainsi qu'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2021 sous le n° 21MA00292, M. C..., pris tant en son nom personnel qu'en sa qualité de mandataire du groupement constitué de la société Best Melchers, de la société Malnuit Eté et de M. F..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) à titre principal, d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par la commune de Maussane-les-Alpilles devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société Malnuit devenue Eté et la société Isnard et Fils à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Maussane-les-Alpilles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de première instance de la commune de Maussane-les-Alpilles est irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre un groupement de maitrise d'oeuvre qui n'a pas la personnalité morale ; le tribunal ne pouvait, à cet égard, condamner solidairement un groupement qui en était dépourvu ;
- l'action de la commune de Maussane-les-Alpilles est irrecevable dès lors qu'elle n'a pas produit la délibération donnant à son représentant légal qualité pour agir ;
- le rapport d'expertise ne retient aucune responsabilité à son égard, compte tenu de la mission qui lui était impartie et des désordres très spécifiques affectant le lot n° 11 " génie climatique " ;
- les éléments du dossier ne permettent pas de retenir le caractère décennal du désordre en cause, dont la qualification ne peut relever que de l'examen du juge du fond et non du seul juge des référés ;
- le désordre est entièrement imputable à un défaut de réalisation et non à une faute dans la conception ou dans la rédaction du CCTP, ce qui caractérise une contestation sérieuse sur la responsabilité de l'équipe de maitrise d'oeuvre ;
- à titre subsidiaire, et eu égard à son absence de responsabilité et au caractère limité de sa mission, la société Isnard et Fils et la société Malnuit devenue Eté doivent être condamnées à le garantir de l'intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2021, la commune de Maussane-les-Alpilles, prise en la personne de son maire en exercice, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête de M. C... est irrecevable en tant qu'elle présente des moyens nouveaux non produits en première instance ;
- elle a dirigé sa requête contre chacun des membres du groupement de maitrise d'oeuvre, pris individuellement, afin d'obtenir leur condamnation solidaire et non la condamnation du groupement ; elle n'a du reste pas mentionné le groupement mais bien " l'équipe " de maîtrise d'oeuvre dans sa requête ; enfin, le requérant oublie de préciser que le groupement est solidaire aux termes de l'acte d'engagement ;
- elle a donné délégation à son maire pour intenter les actions en justice nécessaires par délibération du 29 janvier 2016 ;
- les contestations de M. C... ne sont pas sérieuses et les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité décennale sont bien réunies ;
- la non-conformité des installations de chauffage-climatisation rend l'ouvrage impropre à sa destination ;
- la difficile détermination des personnes débitrices de l'obligation n'est pas un critère qui permet d'apprécier le sérieux de l'obligation ;
- il ne relève pas de la compétence du juge des référés de se prononcer sur les responsabilités réciproques, et ce à plus forte raison lorsqu'une condamnation solidaire est demandée ;
- en l'occurrence, l'imputabilité des désordres ne saurait souffrir d'aucune contestation possible, au vu des conclusions du rapport d'expertise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision du 1er septembre 2020 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Guy Fédou, président de la 6ème chambre, pour juger les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la construction d'une salle polyvalente et d'un parc urbain, la commune de Maussane-les-Alpilles a passé, sur appel d'offres ouvert, un marché public de travaux, composé de vingt lots, ayant pour objet " la construction d'une salle polyvalente et parc urbain de Maussane-les-Alpilles ". La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement composé du cabinet d'architecture C..., du bureau d'étude structure Best Melchers, du bureau d'étude fluide Malnuit devenu Eté et du bureau Jean-Paul F.... M. C... a été désigné mandataire de ce groupement. Par un acte d'engagement du 17 juin 2005, le lot n° 11 " génie climatique " a été confié à la société Isnard et Fils, assurée auprès de la MAAF, pour un montant de 269 884,90 euros hors taxes. La réception des travaux a été prononcée sans réserves le 1er février 2008 avec effet au 28 janvier 2008. Le 17 janvier 2008, la commune de Maussane-les-Alpilles a passé un contrat de conduite et de maintenance des installations avec la société Dalkia France, laquelle a procédé, eu égard à l'importance des désordres constatés par la commune postérieurement à la réception, à de multiples interventions de réparations et de remise en état. La commune de Maussane-les-Alpilles a alors saisi le tribunal administratif de Marseille afin d'obtenir la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 13 juillet 2016.
2. M. C... relève appel de l'ordonnance en date du 6 janvier 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a reconnu la responsabilité décennale de la société Isnard et du groupement de maitrise d'oeuvre, constitué de M. A... C... mandataire, de la société Best Melchers, de la société Malnuit devenue Eté, et de M. D... F..., et les a condamnés solidairement à verser à la commune de Maussane-les-Alpilles la somme de 494 538,04 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2017 et de leur capitalisation à compter du 7 février 2018 sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Maussane-les-Alpilles :
Sur la régularité de l'ordonnance :
3. En premier lieu, il résulte de l'examen des pièces du dossier de première instance que la requête de la commune de Maussane-les-Alpilles était dirigée contre " L'équipe de maîtrise d'oeuvre (...) représentée par son mandataire : Daniel C... " mais visait également chacun des membres de ce groupement individuellement. Dans ces conditions, M. C... ne peut utilement invoquer l'absence de personnalité morale du groupement pour opposer l'irrecevabilité de la requête.
4. En deuxième lieu, il résulte de la nature même de l'action en référé que le maire peut introduire une telle action au nom de la commune sans délibération du conseil municipal. Au surplus et en tout état de cause, le maire a produit une délibération en date du 29 janvier 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Maussane-les-Alpilles lui a donné mandat pour agir en justice.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance :
5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
6. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.
7. En premier lieu, si M. C... soutient que la reconnaissance du caractère décennal des désordres excède " en l'espèce manifestement la compétence limitée du juge des référés " au regard des éléments techniques du dossier, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres constatés, consistant en un défaut de température systématique depuis la mise en place des installations de climatisation-chauffage, sont à attribuer à une déficience du réseau de captage dont la puissance est insuffisante pour le traitement de l'air des locaux publics, et qu'ils sont de nature à rendre les locaux impropres à leur destination. Il résulte également du rapport de l'expert qu'ils doivent être imputés, à parts égales, entre les concepteurs et le réalisateur de l'installation. M. C..., qui ne conteste pas sérieusement le caractère décennal des désordres, n'est dès lors pas fondé à soutenir que cette qualification ne pouvait relever que de l'examen du juge du fond et non du seul juge du référé-provision.
8. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les désordres ont pour origine une puissance insuffisante du réseau de captage, mais également le non-respect des préconisations du constructeur de la pompe de circulation et un défaut de protection et d'étanchéité des installations. Eu égard à sa mission de maitrise d'oeuvre, ces désordres sont dès lors imputables au groupement de maitrise d'oeuvre ainsi qu'à la société Isnard qui a procédé à l'installation. La circonstance que la société Malnuit n'ait pas commis de faute dans la rédaction du CCTP n'est pas, à cet égard, de nature à faire regarder l'obligation comme non sérieusement contestable.
9. En dernier lieu, il résulte de l'examen du dossier de première instance devant le tribunal administratif de Marseille que M. C... n'a présenté aucun appel en garantie. Dès lors, ses conclusions, qui ne sont au demeurant pas motivées, tendant à ce que la société Malnuit et la société Isnard le garantissent des condamnations prononcées contre lui, présentées pour la première fois en appel, ne sont pas recevables.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la créance de M. C... ne peut être regardée, en l'état de l'instruction, comme non sérieusement contestable. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a accordé la demande de provision présentée par la commune de Maussane-les-Alpilles.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Maussane-les-Alpilles, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Maussane-les-Alpilles et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête présentée par M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la commune de Maussane-les-Alpilles la somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C... et à la commune de Maussane-les-Alpilles.
Copie en sera adressée à la société Best Melchers, à la société Malnuit, à M. D... F... et à la société Isnard.
Fait à Marseille, le 10 mai 2021.
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N° 21MA00292