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15/02/2021 | FRANCE | N°20MA03789

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 15 février 2021, 20MA03789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 mars 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et portant interdiction de retour d'une durée d'un an et signalement au fichier d'information Schengen (SIS).

Par un jugement n° 2001376 du 20 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté

sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 mars 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et portant interdiction de retour d'une durée d'un an et signalement au fichier d'information Schengen (SIS).

Par un jugement n° 2001376 du 20 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 20 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 mars 2020 portant obligation de quitter le territoire français, refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours suivant la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, en cas d'annulation de la mesure de quitter le territoire français ;

4°) de mettre à la charge de l'état une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au profit de son conseil Me B....

Il soutient que :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté contesté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'administration a fait appel à un interprète en langue espagnole pour recueillir ses observations alors qu'il n'est pas établi qu'il parle cette langue ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- compte tenu de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

- il est dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du II de l'article L511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

- elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant monténégrin né le 13 mai 1963, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault, en date du 17 mars 2020, portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour pour une durée d'un an.

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents des formations de jugement des cours peuvent, (...) par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration: " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet, après avoir procédé à l'examen de la situation administrative et personnelle de M. A..., au vu des éléments que celui-ci avait fournis à l'appui de sa demande, s'est fondé pour prendre la mesure litigieuse d'une part, sur la menace à l'ordre public que représente sa présence en France en énonçant les faits sur lesquels il s'est fondé, d'autre part, sur le rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Cet arrêté vise également le 6° et le 7° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte ainsi l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration de sorte que M. A... a été mis en mesure de le contester utilement, au besoin en faisant valoir que le préfet aurait omis des éléments de sa situation personnelle qui pouvaient justifier qu'une telle mesure ne soit pas prise. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, s'agissant du moyen tiré de ce que l'arrêté contesté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que l'administration a fait valoir qu'il était assisté d'un interprète en langue espagnole, sans indiquer explicitement s'il comprend cette langue et alors que cette circonstance n'est pas établie, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier au point 4 du jugement attaqué, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation. Il y a lieu d'observer, en outre, que M. A... qui affirme lui-même qu'il parle français, n'a formulé aucune observation sur l'imprimé d'examen de sa situation administrative, qu'il a contresigné.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la décision attaquée qui comporte des précisions sur la situation administrative, familiale et pénale de l'intéressé, que le préfet n'aurait pas examiné sa personnelle avant de prendre la mesure attaquée.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... reprend en appel le moyen soulevé en première instance, tiré de " l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ". Il fait valoir qu'il réside en France depuis 2008, qu'il y a fixé le centre de ses intérêts privés, et y a tissé des liens sociaux, professionnels et personnels, comme en atteste la présence de son épouse, de certains de ses enfants, petits-enfants et de sa mère. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant résiderait de manière habituelle et continue en France depuis 2008. En outre, l'épouse et les enfants majeurs de l'intéressé ne sont pas autorisé à y résider. Il est constant qu'il n'y est entré pour la première fois selon ses propres déclarations qu'à l'âge de 45 ans. Il ne ressort pas des seules pièces du dossier que sa vie familiale ne pourrait se reconstituer hors de France. Enfin, M. A... ne justifie pas d'une bonne intégration dans la société française. Bien au contraire, il a fait l'objet de trois condamnations pénales au total en 2014 et 2019, la dernière d'entre elle, qui présentait un caractère récent à la date de la décision attaquée, étant prononcée pour des faits de vol aggravé par deux circonstances. Dans ces conditions, M. A... ne peut être regardé comme ayant fixé en France le centre de ses intérêts. Dès lors, la mesure d'éloignement prononcée à son encontre ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur le refus de délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 8 de la présente ordonnance, que la décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune illégalité, la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire n'est pas dépourvue de base légale.

10. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (....) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...) ".

11. Contrairement à ce que soutient M. A... sa condamnation récente à 9 mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé, caractérise une menace pour l'ordre public. En outre, il ne conteste pas être démuni de document d'identité ou de voyage. Il entre ainsi dans les cas prévus au 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au f) du 3° de la même disposition. Dès lors, à supposer même que M. A... ait exécuté l'obligation de quitter le territoire prononcée à son encontre le 6 septembre 2011, bien qu'il soutienne par ailleurs résider en France depuis 2008, le préfet de l'Hérault pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire en se fondant sur les seules disposition du 1° du II de l'article L. 511-1 et du f) du 3° du même paragraphe II, qui suffisaient à fonder légalement sa décision.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que, l'obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le moyen tiré, par voie d'exception de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

14. Si le requérant fait valoir qu'il craint des persécutions du fait de son appartenance à la communauté Rom en cas de retour au Monténégro, il ne l'établit pas, par la seule production d'un unique article de presse, au demeurant postérieur à la décision attaquée, faisant état d'une hostilité grandissante envers la communauté Rom au Monténégro pendant la crise du Covid. Par ailleurs, en soutenant d'une part, qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical dans son pays pour son cancer sur lequel il n'apporte d'ailleurs aucune précision et au titre duquel il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé un titre de séjour, et d'autre part qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge en cas de contamination au coronavirus, il n'apporte pas d'élément de nature à établir qu'en décidant son éloignement à destination de son pays d'origine ou de tout pays où il serait légalement admissible, le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.

16. Pour contester la mesure prise à son encontre, M. A... se borne à invoquer les liens privés et familiaux entretenus en France et à faire valoir que l'inscription au système d'information Schengen qui découle de cette mesure lui interdit de demander un titre de séjour dans un autre pays de l'espace Schengen. Cependant, il n'apparait pas que les membres de sa famille présents en France seraient en situation régulière. Par ailleurs, M. A... dont l'ancienneté du séjour en France ne ressort pas des pièces du dossier, et où il ne justifie d'aucune intégration, y a commis des faits de nature à troubler l'ordre public. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en prononçant une interdiction de retour d'une durée d'un an, le préfet de l'Hérault aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête d'appel de M. A..., qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... A... et Me C... B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Fait à Marseille, le 15 février 2021.

N° 20MA03789 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA03789
Date de la décision : 15/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : RENVERSEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-15;20ma03789 ?
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