Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2000723 du 8 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2020 sous le n° 20MA02195, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 8 juin 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 février 2020 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- le tribunal n'a pas épuisé ses pouvoirs d'instruction, a méconnu la charge de la preuve et a commis une erreur manifeste d'appréciation alors que M. A... a produit des éléments circonstanciés établissant que, contrairement à ce qu'a retenu l'administration, il était mineur ;
- le tribunal a méconnu le principe de la présomption d'innocence ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il doit bénéficier de la présomption d'innocence protégée au titre de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que de la présomption de minorité prévue par l'article 47 du code civil ;
- la décision attaquée méconnaît le droit à la protection de l'enfance, protégé notamment par les articles 2, 3 et 20 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant suppression du délai de départ volontaire :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas justifiée puisqu'il a toujours honoré ses rendez-vous et ne présente donc pas de risque de fuite ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il ne représente aucune menace pour l'ordre public et qu'il n'a pas déposé de demande de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il dispose de garanties suffisantes de représentation et en ce qu'elle aura pour effet de l'empêcher de poursuivre les études dans lesquelles il s'est fortement investi.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire emporte, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision fixant le pays de destination ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire :
- l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai emporte, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an ;
- elle est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne tient pas compte des liens construits durant sa scolarisation ;
- cette dernière décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est présumé innocent et qu'il vit en France depuis plus d'un an et demi ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas procédé à un examen individuel et actuel de sa situation afin de caractériser l'existence d'une menace pour l'ordre public ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
II. Par une requête enregistrée le 7 juillet 2020 sous le n° 20MA02196, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 8 juin 2020 ;
3°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêté du 11 février 2020 du préfet de l'Hérault ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
l'exécution du jugement contesté emporterait des conséquences difficilement réparables sur sa situation ;
il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 11 février 2020.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 novembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité ivoirienne, relève appel du jugement du 8 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 février 2020, lui faisant obligation de quitter le territoire et prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an. Il demande également à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 20MA02195 et n° 20MA02196 de M. A..., présentent à juger de questions semblables. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule ordonnance.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
4. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes présentées à ce titre par M. A... dès lors que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale lui a été accordé dans les deux instances par décisions du 27 novembre 2020.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 20MA02195 :
5. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " ... les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
Sur les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet, après avoir rappelé que M. A... a sollicité l'aide du service des mineurs non accompagnés et qu'il a obtenu une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance, s'est livré à un examen particulier de la situation de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, le 11 février 2020, M. A... a été interpellé et placé en garde à vue pour escroquerie et détention de faux documents administratifs. Le principe de la présomption d'innocence ne fait pas obstacle à ce que le préfet de l'Hérault, pour prendre la décision contestée, prenne en compte les chefs d'accusation dont M. A... fait l'objet, alors même que ces éléments sont susceptibles de fonder une action répressive et que le juge pénal ne s'est pas encore prononcé à ce sujet. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît le principe de la présomption d'innocence doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans. / (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". L'article 47 précité du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.
9. En l'espèce, comme l'ont rappelé à juste titre les premiers juges, à l'issue de l'examen radiologique de M. A... auquel il a procédé le 30 janvier 2019, le centre hospitalier de Montpellier a estimé l'âge osseux de ce dernier à dix-neuf ans, l'âge dentaire moyen à vingt et un ans et quatre mois et l'âge claviculaire entre vingt-quatre ans et six mois et trente-quatre ans et huit mois. En outre, il ressort du rapport d'examen technique documentaire du 22 mai 2019 que la police interdépartementale aux frontières a émis un avis défavorable quant à l'authenticité de l'extrait du registre des actes de l'état civil ivoirien produit par M. A.... Il ressort également du procès-verbal de l'officier de police judiciaire du 23 mai 2019 que l'autorisation parentale présentée par l'intéressé lors de sa convocation est un faux document. Dès lors, le caractère irrégulier des documents d'état civil fournis par le requérant est établi. M. A... ne peut ainsi être regardé comme justifiant de sa prétendue minorité. Dans ces conditions, il ne peut se prévaloir ni de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de ce que le préfet de l'Hérault aurait méconnu le principe de présomption de minorité prévu par l'article 47 du code civil.
10. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. A..., qui n'établit pas sa minorité à la date de l'arrêté attaqué, ne peut utilement se prévaloir des stipulations des articles 2, 3 et 20 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre public et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. En l'espèce, M. A... soutient qu'il dispose d'un domicile et d'une inscription dans un lycée professionnel depuis le mois de septembre 2019. Toutefois, il ressort des points 6 et 8 de la présente ordonnance que l'intéressé est entré en France par le biais de faux documents d'identité. Enfin, il est constant que M. A... est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où réside sa mère. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de M. A..., nonobstant son parcours scolaire, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur les conclusions relatives à la décision portant suppression du délai de départ volontaire :
13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. (...) / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. En outre, il a fait usage de plusieurs documents d'identité qu'il avait falsifiés. Dès lors, M. A... entrait dans les hypothèses visées par les dispositions rappelées ci-dessus. Par suite, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder un délai pour quitter le territoire français.
Sur les conclusions relatives à la décision fixant le pays de destination :
15. En premier lieu, les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai étant écartés, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.
16. En second lieu, en se bornant à faire état de ce qu'il n'a que sa mère en Côte d'Ivoire, M. A... n'établit pas que la décision fixant le pays de destination serait contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les conclusions relatives à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
17. En premier lieu, les moyens tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai étant écartés, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
18. En deuxième lieu, M. A... reprend en appel le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 10 de son jugement.
19. En troisième lieu, pour justifier l'adoption, à l'encontre de M. A..., d'une mesure d'interdiction de retour d'un an, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé est entré récemment en France, qu'il ne justifie pas de liens stables et intenses sur le territoire national et qu'il a fait usage de faux documents d'identité afin de bénéficier de sa prise en charge en tant que mineur non accompagné par les services départementaux. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation.
20. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. A..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions présentées au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 20MA02196 :
21. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
22. Enfin, il n'appartient pas au juge d'appel, saisi en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative, procédure qui, en application des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, relève du juge des référés et comporte des conditions différentes de celles requises par l'article R. 811-17. Par suite, les conclusions présentées à cette fin par M. A... doivent être rejetées.
O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA02196 de M. A... tendant à la suspension de l'exécution du jugement du 8 juin 2020.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20MA02196 est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la requête n° 20MA02195 de M. A... sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... A... et à Me B....
Fait à Marseille, le 22 décembre 2020.
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N° 20MA02195, 20MA02196