Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise médicale aux fins de déterminer l'étendue des préjudices qu'il subit à la suite de l'accident de service dont il a été victime le 27 juin 2008.
Par une ordonnance n° 2002219 du 21 septembre 2019, il n'a pas été fait droit à sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 27 octobre et le 12 novembre 2020, M. D..., représenté par la Selafa Cabinet Cassel, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 21 septembre 2019 ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Cannes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Nice a commis une erreur de qualification juridique en estimant que l'arrêté du 11 janvier 2018 constitue une décision administrative et non une simple mesure préparatoire ; qu'en conséquence, il n'interdit pas à un expert de rendre un avis sur la date de consolidation de son état de santé et sur l'évolution de ses taux d'incapacité ; qu'à supposer même que cet arrêté soit regardé comme une décision administrative, le juge des référés a commis une erreur de droit et une omission à statuer en ne regardant pas l'expertise demandée comme visant également à ce que soient évalués les troubles et douleurs ressentis et tous les préjudices personnels subis, notamment moraux et d'agrément, pouvant ou ayant pu résulter de son accident de service du 27 juin 2008 ; qu'il a également commis une erreur de droit en ne retenant pas qu'en vertu des jurisprudences dites Moya-Caville et Brugnot, le fonctionnaire victime d'un accident de service est en droit d'obtenir une réparation complémentaire de ses préjudices à caractère personnel distincts de ceux relatifs à l'intégrité physique, en l'absence même de faute de son employeur.
Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2020, le centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la demande d'expertise en tant qu'elle vise à remettre en cause les conclusions médicales entérinées par l'arrêté du 11 janvier 2018 qui constitue bien une décision administrative faisant grief, et notamment la date de consolidation de son état, est dépourvue d'utilité car l'action au fond qui est susceptible d'être engagée serait irrecevable dès lors que cet arrêté est devenu définitif ; que, s'agissant des préjudices personnels que M. D... aurait subis, sur lesquels le juge des référés s'est effectivement prononcé, à défaut d'apporter le moindre élément justifiant la réalité des préjudices non compris dans la rente d'invalidité, la demande d'expertise est également dépourvue d'utilité ; que le requérant n'a, en tout état de cause, pas contesté dans un délai raisonnable le taux d'invalidité qui a permis de calculer la rente dont il bénéficie, alors qu'il a été admis à la retraite le 1er février 2019 ; qu'enfin, le prononcé d'une mesure d'expertise serait frustratoire dès lors que le dossier de M. D... contient déjà 15 expertises médicales, établies par sept médecins différents.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. M. D..., adjoint technique auprès du centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise médicale aux fins de déterminer l'étendue des préjudices qu'il subit à la suite de l'accident de service dont il a été victime le 27 juin 2008. Par l'ordonnance attaquée du 21 septembre 2020, le juge des référés a refusé de faire droit à sa demande, en estimant qu'une mesure d'expertise ne présente pas le caractère d'utilité requis par l'article R. 532-1 du code de justice administrative, aux motifs, d'une part, que l'arrêté du 11 janvier 2018 du président du CCAS entérinant la date de consolidation de son état et le taux d'incapacité permanente partielle résultant de cet accident de service étant devenu définitif, une action à son encontre ne saurait être recevable, d'autre part, qu'il ne justifie pas avoir contesté dans un délai raisonnable le montant de la rente d'invalidité dont il bénéficie en complément de sa pension de retraite et, enfin, qu'il n'apporte aucun début de preuve permettant de suspecter que la responsabilité du CCAS de Cannes serait engagée en raison de cet accident de service, dans des conditions justifiant la réparation de préjudices complémentaires non compris dans cette rente d'invalidité.
3. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).
4. Tout agent public, victime d'un accident de service, est en droit d'obtenir de la personne publique qui l'emploie soit, en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire à la rente viagère d'invalidité ou à l'allocation temporaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre, destinée à réparer ses préjudices personnels ainsi que, le cas échéant, ses préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux indemnisés par cette rente ou cette allocation, soit, dans le cas où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, la réparation intégrale de l'ensemble de son préjudice.
5. Il résulte de l'instruction que l'accident de service dont M. D... a été victime le 27 juin 2008, qui lui a provoqué une lésion ostéochondrale de la cheville gauche, a été reconnu imputable au service par arrêté du président du CCAS du 18 mars 2010. Les complications qui s'en sont suivies, dues au port prolongé de béquilles, et tenant au syndrome du canal carpien de la main gauche et de la main droite ont été regardées comme une aggravation de son état imputable à cet accident. En revanche, la pathologie psychiatrique dont il souffre n'a pas été regardée comme une aggravation de cet état. Aussi, le taux de son incapacité permanente partielle imputable à cet accident a été fixé, aux termes de l'arrêté du président du CCAS du 11 janvier 2018, à 21 %, soit 15 % au titre de l'arthodrèse de la cheville gauche et respectivement 3 % au titre des syndromes du canal carpien de la main gauche et de la main droite, son état ayant été regardé comme consolidé le 28 septembre 2017. M. D... a ainsi été admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 1er février 2019, sa pension de retraite étant assortie d'une rente d'invalidité au titre des séquelles de son accident de service.
6. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté du 11 janvier 2018 du président du CCAS doit bien être regardé comme une décision administrative, en tant qu'elle fixe le taux de l'incapacité permanente partielle reconnue comme imputable à l'accident de service dont il a été victime. Toutefois, si les décisions administratives afférentes à la reconnaissance de cet accident de service et à la rente d'invalidité qui lui a été allouée en réparation doivent, en l'état de l'instruction, être tenues pour définitives et insusceptibles de donner lieu à une action recevable à leur encontre, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nice a écarté l'utilité de la mesure d'expertise qu'il sollicite, au regard de l'action en indemnisation complémentaire à la réparation statutaire de son accident de service qu'il est susceptible d'engager, dans les conditions rappelées au point 4, dès lors qu'au moins dans le cadre d'une responsabilité sans faute de son employeur, il ne lui appartient pas d'apporter un commencement de preuve à cet effet. Il ne lui appartient pas davantage d'apporter des éléments justifiant la réalité des préjudices personnels dont il se prévaut, l'objet de l'expertise étant précisément de les déterminer.
7. S'il est constant que, dans le cadre de la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident dont M. D... a été victime et de sa mise à la retraite pour invalidité, plusieurs expertises médicales ont été prescrites et son dossier a été soumis à la commission de réforme, ces expertises et avis n'avaient pas spécifiquement pour objet de déterminer les préjudices personnels qu'il a subis à la suite de cet accident de service.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. En conséquence, l'ordonnance du 21 septembre 2020 doit être annulée et il y a lieu d'ordonner la mission d'expertise demandée.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CCAS de Cannes la somme de 1 000 euros à verser à M. D..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2002219 du 21 septembre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est annulée.
Article 2 : M. B... A..., demeurant à Grenoble (38000), au 4 ter rue Jean Veyrat, est désigné avec pour mission de :
- se faire communiquer tous les documents médicaux utiles à sa mission, examiner M. C... D... et décrire son état actuel ;
- préciser les conséquences physiologiques de lésion ostéochondrale de la cheville gauche dont il a été victime le 27 juin 2008 et des complications qui en ont résulté tenant aux syndromes du canal carpien de la main gauche et de la main droite ;
- déterminer, à la date du 28 septembre 2017, date de la consolidation retenue par l'administration, la durée du déficit fonctionnel temporaire total, le déficit fonctionnel permanent partiel, le préjudice esthétique, les souffrances physiques et le préjudice d'agrément, subis par M. D..., tenant à ces conséquences physiologiques ;
- préciser si ces conséquences physiologiques sont susceptibles d'une amélioration ou d'une aggravation et, dans l'affirmative, fournir toute précision sur cette évolution, son degré de probabilité ainsi que les traitements qui seront nécessaires.
Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.
Article 4 : L'expertise aura lieu en présence de M. D... et du CCAS de Cannes.
Article 5 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.
Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.
Article 7 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.
Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera ces frais et honoraires.
Article 9 : Le CCAS de Cannes versera à M. D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 10 : Les conclusions du CCAS de Cannes présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 11 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... D..., au centre communal d'action sociale (CCAS) de Cannes et à M. B... A..., expert.
Fait à Marseille, le 17 novembre 2020
N° 20MA037852
LH