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11/07/2016 | FRANCE | N°16MA01173

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 11 juillet 2016, 16MA01173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Benista a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de dire que les garanties qu'elle a offertes à l'administration fiscale à l'appui de sa demande de sursis de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, consistant en un nantissement de son fonds de commerce, étaient propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor et devaient être acceptées par le comptable chargé de

ce recouvrement.

Par une ordonnance n° 1600255 du 21 mars 2016, le juge des référ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Benista a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia de dire que les garanties qu'elle a offertes à l'administration fiscale à l'appui de sa demande de sursis de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, consistant en un nantissement de son fonds de commerce, étaient propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor et devaient être acceptées par le comptable chargé de ce recouvrement.

Par une ordonnance n° 1600255 du 21 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2016 et des mémoires enregistrés le 12 mai 2016 et le 14 juin 2016, la SARL Benista, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 21 mars 2016 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de dire que les garanties offertes répondent aux conditions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et doivent être acceptées ;

3°) de dire que les sommes consignées doivent être restituées ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Benista soutient que :

- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors que le juge des référés a méconnu le principe du contradictoire ;

- la valeur de son fonds de commerce, calculée selon un barème dont la validité est reconnue par l'administration fiscale, est comprise entre deux et quatre millions d'euros ;

- le nantissement proposé de son fonds de commerce constitue une garantie suffisante ;

- la valeur du fonds est supérieure au montant de la créance du Trésor de 165 126 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 avril 2016, le 30 mai 2016 et le 24 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Benista la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de nantissement d'un fonds de commerce doit être accompagnée d'une évaluation de ce fonds ;

- la SARL Benista ne produit pas de bail commercial ;

- en l'absence d'un tel bail, il ne saurait exister de fonds commercial ;

- la cession du fonds de commerce est impossible à réaliser et, par conséquent, le fonds ne peut garantir le recouvrement de l'impôt contesté.

Par une décision du 1er septembre 2015, le président de la cour administrative de Marseille a, notamment, désigné M. Jean-Louis Bédier, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les appels formés devant la Cour contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux administratifs du ressort, pour les matières relevant de la compétence de la 3ème chambre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le décret n° 53-960 du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d'immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

1. Considérant que la SARL Benista relève appel de l'ordonnance du 21 mars 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que les garanties qu'elle a offertes à l'administration fiscale à l'appui de sa demande de sursis de paiement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012, consistant en un nantissement de son fonds de commerce, soient regardées comme propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes (...) ; Lorsque la réclamation (...) porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 279 du même livre : " En matière d'impôts directs (...), lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut (...) porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif, qui est un membre du tribunal administratif désigné par le président de ce tribunal. Cette demande n'est recevable que si le redevable a consigné auprès du comptable, à un compte d'attente, une somme égale au dixième des impôts contestés (...) Le juge du référé décide (...) si les garanties doivent être acceptées comme répondant aux conditions de l'article L. 277. (...) Lorsque le juge du référé estime suffisantes les garanties initialement offertes, les sommes consignées sont restituées (...) " et qu'aux termes de l'article R. 277-1 du même livre : " Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à 1 'article L. 277 (...) / Ces garanties peuvent être constituées (...) par des nantissements de fonds de commerce (...) " ;

Sur le montant des garanties proposées :

3. Considérant que la société requérante est redevable de la somme de 165 126 euros correspondant aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 ; que, pour évaluer à une valeur minimale de 2 000 000 d'euros la valeur de son fonds de commerce, qu'elle a créé et qui, de ce fait, ne figure pas à l'actif de son bilan, la SARL Benista se réfère notamment au barème par profession publié par un éditeur spécialisé qui, pour les hôtels meublés semblables au motel qu'elle exploite, retient une valeur du fonds de commerce égale à 2,5 à 4 fois le chiffre d'affaires annuel et à une évaluation établie par son expert comptable ; que le chiffre d'affaires de la société s'est élevé à 883 909 euros en 2012, 1 032 966 euros en 2013 et 910 319 euros en 2014 ; que ces deux derniers chiffres, que l'administration fiscale ne peut sérieusement contester au motif que la comptabilité de la société a été rejetée pour les années 2011 et 2012, accréditent l'évaluation par la société requérante de son fonds de commerce à partir de données mettant en évidence une stabilité des conditions d'exploitation et le fait que la valeur du fonds, très supérieure au montant de sa dette fiscale, est susceptible de constituer une garantie suffisante ;

Sur le degré de sécurité et de disponibilité des garanties proposées :

4. Considérant que l'article L. 142-2 du code de commerce range le droit au bail au nombre des éléments susceptibles d'être compris dans le nantissement d'un fonds de commerce ; que l'article L. 145-9 du même code, qui a repris à compter du 21 septembre 2000, s'agissant de la tacite reconduction des baux commerciaux, les dispositions de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement de ces baux dispose que ceux-ci " ne cessent que par l'effet d'un congé donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement. / A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil (...) " et qu'aux termes de l'article L. 145-14 du même code : " Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit (...) payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre " ;

5. Considérant que, l'administration fiscale ayant mis en doute le caractère pérenne de son exploitation ainsi que l'existence et le caractère cessible d'un bail commercial, la société requérante établit, comme il lui est loisible de le faire pour la première fois en appel, être titulaire d'un bail commercial conclu le 28 septembre 1987 avec la société civile Stabielle pour une durée comprise entre le 1er mai 1988 et le 1er mai 1997 ; que, même si ce bail n'a pas été expressément renouvelé par les parties, il fait l'objet, par l'effet des dispositions de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux commerciaux, reprises à l'article L. 145-9 du code de commerce, d'une prolongation tacite, qui a pour effet de reconduire le bail initial qui devient à durée déterminée et qui assure à la société requérante, en sa qualité de preneuse, et exception faite de circonstances exceptionnelles comme l'existence d'un motif grave et légitime ou un état d'insalubrité de l'immeuble, le droit à une indemnité d'éviction en cas de refus de renouvellement de son bail, comportant notamment la valeur marchande de son fonds de commerce par application des dispositions de l'article L. 145-14 du même code ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le bail commercial conclu le 28 septembre 1987, dont la société requérante demeure titulaire, ne concernerait pas l'ensemble du complexe hôtelier exploité par la société puisqu'il ressort des mentions de ce bail qu'il porte sur la parcelle cadastrée 838 de la section B du territoire de la commune de Monticello et sur les trente-deux studios composant le motel qui sont édifiés sur cette parcelle ; que, dans ces conditions, le nantissement de son fonds de commerce proposé par la SARL Benista, auquel s'attachent les mesures de protection des créanciers nantis prévues respectivement aux articles L. 143-1, L. 143-2 et L. 143-10 du code de commerce en cas de déplacement du fonds, de résiliation du bail ou de vente séparée d'un ou plusieurs éléments de ce fonds, doit être regardé comme constituant une garantie suffisante au sens de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, la SARL Benista est fondée à soutenir que c'est à tort que, par celle-ci, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à ce que les garanties qu'elle a offertes à l'administration fiscale à l'appui de sa demande de sursis de paiement soient regardées comme propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor ; que doivent être admises, par voie de conséquence, les conclusions de la société tendant à la restitution des sommes consignées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la SARL Benista, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de ce même article au titre des frais exposés par la SARL Benista et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bastia du 21 mars 2016 est annulée.

Article 2 : La garantie proposée par la SARL Benista et constituée par le nantissement de son fonds de commerce est acceptée.

Article 3 : Les sommes consignées par la SARL Benista lui seront restituées.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Benista la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du ministre des finances et des comptes publics tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Benista et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Fait à Marseille, le 11 juillet 2016.

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N° 16MA01173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 16MA01173
Date de la décision : 11/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-02-01-02-04 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Questions communes. Pouvoirs du juge fiscal. Référé fiscal.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : DIONISI NAUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-07-11;16ma01173 ?
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