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03/05/2004 | FRANCE | N°03MA01342

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 03 mai 2004, 03MA01342


Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par M. Marc X, demeurant ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000155 du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché de travaux 200/99 passé par le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse pour l'aménagement de la RN 198 à Casamozza, de la notification du marché à l'entreprise E.M.T., de l'ordre de service fixant la date de commenc

ement des travaux ainsi que de toute décision se rapportant au marché, l'a co...

Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, présentée par M. Marc X, demeurant ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000155 du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché de travaux 200/99 passé par le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse pour l'aménagement de la RN 198 à Casamozza, de la notification du marché à l'entreprise E.M.T., de l'ordre de service fixant la date de commencement des travaux ainsi que de toute décision se rapportant au marché, l'a condamné à verser 760 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et l'a condamné à une amende de 1.000 € ;

2°) d'annuler les actes détachables que sont la conclusion du marché et la décision de la commission d'appel d'offres d'attribuer le marché à l'entreprise E.M.T. ;

3°) d'enjoindre à la collectivité territoriale de Corse de saisir le juge du contrat aux fins de constater la nullité du marché et d'en tirer les conséquences quant à la suppression de l'ouvrage, sous astreinte ;

……………………

Vu le jugement et les décisions attaquées ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2002, présenté par M. X qui demande que soient joints à la procédure contradictoire les documents qu'il estime utiles à la solution du litige que sont l'APS du projet d'aménagement et le projet définitif au 1/200, les fiches manuscrites tenues lors des réunions de concertation avec la municipalité par le représentant de la collectivité territoriale de Corse, le dossier de financement européen, le procès-verbal de l'élection des membres de la commission d'appel d'offres de la collectivité territoriale de Corse et sa publication au recueil des actes administratifs, la convocation des membres de la CAO avec avis de réception postal ou remise contre décharge ou récépissé, copie du registre sur lequel sont récapitulés par membre titulaire, suppléant et participant les convocations des 30 juillet et 23 août 1999 et la preuve de leur réception ;

Vu la lettre en date du 27 mars 2006, informant les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2006 par télécopie puis le 20 avril 2006 par courrier, complété le 31 mai 2006, présenté par M. X qui maintient ses conclusions initiales et demande, en outre, à la Cour : d'annuler la décision du président du conseil exécutif de Corse de réaliser l'aménagement litigieux, de constater la nullité du marché signé 200/99 signé avec l'entreprise E.M.T., et de condamner la collectivité territoriale de Corse à lui verser 1.500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………..

Vu le mémoire enregistré le 28 avril 2006 présenté par M. X qui produit en complément de son mémoire précédent des pièces relatives à l'impact de l'ouvrage sur l'accès des propriétés riveraines ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mai 2006, présenté pour la collectivité territoriale de Corse, représentée par le président du conseil exécutif, par Me Retali, avocat ; la collectivité territoriale de Corse demande à la Cour : de rejeter la requête de M. X et de le condamner à verser 3.000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

………………………

Vu le mémoire, enregistré le 14 juin 2006, présenté par M. X, qui fait valoir que les dispositions de l'article R.811-7 du code de justice administrative dans leur rédaction antérieure au décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 le dispensent du ministère d'avocat ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juin 2006, présenté pour M. X par Me Mermet, avocat, qui maintient les précédentes écritures et demande une somme de 3.000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2006 :

- le rapport de Mme Favier, président assesseur,

- et les conclusions de Mlle Josset, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Marc X demande l'annulation du jugement du 7 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché de travaux 200/99 passé par le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse pour l'aménagement de la RN 198 à Casamozza, de la notification du marché à l'entreprise E.M.T., de l'ordre de service fixant la date de commencement des travaux ainsi que de toute décision se rapportant au marché, l'a condamné à verser 760 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et l'a condamné à une amende de 1.000 € ;

Sur la régularité du jugement du Tribunal administratif de Bastia du 7 mai 2002 :

Considérant que le Tribunal administratif de Bastia a omis de statuer sur le moyen soulevé par M. X dans son mémoire enregistré le 9 septembre 2002 tiré de l'irrégularité de la composition de la commission d'appel d'offres du fait de la présence de M. Thorel, chef du service des routes de la Haute Corse ; que le jugement attaqué est, par suite, irrégulier ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Bastia ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que dans le dernier état de ses conclusions, tel qu'il résulte de sa requête de première instance et de sa requête d'appel, complétées par un mémoire du 2 décembre 2002 et un mémoire du 18 avril 2006, M. X demande l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres du 30 juillet 1999 attribuant le marché à l'entreprise E.M.T., de la décision du président du conseil exécutif de signer le marché 200/99, et de la décision de la même autorité de réaliser les travaux prévus au marché ; qu'il demande également la production d'un certain nombre de documents qu'il estime nécessaires à la solution du litige et que soit constatée la nullité du marché en cause ; qu'il demande, enfin, qu'il soit enjoint à la collectivité territoriale de Corse de rechercher la résolution du marché et de procéder à la démolition de l'ouvrage ;

Sur les fins de non recevoir opposées par la collectivité territoriale de Corse :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'article R.811-7 du code de justice administrative :

Considérant qu'après la demande qui lui a été adressée à cette fin le 12 juin 2006, M. X a régularisé sa requête en recourant au ministère d'avocat ; qu'en conséquence de cette régularisation, la fin de non-recevoir présentée par la collectivité territoriale de Corse doit être écartée ;

En ce qui concerne les fins de non-recevoir tirées de l'absence de production du jugement et des décisions attaquées :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement du 7 mai 2002 attaqué a été produit en même temps que la requête d'appel ; que parmi les trois décisions attaquées, seule la décision de la commission d'appel d'offres pouvait être produite et l'a été devant les premiers juges ; qu'en revanche, la décision de signer le marché n'est matérialisée par aucun acte susceptible d'être produit ; que dès lors, la fin de non-recevoir formulée par la collectivité territoriale de Corse et tirée de l'absence de production de l'ensemble de ces actes doit être rejetée ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la nature des actes attaqués :

Considérant, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, que M. X ne présente plus dans le dernier état de ses conclusions de demande tendant à l'annulation du marché litigieux ; que la fin de non-recevoir concernant de telles conclusions doit donc être écartée ; qu'en outre, lorsque le recours est, comme en l'espèce, dirigé contre des actes détachables du marché, aucune disposition ne distingue, s'agissant du recours des tiers, selon que le marché a été passé selon la procédure d'appel d'offres ouvert ou une autre procédure ; que la fin de non-recevoir tirée de ce que les actes entrant dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres ouvert seraient insusceptibles de recours pour excès de pouvoir doit donc être écartée ;

Considérant, en revanche, que la décision de réaliser les travaux ne constitue pas une décision distincte de l'ordre de service par lequel le maître d'ouvrage ordonne à l'entreprise de commencer les travaux ; que cet ordre de service, qui se rattache à l'exécution du marché, ne constitue pas un acte détachable dont les tiers peuvent demander l'annulation ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent donc être rejetées ;

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt pour agir :

Considérant, en premier lieu, qu'en justifiant de sa qualité de contribuable de la collectivité territoriale de Corse, M. X établit qu'il a intérêt pour agir à l'encontre d'une décision qui engage les finances de cette collectivité ; que la décision du président du conseil exécutif de signer le marché de réalisation de la traverse de Casamozza di Fiumorbo vaut engagement des crédits inscrits au budget nécessaires à cette réalisation ; que par suite, la fin de non-recevoir de la collectivité territoriale de Corse portant sur ce point doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 297 du code des marchés publics, relatif aux commissions d'appel d'offres, dans sa rédaction applicable à l'espèce : « I- La commission ouvre la première enveloppe intérieure. Elle enregistre le contenu de toutes les parties essentielles, y compris les pièces jointes. Elle élimine par décision prise avant l'ouverture de l'enveloppe contenant l'offre, les candidats qui n'ont pas qualité pour présenter une offre ou dont les capacités paraissent insuffisantes. Les enveloppes contenant les offres des candidats éliminés sont rendues sans avoir été ouvertes. II- La commission procède ensuite à l'ouverture de la seconde enveloppe contenant les offres des candidats admis. Elle en enregistre le contenu de toutes ses parties essentielles, y compris les pièces jointes. Elle élimine les offres non conformes à l'objet du marché et choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante en tenant compte notamment du prix des prestations, de leurs coûts d'utilisation, de leur valeur technique et du délai d'exécution... » ; qu'aux termes de l'article 298 du même code: « Dès que la commission a fait son choix, l'autorité habilitée à passer le marché avise tous les autres candidats du rejet de leurs offres. Cette autorité communique à tout candidat qui en fait la demande par écrit les motifs du rejet de son offre. (…). » ; que ces dispositions n'attribuent à la commission d'appel d'offres que la décision de choisir entre plusieurs entreprises celle qui lui paraît la plus apte à réaliser l'objet du marché, et non la décision de passer le marché ; que la désignation du candidat à retenir, si elle lèse les candidats évincés, ne lèse en revanche pas les contribuables locaux, ni les riverains de l'ouvrage à réaliser, ni les usagers de la voirie sur laquelle portent les travaux envisagés ; que par suite, la collectivité territoriale de Corse est fondée à soutenir que M. X ne justifie pas d'un intérêt suffisant pour agir contre la décision de la commission d'appel d'offres du 23 août 1999 ; que les conclusions tendant à l'annulation de cette décision doivent par suite être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions tendant à la production de différents documents :

Considérant que le dossier contient tous les éléments d'information nécessaires pour apprécier le bien-fondé des demandes de M. X ;

Sur la légalité de la décision du président du conseil exécutif de Corse de signer le marché litigieux :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une délibération n° 99/39 du 29 avril 1999 l'Assemblée de Corse a approuvé le principe et les caractéristiques générales du projet d'aménagement de la traverse de Casamozza di Fiumorbo sur la route nationale 198, autorisé le président du conseil exécutif de la collectivité à engager sa réalisation après inscription des crédits nécessaires et signature des conventions de financement avec la commune, et à conduire les procédures réglementaires en vue de cette réalisation, et notamment les procédures d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, d'enquête parcellaire et d'expropriation ; qu'après engagement d'une procédure d'appel d'offres ouvert, la commission d'appel d'offres s'est réunie une première fois pour procéder à l'ouverture de la première enveloppe le 30 juillet 1999, puis une seconde fois pour désigner l'entreprise attributaire le 23 août 1999 ; que le marché avec l'entreprise E.M.T. a été signé le 26 novembre 1999, sans qu'une nouvelle délibération n'ait expressément autorisé cette signature ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.4424-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à l'espèce : « L'Assemblée règle par ses délibérations les affaires de la collectivité territoriale de Corse et contrôle le conseil exécutif.(…) » ; qu'aux termes de l'article L.4424-2 du même code : « le président du conseil exécutif prépare et exécute les délibérations de l'Assemblée.(….) »; que ces dispositions ont seulement pour objet d'habiliter le président du conseil exécutif à prendre les mesures qu'appellent les délibérations adoptées par l'assemblée ; qu'à cet effet, les décisions prises par cette dernière doivent être suffisamment précises quant à leur finalité, leur portée et leur contenu pour ne pas conduire le président du conseil exécutif à empiéter sur les compétences de l'organe délibérant ; qu'ainsi, lorsque l'assemblée autorise le président du conseil exécutif à souscrire un marché au nom de la collectivité territoriale de Corse, sa délibération doit approuver l'acte d'engagement tel qu'il sera signé, lequel mentionne, notamment, l'identité des parties contractantes et le montant des prestations ;

Considérant qu'à la date à laquelle l'assemblée de Corse a adopté la délibération n° 99/39 approuvant les caractéristiques du projet d'aménagement de la RN 198 litigieux, l'avis d'appel public à la concurrence n'avait pas été publié, l'acte d'engagement n'était pas établi et ni l'identité de l'entreprise attributaire, ni le montant exact des prestations n'étaient connus ; que dès lors, celle-ci ne disposait pas des informations suffisantes pour lui permettre d'exercer sa compétence et n'a donc pu régulièrement habiliter le président du conseil exécutif à souscrire le marché litigieux au nom de la collectivité territoriale de Corse ; que la décision prise par ce dernier de signer ledit marché est, par suite, illégale et doit en conséquence, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de M. X, être annulée ;

Sur la demande d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;

Considérant que la réception des travaux objet du marché a été prononcée le 3 avril 2000 ; qu'une éventuelle action de la part de la collectivité territoriale de Corse aux fins d'obtenir la nullité du marché n'aurait pas pour effet de permettre le reversement des sommes versées pour son exécution dès lors que l'entreprise aurait la possibilité d'invoquer un autre fondement que le marché lui-même pour être indemnisée d'un montant équivalent au prix du marché ; qu'elle ne conduirait pas à la démolition de l'ouvrage, dès lors que l'autorisation relative à son implantation résulte non pas du marché lui-même mais d'une déclaration d'utilité publique, qui relève d'une législation indépendante ; qu'ainsi, compte tenu de l'intérêt très limité que pourrait représenter une telle action, elle ne peut être regardée comme étant nécessairement impliquée par le présent arrêt ;

Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, supporte la charge des frais exposés par la collectivité territoriale de Corse et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner cette collectivité sur ce fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bastia du 7 mai 2002 est annulé.

Article 2 : la décision du président du conseil exécutif de Corse de signer le marché 200/ 99 est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la collectivité territoriale de Corse tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marc X, à la collectivité territoriale de Corse et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

N° 02MA01342 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 03MA01342
Date de la décision : 03/05/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2004-05-03;03ma01342 ?
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