La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2003 | FRANCE | N°01MA02661

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4eme chambre-formation a 3, 25 novembre 2003, 01MA02661


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 décembre 2001 sous le N° 01MA02661, présentée pour la SARL « CARANTA Bâtiment », dont le siège social est ZA du grand pont, à GRIMAUD (83310) ;

La SARL « CARANTA Bâtiment » demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 4 juillet 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été réclamées, au titre des exercices clos en 1990, 1991, 1992, 1993, et 1994 ;

/ de la décharger des impositions litigieuses ;

Classement CNIJ :19 04 02 01 01 03

C

Ell...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 19 décembre 2001 sous le N° 01MA02661, présentée pour la SARL « CARANTA Bâtiment », dont le siège social est ZA du grand pont, à GRIMAUD (83310) ;

La SARL « CARANTA Bâtiment » demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 4 juillet 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui avaient été réclamées, au titre des exercices clos en 1990, 1991, 1992, 1993, et 1994 ;

2°/ de la décharger des impositions litigieuses ;

Classement CNIJ :19 04 02 01 01 03

C

Elle soutient :

- qu'il est autorisé, pour des enfants, de créer une entreprise distincte de celle de leur père, dans le même secteur professionnel, sans se voir, pour ce seul motif, refuser la qualification d'entreprise nouvelle ;

- que pour leur part, les enfants de M. X ont créé une société distincte de celle de leur père, sous forme juridique de SARL, ayant un siège social distinct, tout en conservant leur nom patronymique ce qui évitait toute confusion avec l'entreprise de leur père ;

- que, s'il n'est pas contestable que plusieurs salariés de l'entreprise de leur père sont venus travailler dans leur société, à commencer par les deux fondateurs, cette circonstance ne suffit pas à leur voir refuser le qualificatif d'entreprise nouvelle, dès lors que d'une part d'autres embauches ont été effectuées, d'autre part que certaines personnes avaient, entre-temps, été salariées d'autres sociétés, et enfin, que les personnes qui ont été auparavant licenciées par leur père, puis réembauchées dans leur entreprise, l'ont été libres de tout engagement et sans prise en compte de leur situation antérieure ;

- que l'ordre chronologique des embauches fait également apparaître que 13 salariés, qui n'avaient aucun lien avec l'entreprise de leur père ont été engagés au cours de l'année 1989 ; que ce n'est qu'en janvier 1990 que cinq personnes licenciées par leur père ont été engagées dans leur entreprise ; que le ministre du budget dans une réponse à un parlementaire a précisé que la création d'une entreprise par un ancien salarié ne constitue pas la reprise d'une activité nouvelle, dès lors qu'elle ne s'accompagne pas, en droit ou en fait, de reprise de clientèle, non plus que du transfert de l'activité précédente ;

- que, s'il est exact qu'ils ont repris quatre anciens véhicules de l'entreprise de leur père, au prix de 90.000 F, ce prix correspondait à celui du marché, et ne saurait être qualifié de « particulièrement intéressant » ; que ce transfert de véhicules n'a pas gêné l'exploitation individuelle de leur père ;

- que, s'il est exact que leur père leur a consenti un prêt de main d'oeuvre, cette pratique est courante dans la profession, et qu'eux-mêmes ont également prêté de la main d' oeuvre à l'entreprise individuelle de M. André X ;

- que, l'analyse faite par le tribunal administratif de la reprise des chantiers est erronée ; que, s'agissant du chantier CARASSONNE, leur père est intervenu pour déplacer et remplacer une fosse septique ; que ce client les a consultés pour la construction d'un garage, ce qui est totalement différent ; que, s'agissant du chantier OTTONE, le chantier initialement débuté par M. André X, leur père, a été interrompu pour non-respect du permis de construire ; qu'ils sont intervenus pour leur part postérieurement, à la suite d'un nouveau permis de construire, ayant donné lieu à un nouvel appel d'offres ;

- que, contrairement à ce que souligne le tribunal administratif, l'important chiffre d'affaires du second semestre 1989 est dû essentiellement à leur dynamisme ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête de la SARL « CARANTA Bâtiment » ;

Il soutient :

- que la société a été créée le 2 mai 1989, entre les deux fils de M. André X, auparavant salariés de celui-ci, qui exploitait une entreprise individuelle jusqu'au 31 décembre 1989, à Grimaud ; que la société exerce la même activité que celle du père ; que, la permanence d'activité est, avec le transfert de clientèle, constitutive de la reprise d'une activité préexistante ;

- que deux chantiers, pour lesquels M. André X, père, était intervenu, ont été repris par la SARL « CARANTA Bâtiment » ; que s'agissant du chantier CARASSONNE, l'intervention des deux entreprises sur le même chantier n'a été possible que parce que M. Frédéric X, alors salarié de son père, a été en relation avec le client ; que ce chantier a été réalisé alors qu'il était encore salarié de son père, et que la société nouvellement créée ne disposait pas du matériel suffisant ; que cela démontre les liens étroits entre les deux entreprises ; que s'agissant du chantier OTTONE, M. André X, ayant cessé son activité en décembre 1989, ne pouvait ignorer qu'il ne le terminerait pas ; que dans les circonstances de l'espèce, la reprise du chantier par ses fils permet d'établir une reprise, au moins partielle, de clientèle ;

- qu'il est constant que dix salariés de l'entreprise de M. X père ont été finalement embauchés dans l'entreprise de ses fils ; que, même si les contrats de travail n'ont pas été repris, cela révèle des liens personnels et familiaux favorisant ces transferts ;

- que le rachat des quatre camions à M. X André, pour un prix de 90.000 F, constitue un critère supplémentaire des liens familiaux ayant permis le démarrage de cette activité ;

- que, de plus, la SARL « CARANTA Bâtiment », qui a réalisé un chiffre d'affaires très important dès le second semestre 1989, n'avait pas acquis le matériel nécessaire aux chantiers qu'elle a réalisés ; que ce matériel n'a été acquis qu'ultérieurement ; que ce n'est qu'en juin 1989, qu'elle a acquis son premier camion de M. X André ; qu'il y a donc eu transfert des moyens d'exploitation ;

- qu'il y a eu des prêts de main d'oeuvre entre les deux entreprises, qui sont un indice supplémentaire de leurs liens ;

Vu, enregistré le 25 juin 2002, le nouveau mémoire présenté par la SARL « CARANTA Bâtiment » ; la SARL « CARANTA Bâtiment » conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et par les moyens :

- qu'elle a été créée le 3 avril 1989 et non pas le 2 mai 1989 ;

- que l'arrêt d'exploitation de M. André X n'est pas motivé par son départ à la retraite, mais qu'elle en est la conséquence ;

- que, relativement au chantier CARASSONNE, l'intervention de M. André X est totalement indépendante de son intervention ; que ce chantier a été réalisé avec ses seuls moyens ;

- que son intervention sur le chantier OTTONE est totalement indépendante de celle de l'entreprise de M. X père ;

- qu'elle a cherché, à éviter toute confusion d'enseigne commerciale ;

- qu'il n'y a eu aucun transfert de salariés au sens que le droit social donne à cette expression ;

- que le rachat de matériel à M. André X n'a pas nui à son activité, puisqu'il conservait des camions récents ; que la société nouvelle a loué du matériel nécessaire au démarrage de son activité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2003 :

- le rapport de Mme PAIX, premier conseiller ;

- les observations de M. X, gérant de la société « CARANTA Bâtiment » ;

- et les conclusions de M. BEDIER, premier conseiller ;

Considérant que la SARL « CARANTA Bâtiment » relève régulièrement appel du jugement en date du 4 juillet 2001, par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés qui lui avaient réclamées, au titre des exercices clos en 1990, 1991, 1992, 1993, et 1994, à raison de la remise en cause par l'administration fiscale, du régime de faveur de l'article 44 sexies du code général des impôts, sous lequel l'entreprise avait entendu se placer ;

Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la présente espèce : « I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération ... » ; que le III du même article écarte du bénéfice de cette exonération « les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ... » ;

Considérant que la SARL « CARANTA Bâtiment », qui a son siège à GRIMAUD, a été créée le 3 avril 1989 par MM Didier et Frédéric X, fils de M. André X, qui exploitait de son côté également à GRIMAUD une entreprise individuelle de bâtiments et travaux publics, chacun des deux frères disposant de 50 % du capital social ; que M. Frédéric X a démissionné le 1er avril de l'entreprise de son père, et été nommé gérant de la société par délibération de la première assemblée générale ordinaire le 3 avril 1989 ; que M. Didier X a également démissionné de son emploi dans l'entreprise d'André X pour être embauché dans la SARL « CARANTA Bâtiment » le 1er mai 1989 ; que M. André X a cessé son activité au mois de décembre 1989 ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que l'activité déployée par la SARL «CARANTA Bâtiment » est la même que celle auparavant exercée par M. André Y ; qu'entre le mois de mai 1989 et le 8 février 1990, dix salariés ayant travaillé pour l'entreprise de M. André X ont rejoint la SARL « CARANTA Bâtiment » ; que même si le contrat de travail des salariés n'a pas été repris, et si certains d'entre eux ont travaillé pour d'autres entreprises de bâtiments avant d'être embauchés par la SARL « CARANTA Bâtiment », le nombre de ces embauches en provenance de l'ancienne entreprise familiale, constitue un indice significatif de la continuité entre les deux entreprises ; que, par ailleurs, la SARL « CARANTA Bâtiment » a racheté à M.André X quatre camions, certes totalement amortis, mais pour un prix global de 90.000 F ; qu'il résulte également de l'instruction que les deux entreprises se sont mutuellement consenties des prêts de main d'oeuvre, indice également révélateur d'une communauté d'intérêt entre les deux entreprises ; qu'enfin la SARL « CARANTA Bâtiment » nouvellement créée a réalisé durant le second semestre 1989, soit immédiatement après sa création, un chiffre d'affaire hors taxe de 1.536.592 F, celui-ci étant en partie réalisé avec des anciens clients de l'entreprise paternelle ; que dans ces conditions, et même si MM Didier et Frédéric X soutiennent que les chantiers réalisés au démarrage de leur activité étaient des chantiers totalement nouveaux, et que le chiffre d'affaire réalisé serait dû à leur seul dynamisme, il apparaît que les liens familiaux entre l'entreprise de M. André X, qui devait cesser toute activité en décembre 1989, et la SARL « CARANTA Bâtiment » nouvellement créée par ses fils, ont permis la mise en relation avec des clients, le prêt de main d'oeuvre et l'utilisation de matériels issus de l'ancienne entreprise ; que ces faits sont révélateurs de ce que la SARL « CARANTA Bâtiment » n'est que la reprise de l'activité précédemment exercée par M. André Y ; que dans ces conditions la SARL « CARANTA Bâtiment » n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait se prévaloir des dispositions exonératoires prévues par l'article 44 sexies sus-énoncé du code général des impôts ;

Considérant en second lieu que la SARL « CARANTA Bâtiment » n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions prévues par la réponse ministérielle du 4 octobre 1994, faite à M. MARINI , en vertu de laquelle « La création de sa propre entreprise par un ancien salarié ne constitue pas la reprise d'une activité préexistante au sens de l'article 44 sexies du CGI, mais bien la création d'une activité nouvelle, dès lors qu'une telle création ne s'accompagne pas en droit ou en fait de reprise de clientèle, non plus que du transfert, par voie de mandat, sous-traitance ou par un autre moyen, de tout ou partie de l'activité propre de l'entreprise qui employait auparavant le créateur » dès lors que les dispositions prévues par cette doctrine ne posent pas des conditions différentes de celle de la loi, lesquelles ne sont, en tout état de cause pas remplies par la société appelante ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SARL « CARANTA Bâtiment » n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL « CARANTA Bâtiment » est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL « CARANTA Bâtiment » et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré à l'issue de l'audience du 10 novembre 2003, où siégeaient :

M. BERNAULT, président de chambre,

M. DUCHON-DORIS, président assesseur

Mme PAIX, premier conseiller,

assistés de Mme GIORDANO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 25 novembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

François BERNAULT Evelyne PAIX

Le greffier,

Signé

Danièle GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l' économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

N° 01MA02661 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4eme chambre-formation a 3
Numéro d'arrêt : 01MA02661
Date de la décision : 25/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: Mme PAIX
Rapporteur public ?: M. BEDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-11-25;01ma02661 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award