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16/09/2003 | FRANCE | N°99MA00657

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2eme chambre - formation a 3, 16 septembre 2003, 99MA00657


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 avril 1999 (télécopie) et le 9 avril 1999 (courrier postal), sous le n° 99MA00657, présentée pour la COMMUNE DE MONTPELLIER, représentée par son maire en exercice, domicilié es qualité en l'hôtel de ville, 1, place Francis Ponge à Montpellier Cedex 2 (34000), par la SCP FERRAN-VINSONNEAU-NOY, avocat ;

La COMMUNE DE MONTPELLIER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier, statuant dans l'instance

n° 95.1490 sur la demande des sociétés X et Y, l'a condamnée à payer au gro...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 3 avril 1999 (télécopie) et le 9 avril 1999 (courrier postal), sous le n° 99MA00657, présentée pour la COMMUNE DE MONTPELLIER, représentée par son maire en exercice, domicilié es qualité en l'hôtel de ville, 1, place Francis Ponge à Montpellier Cedex 2 (34000), par la SCP FERRAN-VINSONNEAU-NOY, avocat ;

La COMMUNE DE MONTPELLIER demande à la Cour :

1°/ d'annuler le jugement en date du 10 décembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier, statuant dans l'instance n° 95.1490 sur la demande des sociétés X et Y, l'a condamnée à payer au groupement précité, d'une part, la somme de 600.000 F à titre de réparation du préjudice causé par la perte d'une chance sérieuse d'obtenir un marché, d'autre part, la somme de 4.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Classement CNIJ : 39-02-02-03

C+

2°/ de rejeter la requête présentée par les sociétés précitées devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

3°/ de condamner les intimées à lui payer une somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :

- que c'est à bon droit que la commission d'appel d'offres a désigné la société GUINET-DERRIAZ en qualité de titulaire du marché n° 2 (revêtements de sols) dans le cadre d'un appel d'offres ouvert lancé pour l'aménagement de la place Jean Jaurès ;

- que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier, saisi par les sociétés ROSSI et Y, a estimé qu'en procédant ainsi, ladite commission a retenu une offre non conforme à l'objet du marché et a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des sociétés requérantes ;

- qu'en premier lieu, le jugement attaqué repose sur des faits matériellement inexacts ;

- que c'est au maître d'oeuvre et non pas à la commission d'appel d'offres qu'il y a lieu d'imputer les demandes adressées aux candidats après l'ouverture des plis ;

- que seuls deux candidats et non l'ensemble des concurrents ont été sollicités à ce titre ;

- que la demande faite par le maître d'oeuvre de présenter un devis pour la mise en oeuvre d'une technique de traitement des pierres comportant un smillage suivi de flammage ne se référait aucunement à l'offre présentée par la société GUINET-DERRIAZ ; qu'enfin, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, le candidat GUINET-DERRIAZ constitue, non un groupement d'entreprises mais une société anonyme ;

- qu'en second lieu, le jugement dont il est fait appel est entaché d'erreur de droit ;

- que l'offre qui a permis à la société lauréate de remporter le marché est parfaitement conforme dès lors qu'en proposant une alternative entre un smillage manuel et un smillage mécanique adouci par un flammage de finition, ladite société a répondu aux exigences du dossier de consultation et n'a pas ainsi introduit une variante nouvelle, non prévue au marché ;

- que, contrairement à ce qu'affirme le jugement attaqué, la commission d'appel d'offres a limité son examen aux seules offres conformes au règlement de consultation ;

- qu'en outre, la solution technique comparable à celle de GUINET-DERRIAZ proposée par le groupement ROSSI-Y n'est pas conforme aux stipulations du marché ;

- qu'enfin, en retenant comme titulaire la société GUINET-DERRIAZ dont l'offre était moins disante et intégrait une solution smillage mécanique jugée conforme, la commission d'appel d'offres n'a pas méconnu les dispositions de l'article 300 du code des marchés publics ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 2 novembre 1999, le mémoire en défense présenté pour la société anonyme X et la SARL Y, par la SCP LAFOND-GUIZARD - CAMILLO LAFONT-GUIZARD, avocat ;

Les défenderesses concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de la COMMUNE DE MONTPELLIER à leur payer, d'une part, la somme de 640.260,00 F au titre du préjudice allégué, d'autre part, la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elles soutiennent :

- qu'en retenant l'offre proposée par la société GUINET-DERRIAZ, qui n'était pas conforme au règlement de consultation, la COMMUNE DE MONTPELLIER a méconnu les dispositions de l'article 300 du code des marchés publics, remis en cause les conditions d'appel à la concurrence et rompu l'égalité entre les entreprises soumissionnaires ;

- que la collectivité appelante n'aurait pu prendre en considération la variante smillage mécanique avec flammage de finition, non prévue au dossier de consultation, qu'en provoquant un nouvel appel d'offres ;

- que l'argumentation de la COMMUNE DE MONTPELLIER est peu sérieuse et, de surcroît, contradictoire ;

- que la solution alternative précitée constitue bien une variante proposée en méconnaissance du règlement de consultation ;

- que la procédure d'appel d'offres a été viciée par une nouvelle consultation irrégulière initiée postérieurement à l'ouverture des plis ;

- que cette irrégularité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à raison du préjudice causé par la perte d'une chance très sérieuse de remporter le marché ; qu'au surplus elle est constitutive d'une discrimination à leur encontre dès lors qu'elles restaient moins disantes et conformes, tant sur la base du marché initial que sur le fondement de la nouvelle consultation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2003 :

- le rapport de Mme LORANT, président assesseur ;

- les observations de Me LUCAS pour la SCP FERRAN-VINSONNEAU-NOY pour la COMMUNE DE MONTPELLIER ;

- les observations de Me MORALES substituant Me GUIZARD pour la S.A. X ;

- les observations de Me MORALES substituant Me GUIZARD pour la SARL Y ;

- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;

Sur l'appel principal de la COMMUNE DE MONTPELLIER :

En ce qui concerne les inexactitudes matérielles dans la motivation du jugement :

Considérant que s'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué, la consultation des entreprises effectuées postérieurement à l'ouverture des plis par la commission d'appel d'offres a été réalisée non par ladite commission mais par le maître d'oeuvre chargé de l'opération, et n'a pas été étendue à l'ensemble des entreprises mais à certaines d'entre elles parmi lesquelles figurent les sociétés ROSSI et Y, et que le devis demandé ne comportait aucune référence expresse à l'offre proposée par la société GUINET-DERRIAZ, ces inexactitudes, qui ont été sans effet sur le raisonnement suivi par le tribunal administratif, n'ont par suite pas été de nature à affecter ni sa régularité ni son bien-fondé ;

Considérant que, par ailleurs, la circonstance que le jugement attaqué a qualifié à tort la société anonyme GUINET-DERRIAZ de groupement d'entreprises constitue une erreur matérielle qui n'a pas été davantage de nature à affecter sa régularité ou son bien-fondé ;

En ce qui concerne la responsabilité de la commune :

Considérant qu'aux termes de l'article 300 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable : La commission élimine les offres non conformes à l'objet du marché ; elle choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante, en tenant compte du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de leur valeur technique, des garanties professionnelles et financières présentées par chacun des candidats et du délai d'exécution. La commission peut décider que d'autres considérations entrent en ligne de compte ; celles-ci doivent avoir été spécifiées dans l'avis d'appel d'offres (...). Dans le cas où plusieurs offres jugées les plus intéressantes sont tenues pour équivalentes, tous éléments considérés, la commission, pour départager les candidats, peut demander à ceux-ci de présenter de nouvelles offres. Hormis ce cas, la commission ne peut discuter avec les candidats que pour leur faire préciser ou compléter la teneur de leurs offres (...). Une offre comportant une variante par rapport à l'objet du marché tel qu'il a été défini par la commission peut être prise en considération si une telle possibilité a été expressément prévue dans l'appel d'offres. ;

Considérant que, pour contester le jugement attaqué, la COMMUNE DE MONTPELLIER soutient que c'est à tort que l'offre de la société GUINET-DERRIAZ a été déclarée non conforme par les premiers juges ; que la prestation smillage mécanique à finition flammée, proposée en variante par ladite entreprise, ne méconnaît pas le règlement de consultation ; que, par suite, en retenant l'entreprise précitée, comme mieux disante, la commission d'appel d'offres n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité ;

Considérant qu'il est constant, cependant, que le règlement de consultation du marché précité se bornait à prévoir, en matière de traitement des pierres, un flammage poussé ou un smillage de surface, c'est-à-dire une alternative entre deux modes de traitement distincts ayant chacun des caractères propres, excluant ainsi toute combinaison, même partielle, de ces deux procédés ; qu'ainsi, l'offre de l'entreprise GUINET-DERRIAZ, en tant qu'elle prévoyait la superposition d'un flammage de finition à un smillage mécanique, ne pouvait être regardé comme conforme à la demande initiale du maître d'ouvrage et, par suite, à l'objet du marché ; qu'il suit de là qu'en déclarant conforme cette proposition et en demandant, d'ailleurs en dehors des formes prescrites, aux autres concurrents de s'aligner sur une solution technique nouvelle, la COMMUNE DE MONTPELLIER, qui ne s'en est pas tenue aux prescriptions de l'appel d'offres initial, a, d'une part, méconnu les dispositions de l'article 300 du code des marchés publics, d'autre part, modifié les conditions initiales de la concurrence ; qu'ainsi que l'a estimé le tribunal administratif, ces irrégularités sont constitutives d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de ladite commune ;

En ce qui concerne le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que la conformité des offres des entreprises concurrentes en vue de l'attribution du marché précité, ne peut être appréciée qu'à partir des données de l'appel d'offres initial ; qu'ainsi, la COMMUNE DE MONTPELLIER ne peut se prévaloir des termes de la consultation, au demeurant irrégulière, à laquelle elle a procédé postérieurement à l'ouverture des plis par la commission d'appel d'offres, pour, d'une part, invoquer la non-conformité de l'offre présentée par le groupement ROSSI-Y ; d'autre part, soutenir que ledit groupement ne pouvait invoquer l'existence, à son profit, d'une chance sérieuse d'obtenir le marché ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction, notamment au procès-verbal d'ouverture des offres, que la proposition présentée par le groupement ROSSI-Y était moins disante et conforme aux prescriptions initiales du marché ; que, par suite, la COMMUNE DE MONTPELLIER n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, reconnu, au profit des sociétés demanderesses, l'existence d'un préjudice indemnisable, l'a, d'autre part, condamné à supporter la réparation financière dudit préjudice ;

Sur l'appel incident des sociétés ROSSI et Y :

Considérant que les sociétés intimées persistent, devant le juge d'appel, dans leurs conclusions présentées devant le juge de premier ressort, tendant à la condamnation de la COMMUNE DE MONTPELLIER à leur verser une somme de 640.260,00 F à titre de réparation du préjudice causé ; que lesdites conclusions doivent être regardées comme un appel incident contre le jugement attaqué en tant qu'il a limité à 600.000 F le montant de la réparation mise à la charge de la COMMUNE DE MONTPELLIER ;

Considérant cependant que les intimées n'apportent, à l'appui de conclusions précitées, aucun justificatif de nature à infirmer l'appréciation des premiers juges quant à l'évaluation du montant de l'indemnité qui leur a été attribuée ; qu'il suit de là que leurs conclusions d'appel tendant à ce que ladite indemnité soit portée à 640.260,00 F doivent être rejetées ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, devenu l'article L.761-1 du code de justice administrative, fait obstacle à ce que les sociétés ROSSI et Y, qui ne sont pas, dans la présente instance parties perdantes, soient condamnées à payer à la COMMUNE DE MONTPELLIER la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de faire partiellement droit aux conclusions présentées par les sociétés défenderesses en condamnant la COMMUNE DE MONTPELLIER a payer au groupement une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la COMMUNE DE MONTPELLIER est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par les sociétés ROSSI et Y sont rejetées.

Article 3 : La COMMUNE DE MONTPELLIER est condamnée à payer à chacune des sociétés défenderesses une somme de 1.000 euros (mille euros) sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MONTPELLIER, aux sociétés ROSSI et Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience du 24 juin 2003, où siégeaient :

M. LAPORTE, président de chambre,

Mme LORANT, présidente assesseur,

Mme GAULTIER, premier conseiller,

assistés de Melle FALCO, greffier ;

Prononcé à Marseille, en audience publique le 16 septembre 2003.

Le président, Le rapporteur,

Signé Signé

Guy LAPORTE Nicole LORANT

Le greffier,

Signé

Sylvie FALCO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

2

N° 99MA00657

9

N° MA


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 99MA00657
Date de la décision : 16/09/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAPORTE
Rapporteur ?: Mme LORANT
Rapporteur public ?: M. BOCQUET
Avocat(s) : FERRAN-VINSONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2003-09-16;99ma00657 ?
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