Vu, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 18 avril 2002, sous le n° 02MA00617, la requête présentée pour la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO, dont le siège social est 38, via Ungaresca, à Pordenone (33170), Italie, légalement représentée par son dirigeant en exercice, domicilié es qualité audit siège, par Me Z..., avocat ;
La société demande à la cour :
1°/ d'annuler l'ordonnance en date du 11 février 2002 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant d'une part à voir ordonner la production par la SEMAZUR et par la ville de Nice des justificatifs des paiements effectués au profit du groupement d'entreprises principales Y... Bernard / Y... Bernard Méditerranée depuis le 15 décembre 2000 ainsi que l'état des sommes restant dues en exécution de ce marché et de la réclamation formée par le groupement d'entreprises et d'autre part à voir condamner solidairement la SEMAZUR et la ville de Nice à lui verser 11.058.212 F HT (1.685.813,55 euros), soit 13.225.621 F TTC (2.016.232,92 euros) en application de l'article R.541-1 du code de justice administrative ;
Classement CNIJ : 53-03-015-04
C
2°/ de faire droit à ses demandes et de condamner solidairement la SEMAZUR et la ville de Nice à lui verser 2.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que les deux mémoires de la SEMAZUR enregistrés le 21 décembre 2001 ne lui ont pas été communiqués et que le juge s'est fondé sur eux pour rejeter sa demande et que, sur le fond, l'ordonnance viole l'article 8 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 repris à l'article 186 ter du code des marchés publics ;
- qu'il n'est pas contestable que la Société SEMAZUR et la ville de Nice doivent à la requérante une somme de 548.835,79 F TTC au titre du solde du montant des travaux expressément agréés par le maître d'ouvrage ;
- que s'agissant du paiement des travaux supplémentaires, il n'est sérieusement contestable ni au regard du droit au paiement direct, ni au regard de l'enrichissement sans cause que les travaux supplémentaires allégués ont fait l'objet d'un ordre de service du maître de l'ouvrage et revêtent un caractère nécessaire et indispensable ;
- qu'au surplus la Société SEMAZUR a commis des fautes sur le fondement desquelles elle engage sa responsabilité ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré le 6 mai 2002, le mémoire en défense présenté pour la Société SEMAZUR par la SELARL DUPONT-CAPIA, avocats au barreau de Nice ;
La SEMAZUR conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO à lui verser 4.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir :
- que le solde des sommes dues a fait l'objet d'une consignation dans l'attente du règlement du litige et que le sous-traitant n'a jamais présenté de réclamation spécifique à cette somme ;
- que les travaux supplémentaires allégués n'ont pas été ordonnés par le maître de l'ouvrage et ne revêtent pas un caractère nécessaire et indispensable ;
- que par ailleurs la SEMAZUR n'a commis aucune faute ;
Vu, enregistré le 15 mai 2002 le mémoire en défense présenté pour la ville de Nice par la SCP d'avocats LESTRADE-CESARI ; la ville conclut au rejet de la requête ;
Elle fait valoir :
- que la juridiction administrative ne peut condamner une personne publique à payer des sommes qu'elle ne doit pas ; qu'en l'espèce la créance de la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO n'est absolument pas établie ;
- que, sur le solde des sommes dues, la Société ne les a jamais réclamées par un mémoire distinct ;
- que pour le reste, les travaux supplémentaires allégués n'ont pas été ordonnés par le maître de l'ouvrage et ne revêtent pas un caractère nécessaire et indispensable et que les conditions de paiement de travaux supplémentaires ne peuvent au stade du référé être vérifiées par la juridiction administrative ;
- que par ailleurs le décompte général définitif n'a pas été signé par l'entreprise titulaire du marché ;
Vu, enregistré le 16 mai 2002, le mémoire en intervention forcée présenté pour la SEMAZUR à l'encontre des mutuelles du Mans assurances ;
La SEMAZUR demande la mise en cause des mutuelles afin que la décision à intervenir leur soit rendue opposable ;
Vu, enregistré le 5 juin 2002, le mémoire en défense présenté pour la Société Campenon Bernard Méditerranée S.N.C, et la Société Campenon Bernard S.N.C, par Me François X... ; les sociétés concluent au rejet de la requête ;
Elles font valoir :
- que lorsque l'acceptation du sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement sont constatées par un acte spécial, comme en l'espèce, les droits du sous-traitant au paiement direct s'apprécient dans la limite du montant prévisionnel des sommes à payer ;
- que pour les prestations étrangères au contrat de sous-traitance, il appartient à la Société de faire un mémoire en réclamation qui sera transmis au maître d'ouvrage ;
Vu, enregistré le 18 juin 2002, le mémoire en réponse présenté pour la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Elle fait valoir en outre :
- qu'elle se fonde non sur la notion de sujétions imprévues mais sur celle de travaux supplémentaires ;
- qu'il n'y a aucune incohérence entre les chiffres qu'elle a présentés ;
- que la jurisprudence écarte le forfait lorsque les travaux ont été demandés à l'entreprise ou résultent d'un changement de conception ;
- que le SEMAZUR reconnaît au moins le droit au paiement du solde de l'acte spécial agréé par le maître d'ouvrage, ce qui résulte du courrier de l'entreprise principale du 29 juin 2001 ;
- que pour le surplus des demandes aucun refus motivé n'a été formulé ;
Vu, enregistré le 29 juillet 2002, le nouveau mémoire présenté pour la Société SEMAZUR, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ; elle porte à 5.000 euros sa demande de condamnation de la Société requérante sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et fait valoir en outre que la saisine par la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO du juge des référés judiciaires aux fins de voir ordonner une expertise confirme le caractère sérieusement contestable de sa créance ;
Vu, enregistré le 31 octobre 2002, le nouveau mémoire présenté pour la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que la demande d'expertise ne confirme en rien le caractère sérieusement contestable de sa créance ;
Vu, enregistré le 28 avril 2003 le mémoire présenté pour la Société Campenon Bernard Méditerranée S.N.C, et la Société Campenon Bernard S.N.C, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 2003 :
- le rapport de Mme LORANT, président assesseur ;
- les observations de Me A... substituant Me Z... pour la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO ;
- les observations de Me X... pour la Société Y... Bernard Méditerranée et la Société Campenon Bernard SNC ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Considérant que la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO demande à la Cour d'annuler l'ordonnance en date du 11 février 2002 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant d'une part à voir ordonner la production par la SEMAZUR et par la ville de Nice des justificatifs des paiements effectués au profit du groupement d'entreprises principales Y... Bernard / Y... Bernard Méditerranée depuis le 15 décembre 2000 ainsi que l'état des sommes restant dues en exécution de ce marché et de la réclamation formée par le groupement d'entreprises et d'autre part à voir condamner solidairement la SEMAZUR et la ville de Nice à lui verser 11.058.212 F HT (1.685.813,55 euros), soit 13.225.621 F TTC (2.016.232,92 euros) en application de l'article R.541-1 du code de justice administrative, de faire droit à ses demandes et de condamner solidairement la SEMAZUR et la ville de Nice à lui verser 2.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de justice administrative : Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ; que l'article L.555-1 du même code dispose que Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V de présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés ; que, selon l'article R.541-1 de ce même code remplaçant l'article R.129 de l'ancien code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'ordonnance de référé étant rendue à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide, le juge des référés ne méconnaît pas le principe du caractère contradictoire de l'instruction en ne communiquant pas au demandeur les observations présentées par la partie adverse en réponse à la notification qui lui est faite du pourvoi ; que par suite, l'ordonnance attaquée n'est pas entachée d'irrégularité ;
Considérant qu'il résulte également de ces dispositions que le juge des référés statue dans les meilleurs délais, même lorsqu'il n'est pas encore saisi d'une demande au fond, par des décisions à caractère provisoire qui ne sauraient préjuger le bien-fondé de la demande principale qui est ou sera par ailleurs soumise au juge du fond statuant en formation collégiale ; que, dès lors, il lui appartient seulement, afin de se conformer aux finalités et aux impératifs de cette procédure d'urgence, de rechercher, si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision et ou n'est pas sérieusement contestable, sans avoir à se prononcer sur des moyens, qui, en réalité, se rapporteraient au bien-fondé de cette obligation et tendraient, soit à la faire reconnaître, soit à la faire écarter ; qu'il n'appartient pas davantage au juge d'appel des décisions du juge des référés du tribunal administratif de se prononcer sur le principe même de l'obligation du débiteur de la provision comme il le ferait s'il était saisi d'une demande principale, mais seulement d'apprécier, en fonction des éléments dont il dispose à ce stade de la procédure, si cette obligation est sérieusement contestable au sens dudit article R.541-1, après avoir, le cas échéant, recherché si les moyens quant au fond du droit et notamment quant au bien-fondé de cette obligation sont propres à créer un doute sérieux pouvant exercer une influence décisive sur l'appréciation du caractère non sérieusement contestable de l'obligation du débiteur de ladite provision ;
Considérant que si les parties défenderesses ne contestent pas devoir à la société requérante une somme de 548.835,79 F TTC au titre du solde du montant des travaux expressément agréés par le maître d'ouvrage, d'une part elles font valoir par ailleurs que la société requérante leur est redevable de pénalités de retard pour un montant plus élevé et d'autre part, il n'est pas certain qu'une partie du protocole signé le 11 janvier 2001 ne recouvre pas une partie des travaux pris en compte dans l'acte spécial n° 2 ; que par suite l'obligation de la société requérante de ce chef ne peut être regardé comme n'étant pas sérieusement contestable ;
Considérant qu'en ce qui concerne le surplus des sommes réclamées, correspondant selon elle à des sujétions imprévues et à des travaux supplémentaires, la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO demande au juge d'appel d'annuler l'ordonnance susvisée en soutenant que, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés, l'existence de l'obligation n'était pas sérieusement contestable, aux motifs que tant au regard du droit au paiement direct, qu'au regard de l'enrichissement sans cause, les travaux supplémentaires allégués ont fait l'objet d'un ordre de service du maître de l'ouvrage et revêtent un caractère nécessaire et indispensable et qu'au surplus la société SEMAZUR a commis des fautes sur le fondement desquelles elle engage sa responsabilité ;
Considérant que de tels moyens se rapportent à la question de savoir si les conditions permettant soit le paiement direct soit l'indemnisation de la société sur le terrain de l'enrichissement sans cause ou de la faute, sont réunies ; qu'ils invitent ainsi le juge des référés à trancher une question de droit se rapportant au fond du litige, fût-elle de nature à lui permettre d'apprécier le caractère non sérieusement contestable de l'obligation du débiteur de la provision, et non à se prononcer provisoirement, sous réserve de l'appréciation ultérieure du juge saisi de la demande au principal, sur le point de savoir si cette obligation peut être regardée comme non sérieusement contestable au sens de l'article R.541-1 du code de justice administrative ; qu'en l'état actuel de l'instruction, les éléments d'appréciation et arguments susmentionnés produits par l'appelant ne sont pas de nature à permettre au juge d'appel, en l'absence d'expertise, d'infirmer l'appréciation portée par le juge des référés qui a estimé de manière particulièrement circonstanciée que l'obligation qui pesait sur le maître d'ouvrage ne pouvait être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande sur ce point ;
Considérant enfin que, s'agissant de la demande de communication de documents, il résulte de l'instruction que le juge des référés judiciaires a ordonné, à la demande de la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO, une expertise au cours de laquelle seront produits tous les documents contractuels et toutes les pièces utiles ; que par suite, cette demande qui doit être regardée comme ayant été présentée sur le fondement des dispositions de l'article R.532-1 du code de justice administrative qui prévoient que le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...). ne présente plus d'utilité et doit être rejetée ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE COSTRUZIONI CIMOLAI ARMANDO, à la Société SEMAZUR, à la ville de Nice, à la Société Y... Bernard Méditerranée, à la Société Campenon Bernard S.N.C et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Délibéré à l'issue de l'audience du 24 juin 2003, où siégeaient :
M. LAPORTE, président de chambre,
Mme LORANT, présidente assesseur,
Mme GAULTIER, premier conseiller,
assistés de Melle FALCO, greffier ;
Prononcé à Marseille, en audience publique le 16 septembre 2003.
Le président, Le rapporteur,
Signé Signé
Guy LAPORTE Nicole LORANT
Le greffier,
Signé
Sylvie FALCO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
02MA00617 2