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18/10/2001 | FRANCE | N°00MA01667

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1e chambre, 18 octobre 2001, 00MA01667


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2000 sous le n° 00MA01667, présenté par la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE ;
La MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 97-5988 en date du 30 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables résultant du décès de M. X... et ordonné une expertise sur le préjudice subi ;
2°/ de rejeter la demande des consorts X... ;
Vu les autres pièces du do

ssier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le c...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2000 sous le n° 00MA01667, présenté par la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE ;
La MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 97-5988 en date du 30 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables résultant du décès de M. X... et ordonné une expertise sur le préjudice subi ;
2°/ de rejeter la demande des consorts X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 77-949 du 17 août 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, ensemble le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2001 :
- le rapport de M. HERMITTE, premier conseiller ;
- les observations Me Y... pour les consorts X... et A...
B... ;
- les observations de Me Z... substituant la S.C.P. DEPIEDS et LACROIX pour la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que les consorts X..., qui imputent l'affection respiratoire contractée par M. Jean-Louis X... et son décès survenu le 8 juillet 1996 à l'inhalation par ce dernier de fibres d'amiante auxquelles il a été exposé entre 1982 et 1996 dans le cadre de son activité professionnelle pour le compte de la Société Elf Atochem, ont recherché la responsabilité de l'Etat sur le fondement de la carence de ce dernier dans la mise en place de dispositions de nature à prévenir le risque d'une contamination par inhalation de fibres d'amiante ; que, par le jugement en date du 30 mai 2000 susvisé, le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables résultant du décès de M. X... ; que la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE fait appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que le risque pour une personne de développer dans certaines conditions une affection respiratoire à la suite de l'inhalation de fibres d'amiante était connu en France depuis 1906, par un rapport établi par un inspecteur du travail ; qu'il a donné lieu dès 1945 à une prise en charge spécifique au titre des maladies professionnelles par la création du tableau n° 30 concernant les affections respiratoires liées à l'amiante, complété à plusieurs reprises par la suite ; que ce risque, notamment la possibilité de développer des pathologies cancéreuses de l'appareil respiratoire, a été précisé dans les années 1950 et confirmé en 1977 par le Centre international de recherche contre le cancer ; que les pouvoirs publics français ont pris en compte les dangers résultant de l'exposition à l'amiante en milieu professionnel en édictant le décret n° 77-949 en date du 17 août 1977 ; que l'article 2 de ce décret fixait à deux fibres par centimètre cube la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salarié pendant sa journée de travail ; que toutefois, la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE n'apporte pas plus en appel qu'elle ne l'avait fait devant le tribunal administratif les éléments, notamment d'ordre scientifique, qui ont conduit le Gouvernement à retenir un tel seuil d'exposition et qui permettaient, à cette date, de penser que ce seuil était de nature à prévenir les risques liés à l'exposition aux poussières d'amiante ; que si le taux moyen de concentration initialement retenu a fait l'objet de diminutions successives, notamment en 1987 et 1992, dans le cadre de la transposition des deux directives européennes adoptées les 19 septembre 1983 et 25 juin 1991, il n'est pas davantage justifié que les nouveaux seuils d'exposition étaient adaptés, compte tenu des données scientifiques connues de l'époque, au risque d'une exposition professionnelle aux poussières d'amiante ; que de plus, durant cette période, l'Etat n'a diligenté, avant 1995, aucune étude de nature à lui permettre de s'assurer que les mesures qu'il prenait étaient adaptées au risque connu et grave sur la santé des personnes exposées en milieu professionnel à de l'amiante ; que par suite, la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE ne justifie pas que l'Etat ait pris les mesures qui s'imposaient ; qu'en conséquence, elle ne saurait utilement invoquer pour justifier ces carences ni, d'une part, l'absence de dispositions européennes précises en ce domaine, puis après le 19 septembre 1983 et le 25 mars 1991, le respect des normes communautaires transposées en droit interne français respectivement par les décrets n° 87-232 du 27 mars 1987 et n° 92-634 du 6 juillet 1992 ni, d'autre part, le retard pris par d'autres pays en cette matière durant la même période ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise joint au dossier, que le mésothéliome dont souffrait M. X... et qui a été à l'origine de son décès, survenu le 8 juillet 1996, résulte d'une exposition de ce dernier à des poussières d'amiante à l'occasion de son activité professionnelle pour le compte de la Société Elf Atochem, à Fos-Sur-Mer, pendant la période comprise entre 1982 et 1996 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a retenu la responsabilité de l'Etat ;
Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE tendant au remboursement de ses débours :
Considérant que, dans le jugement attaqué, les premiers juges, après avoir retenu la responsabilité de l'Etat ont ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer et d'évaluer le préjudice subi par les consorts X... ; que par suite les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE tendant à obtenir le remboursement de ses débours présentées dans le cadre de la présente instance ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE tendant à ce que lui soit allouée une somme de 5.000 F en application de l'ordonnance du 24 janvier 1996 :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 24 janvier 1996 susmentionnée : "( ...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 5.000 F et d'un montant minimum de 500 F. Cette indemnité est établie et recouvrée par la caisse selon les règles et sous les garanties et sanctions, prévues au chapitre 3 du titre II et aux chapitres 2, 3 et 4 du titre IV du livre Ier ainsi qu'aux chapitres 3 et 4 du titre IV du livre II applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient pas aux juridictions de l'ordre administratif de statuer sur les éventuels litiges auxquels la liquidation ou le recouvrement de ladite indemnité sont susceptibles de donner lieu ; que, par suite, les conclusions sus-énoncées doivent, à supposer qu'il existe un litige sur ce sujet, être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser entièrement à la charge de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance ; que par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Le recours de la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE sont rejetées.
Article 3 : La demande de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE présentée sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, à M. et Mme Louis X..., Mlle Michèle X..., M. Denis X..., Mme Chantal B..., M. Eric X... et à la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 00MA01667
Date de la décision : 18/10/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - HYGIENE ET SECURITE.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de la sécurité sociale L376-1
Décret 77-949 du 17 août 1977 art. 2
Décret 87-232 du 27 mars 1987
Décret 92-634 du 06 juillet 1992
Ordonnance du 24 janvier 1996


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. HERMITTE
Rapporteur public ?: M. BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-10-18;00ma01667 ?
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