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18/10/2001 | FRANCE | N°00MA01665

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1e chambre, 18 octobre 2001, 00MA01665


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2000 sous le n° 00MA01665, présenté par la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, qui demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 97-5978 en date du 30 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables résultant du décès de M. A... et ordonné une expertise sur le préjudice subi ;
2°/ de rejeter la demande des consorts A... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique

;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la Sécurité sociale ;
Vu le code d...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 28 juillet 2000 sous le n° 00MA01665, présenté par la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, qui demande à la Cour :
1°/ d'annuler le jugement n° 97-5978 en date du 30 mai 2000 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables résultant du décès de M. A... et ordonné une expertise sur le préjudice subi ;
2°/ de rejeter la demande des consorts A... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la Sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2001 :
- le rapport de M. HERMITTE, premier conseiller ;
- les observations Me Y... pour les consorts A... ;
- les observations de Me Z... substituant Mes DEPIEDS et LACROIX pour la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU-RHONE ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que M. Robert A..., décédé le 2 juin 1997 des suites d'un cancer bronchique lobaire, a été salarié des sociétés ETERNIT et SOLLAC entre 1957 et 1973 ; que ses héritiers, imputant ce décès à l'inhalation par la victime de poussières d'amiante dans le cadre des emplois qu'elle a occupés pendant la période susmentionnée, ont recherché devant le Tribunal administratif de Marseille la responsabilité de l'Etat pour sa carence dans la gestion du risque auquel la victime a été exposée ; que, par le jugement attaqué en date du 30 mai 2000, le Tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat responsable du préjudice subi par M. A... ; que la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE fait appel de ce jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que le risque pour une personne de développer une affection respiratoire à la suite de l'inhalation de fibres d'amiante a été mis en évidence, en France, en 1906, dans un rapport établi par un inspecteur du travail ; que ce risque a été précisé en 1930 par l'établissement d'une relation entre l'importance de l'exposition à l'amiante et l'augmentation du risque de développer une pathologie respiratoire ; que dès 1931, la Grande Bretagne a pris des dispositions pour limiter l'exposition professionnelle aux fibres d'amiante ; que les pouvoirs publics français ont créé en 1945 un tableau spécifique aux affections respiratoires liées à l'amiante dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles, tableau qui a fait l'objet de modifications ultérieures, dès 1950 notamment, par l'inscription successive de nouvelles affections ; qu'en 1946, aux Etats-Unis, des recommandations ont été formulées par Al'American Collège of Governmental Industrials hygiénists pour limiter l'inhalation de ce matériau ; que le caractère cancérigène de l'amiante a été mis en évidence, en Angleterre, dès le milieu des années 50 ; qu'ainsi, dès cette époque, les pouvoirs publics ne pouvaient plus ignorer que l'exposition professionnelle aux fibres d'amiante présentait des risques sérieux pour la santé des personnes concernées ; que si la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE soutient que la législation et la réglementation de l'époque relatives aux conditions de travail et notamment les dispositions imposées aux employeurs fixant les normes définissant la teneur maximale en poussières de l'air dans les locaux professionnels étaient suffisantes pour limiter le risque de développer une maladie consécutive à une exposition à de la poussière d'amiante, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que les dites mesures pouvaient être regardées comme adaptées au risque ainsi encouru en l'état des connaissances scientifiques de l'époque ; que l'Etat, qui n'a d'ailleurs diligenté aucune étude pour compléter et préciser les études sectorielles disponibles, n'a pris aucune mesure destinée à prévenir le risque résultant d'une exposition professionnelle aux poussières d'amiante avant 1977 et ne justifie pas ainsi avoir satisfait à ses obligations en matière de protection de la santé publique et notamment en ce qui concerne la sécurité des travailleurs ; que la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE ne saurait utilement se prévaloir ni du retard avec lequel d'autres Etats ont réagi face à ce problème ni de la difficulté de procéder à l'époque des fait en litige à une étude de grande ampleur sur le risque représenté par l'amiante, dont il n'est pas établi quelle aurait été impossible ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l'Etat pouvait être engagée du fait de ses carences dans la prévention des risques liés à l'exposition professionnelle aux poussières d'amiante ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport d'expertise joint au dossier, que l'affection respiratoire qui a provoqué le décès de M. A..., survenu le 2 juin 1997, est due à l'inhalation par ce dernier de poussières d'amiante auxquelles il a été exposé dans le cadre de son activité professionnelle pour le compte de la Société Eternit puis de la Société Sollac, entre 1957 et 1973 ; que par suite, le lien de causalité entre la faute de l'Etat et le décès de M. A... est établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a retenu la responsabilité de l'Etat s'agissant du préjudice résultant du décés de M. A... ;
Sur les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE tendant au remboursement de ses débours :
Considérant que dans le jugement attaqué, les premiers juges, après avoir retenu la responsabilité de l'Etat, ont ordonné une expertise médicale aux fins de déterminer et d'évaluer le préjudice subi par les consorts A... avant de déterminer les droits de la caisse ; que par suite les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE tendant obtenir le remboursement de ses débours présentées dans le cadre de la présente instance ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative : ADans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser entièrement à la charge de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance ; que par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Le recours de la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE sont rejetées.
Article 3 : La demande de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE présentée sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, à Mme Elisabeth A..., à M. Yves A..., à Mme Nadine X..., à Mme Sylvie A... et à la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 00MA01665
Date de la décision : 18/10/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - OMISSIONS.

TRAVAIL ET EMPLOI - CONDITIONS DE TRAVAIL - HYGIENE ET SECURITE.


Références :

Code de justice administrative L761-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. HERMITTE
Rapporteur public ?: M. BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-10-18;00ma01665 ?
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