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22/03/2001 | FRANCE | N°00MA00956

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1e chambre, 22 mars 2001, 00MA00956


Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mai 2000 sous le n° 00MA00956, l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 19 avril 2000 annulant un arrêt en date du 21 novembre 1995 de la Cour administrative d'appel de Lyon et renvoyant devant la Cour administrative d'appel de Marseille la requête présentée pour M. Sergio Y...
X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 21 mai 1993, présentée pour M. Sergio Y...
X... demeurant ..., par Me Z..., avocat ;
M. GALVAO X... demande à la Cour :
1°/ r

former le jugement n° 91.2040 en date du 12 mars 1993 par lequel le Tribuna...

Vu, enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 10 mai 2000 sous le n° 00MA00956, l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 19 avril 2000 annulant un arrêt en date du 21 novembre 1995 de la Cour administrative d'appel de Lyon et renvoyant devant la Cour administrative d'appel de Marseille la requête présentée pour M. Sergio Y...
X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 21 mai 1993, présentée pour M. Sergio Y...
X... demeurant ..., par Me Z..., avocat ;
M. GALVAO X... demande à la Cour :
1°/ réformer le jugement n° 91.2040 en date du 12 mars 1993 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des centres hospitaliers de Grenoble et de Chambéry à réparer les conséquences dommageables des soins qu'il y a reçus et de l'intervention qui a été pratiquée ;
2°/ condamner solidairement tant le CENTRE HOSPITALIER DE CHAMBERY que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE à lui payer la somme globale de 1.852.000 F en réparation de son préjudice ;
3°/ les condamner solidairement aux entiers dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2001 :
- le rapport de M. HERMITTE, premier conseiller ;
- les observations de Me Z... pour M. GALVAO X... ;
- les observations de Me A... substituant Me LE PRADO pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 13 mai 1987, le jeune Sergio Y...
X... a été victime d'une névralgie sciatique du côté gauche pour laquelle les traitements anti-inflammatoires qui lui ont été administrés se sont révélés inefficaces ; que suite à l'examen pratiqué le 27 mai 1987 au CENTRE HOSPITALIER DE CHAMBERY, qui a révélé l'existence d'une hernie discale, l'intéressé a été hospitalisé au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE pour y subir, le 24 juin 1987, une intervention chirurgicale en vue de procéder à l'exérèse de cette hernie ; que dans les suites de cette opération, le patient a présenté des séquelles caractéristiques du syndrome dit de la queue de cheval ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'intervention qui a été pratiquée était justifiée par l'état du patient, lequel s'était révélé rebelle aux traitements anti-inflammatoires qui lui avaient été administrés ; qu'il n'est pas établi qu'une autre thérapeutique moins risquée était possible ; qu'aucune faute ne peut être relevée dans la conduite de l'intervention, qui s'est déroulée dans les règles de l'art ; que si une brèche durale est apparue en cours d'intervention, provoquant un écoulement de liquide céphalo-rachidien, celle-ci a été traitée de façon appropriée et n'est pas, selon l'expert, à l'origine des complications dont se plaint le requérant ; que de plus, aucune faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ne résulte de l'instruction ; qu'en conséquence, la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE ne peut être recherchée sur ce fondement juridique ;
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ; que dans les circonstances de l'espèce, si M. GALVAO X... souffre de diverses séquelles physiques, qui se traduisent notamment par de sérieuses difficultés à la marche, des troubles urinaires et sphinctériens et si ces séquelles entraînent des perturbations très importantes dans la vie quotidienne de l'intéressé, elles ne le privent cependant pas de la possibilité de se déplacer par ses propres moyens et de se livrer aux principales activités de la vie courante sans l'aide d'une tierce personne ; que dès lors, le préjudice subi par M. GALVAO X... ne présente pas un caractère d'extrême gravité ; que de plus, ces séquelles ne peuvent être regardées comme étant sans rapport avec l'état initial du patient ; que par suite, ne sont pas réunies les conditions susmentionnées nécessaires pour que la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE puisse être engagée en l'absence de faute ;

Considérant toutefois, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que les parents du jeune Y...
X... aient été informés des risques de l'intervention et notamment des risques de troubles neurologiques susceptibles d'en résulter ; que ce défaut d'information, alors que l'établissement hospitalier n'établit pas l'existence de l'une des circonstances susmentionnées permettant de déroger à cette obligation, constitue un manquement fautif de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE au profit du requérant, qui a ainsi été privé d'une chance de se soustraire à ce risque ;
Considérant que, par suite, M. GALVAO X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble, a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE ; que par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement ;
Sur le préjudice :
Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. GALVAO X... de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis en procédant au rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques d'évolution de son affection auxquels s'exposait le requérant en cas de renoncement à ce traitement ; que l'état du dossier ne permet pas de déterminer les risques d'évolution de sa pathologie auxquels s'exposait le requérant en refusant l'intervention qui lui était proposée ni les risques encourus du fait de cette intervention ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'ordonner un complément d'expertise sur ce point ; que, de plus, il y a également lieu de demander à l'expert de préciser si l'incapacité permanente partielle dont reste atteint M. GALVAO X..., fixée à 30 %, est entièrement imputable aux conséquences de l'intervention chirurgicale qu'il a subie ou si elle se rattache à son état pathologique antérieur et si oui, dans quelle proportion ;
Article 1 er : Le jugement n° 91-2040 du 12 mars 1993 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE est déclaré responsable des conséquences dommageables résultant pour M. GALVAO X... de la perte de chance de se soustraire au risque auquel l'a exposé l'intervention chirurgicale du 24 juin 1987.
Article 3 : Avant de statuer sur la demande de réparation du préjudice de M. GALVAO X..., il sera procédé à un complément d'expertise médicale.
Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la Cour administrative d'appel. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues à l'article R.621-2 à R.621-14 du code de justice administrative.
Article 5 : Il aura pour mission :
- de consulter l'entier dossier médical du requérant et, si besoin, de procéder à un nouvel examen de l'intéressé ;
- de préciser, en se plaçant à la date de l'intervention en litige, les risques connus inhérents à ce type d'interventions ;
- de décrire l'évolution prévisible, à cette même date, de l'état de santé de M. GALVAO X... en l'absence de toute intervention chirurgicale, d'en préciser la nature et la gravité ainsi que le délai et la probabilité de réalisation ;
- de déterminer si le taux d'IPP dont demeure atteint M. GALVAO X... est entièrement imputable aux conséquences de l'intervention chirurgicale subie ou s'il résulte également de son état pathologique préexistant et, dans ce dernier cas, d'évaluer la part d'invalidité correspondant à cet état préexistant.
Article 6 : L'expertise sera réalisée en présence de M. GALVAO X..., du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE.
Article 7 : Les frais d'expertise ainsi que tous droits et moyens des parties autres que ceux sur lesquels il a été statué par le présent arrêt, sont réservés.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. GALVAO X..., au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SAVOIE et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 00MA00956
Date de la décision : 22/03/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. HERMITTE
Rapporteur public ?: M. BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2001-03-22;00ma00956 ?
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