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26/10/2000 | FRANCE | N°99MA02243

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1e chambre, 26 octobre 2000, 99MA02243


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 décembre 1999 sous le n° 99MA02243, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE, dont le siège est ..., BP 1179 à Nice Cedex 1 (06003), représenté par son directeur, par Me LE PRADO, avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 97-1810 du 29 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamné :
- à verser des indemnités de 1.040.000 F à M. Mekki A..., 50.000 F à Mme Naziha A..., 10.000 F à M. X...r>A..., 10.000 F à M. Abir A..., 10.000 F à Mlle Intisar A..., 10.000 F à Mlle...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 6 décembre 1999 sous le n° 99MA02243, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE, dont le siège est ..., BP 1179 à Nice Cedex 1 (06003), représenté par son directeur, par Me LE PRADO, avocat ;
Le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 97-1810 du 29 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice l'a condamné :
- à verser des indemnités de 1.040.000 F à M. Mekki A..., 50.000 F à Mme Naziha A..., 10.000 F à M. X...
A..., 10.000 F à M. Abir A..., 10.000 F à Mlle Intisar A..., 10.000 F à Mlle Maisam A..., 10.000 F à Mlle Soundes A..., et 423.523,42 F avec intérêts à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES ;
- à supporter les frais d'expertise ;
- à verser une somme de 3.000 F à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 octobre 2000 :
- le rapport de M. MOUSSARON, premier conseiller;
- les observations de Me LE PRADO pour le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE ;
- les observations de Me Z... pour les consorts A... ;
- les observations de Me Y... de la S.C.P. DEPIEDS LACROIX pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
Sur la responsabilité :
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient, comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Mekki A..., qui est tombé d'un échafaudage le 5 novembre 1993, a notamment subi le 11 avril 1995, au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE, une intervention chirurgicale avec ostéosynthèse portant sur la cinquième vertèbre lombaire ; qu'à la suite de cette intervention, il a été victime du syndrome dit de la queue de cheval, entraînant une paraplégie totale suivie d'une récupération partielle ; que si, après la consolidation de son état, il demeure atteint d'une incapacité permanente partielle fixée par l'expert à 40 %, et s'il souffre de douleurs physiques évaluées à 5,5/7 ainsi que d'un important préjudice d'agrément, ces dommages ne présentent pas un caractère justifiant leur indemnisation sur le fondement des principes ci-dessus énoncés ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a condamné le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE à indemniser ces dommages sur le fondement de ces principes ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par les consorts A... ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'une faute médicale aurait été commise lors de l'intervention du 11 avril 1995 ;
Considérant, toutefois, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; qu'en l'espèce, le centre hospitalier ne conteste pas que M. A... n'a pas été informé du risque connu de complications neurologiques, lesquelles apparaissent selon l'expert après 1 à 2 % des interventions de la nature de celle qui a été effectuée ; que, nonobstant le caractère exceptionnel de ces complications, ce risque devait être porté à la connaissance du patient ; que le défaut d'information de M. A..., dont il n'est pas allégué, qu'il aurait été justifié par l'urgence, par le refus du patient d'être informé ou par une situation d'impossibilité, présente le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE ;

Sur le préjudice :
Considérant que les débours supportés par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES, correspondant aux frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport résultant des conséquences dommageables de l'intervention, s'élèvent à 423.523,42 F ; que, compte tenu de l'incapacité permanente partielle de 40 % et des préjudices d'agrément supportés par M. A..., il sera fait une juste appréciation des troubles qu'il subit dans ses conditions d'existence en les évaluant à une somme de 850.000 F, dont 450.000 F correspondent à l'atteinte à son intégrité physique ; qu'il y a lieu d'évaluer les souffrances physiques, de 5,5/7 selon l'expert, à la somme de 150.000 F, et le préjudice esthétique de 3/7 à la somme de 40.000 F ; qu'ainsi les conséquences dommageables pour M. A... de l'intervention s'élèvent à 1.463.523,42 F dont 873.523,42 F au titre de l'atteinte à l'intégrité physique ;
Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. A... de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, la situation antérieure caractérisée par des douleurs ainsi que par une perte partielle de mobilité et de sensibilité, cette fraction doit être fixée en l'espèce à trente pour cent; qu'ainsi la part du dommage de M. A... devant être supporté par le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE s'élève à la somme de 439.057,02 F dont 262.057,02 F correspondent à l'atteinte à l'intégrité physique ;

Sur les droits de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES :
Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : "Si la responsabilité d'un tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ; qu'il résulte de ces dispositions que le recours de la caisse s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel, la part etindemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que, par suite, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES, qui justifie du versement d'une somme totale de 423.523,42 F au titre des suites dommageables pour son assuré de l'intervention susmentionnée a droit au remboursement des frais exposés par elle à hauteur de la somme de 262.057,02 F ; que, dès lors, il y a lieu de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE à verser à ladite caisse une indemnité de ce montant ;

Sur les droits de M. A... :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Mekki A... peut prétendre au versement d'une indemnité de 177.000 F ;
Sur les droits de Mme Naziha A... et des enfants de M. A... :
Considérant que l'épouse et les enfants de M. A... subissent, en raison de l'état de santé de ce dernier, des troubles dans leurs conditions d'existence ; que ces troubles doivent être évalués à la somme de 50.000 F en ce qui concerne Mme Naziha A..., et à la somme de 10.000 F en ce qui concerne chacun des cinq enfants ; que le préjudice indemnisable à ce titre est celui imputable à la perte etune chance pour M. A... de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'il doit être fixé à trente pour cent des sommes précitées ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE à verser une indemnité de 15.000 F à Mme A..., et une indemnité de 3.000 F à chacun des enfants de M. A... ;
Article 1er : Les indemnités que le CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE a été condamné à verser par le jugement du Tribunal administratif de Nice n° 97-1810 du 29 juin 1999 sont ramenées aux montants suivants :
- 177.000 F (cent soixante-dix-sept mille francs) à M. Mekki A... ;
- 15.000 F (quinze mille francs) à Mme Naziha A... ;
- 3.000 F (trois mille francs) à M. X...
A... ;
- 3.000 F (trois mille francs) à M. Abir A... ;
- 3.000 F (trois mille francs) à Mlle Intisar A... ;
- 3.000 F (trois mille francs) à Mlle Maisam A... ;
- 3.000 F (trois mille francs) à Mlle Soundes A... ;
- 262.057,02 F (deux cent soixante-deux mille cinquante-sept francs deux centimes) à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES.
Article 2 : Le jugement susmentionné du Tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE NICE, à M. Mekhi A..., à Mme Naziha A..., à M. X...
A..., à M. Abir A..., à Mlle Intisar A..., à Mlle Maisarn A..., à Mlle Soundes A..., à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES-MARITIMES et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99MA02243
Date de la décision : 26/10/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01-01-04 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - EXISTENCE D'UNE FAUTE - MANQUEMENTS A UNE OBLIGATION D'INFORMATION ET DEFAUTS DE CONSENTEMENT


Références :

Code de la sécurité sociale L376-1


Composition du Tribunal
Président : M. Roustan
Rapporteur ?: M. Moussaron
Rapporteur public ?: M. Benoit

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2000-10-26;99ma02243 ?
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