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21/01/1999 | FRANCE | N°96MA11805

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, Pleniere, 21 janvier 1999, 96MA11805


Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, les requêtes présentées par le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES ;
Vu, enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux le 26 août 1996 sous le n 96BX01805, les deux requêtes présentées par le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES, représenté par le président du conseil général, dûment habilité par délibération de la commission perman

ente du 12 juillet 1996 ;
Le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES deman...

Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, les requêtes présentées par le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES ;
Vu, enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux le 26 août 1996 sous le n 96BX01805, les deux requêtes présentées par le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES, représenté par le président du conseil général, dûment habilité par délibération de la commission permanente du 12 juillet 1996 ;
Le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement du 5 juin 1996 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, sur déféré du PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, annulé la délibération de son conseil général en date du 24 novembre 1995 décidant l'adhésion du département à l'association des collectivités détentrices du logiciel GAIA ;
2 / de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
3 / de rejeter la demande présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu la loi du 10 août 1871 en vigueur à la date de la décision attaquée ;
Vu le code des communes en vigueur à la date de la décision attaquée ;
Vu la loi n 82-213 du 2 mars 1982 en vigueur à la date de la décision attaquée ;
Vu la loi n 83-8 du 7 janvier 1983 en vigueur à la date de la décision attaquée ;
Vu la loi n 92-125 du 6 février 1992 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 1999 :
- le rapport de M. BIDARD DE LA NOE, président assesseur ;
- et les conclusions de M. BENOIT, premier conseiller ;

Considérant que, par délibération de son conseil général en date du 24 novembre 1995, le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES a adhéré à l'association "des utilisateurs du logiciel GAIA" qui, regroupant neuf autres départements, a pour objet d'assurer la maintenance et l'amélioration d'un logiciel, créé par le département de Seine-et-Marne, pour la gestion informatisée des services des archives départementales ; que, sur déféré du préfet, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé, par un jugement du 5 juin 1996, cette délibération au motif qu'elle avait "pour objet et pour effet de faire participer le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES à la création d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ne regroupant en l'espèce que des collectivités territoriales" et "qu'eu égard à son objet, cette association de droit privé se trouve substituée aux formes de coopération des collectivités ayant des intérêts communs telles qu'instituées par la loi dans un cadre de droit public" ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 22 janvier 1992 : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations." ;
Considérant que les dispositions susénoncées, qui sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propre initiative, font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas été invoqué par les parties ni relevé par son président avant la séance du jugement, de rayer l'affaire du rôle de ladite séance et de communiquer le moyen aux parties ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES n'avait pas soulevé, à l'appui de son déféré dirigé contre la délibération du conseil général des Pyrénées-Orientales en date du 24 novembre 1995 décidant l'adhésion de ce département à l'association des utilisateurs du logiciel GAIA, le moyen tiré de ce que les articles 89 à 91 de la loi du 10 août 1871 et L.166-1 à L.166-5 du code des communes interdisent aux départements de coopérer selon des modalités différentes de celles prévues par lesdites lois ; qu'en annulant pour ce motif la décision attaquée sans avoir accompli les formalités exigées par les dispositions précitées de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le Tribunal administratif a entaché sa décision d'irrégularité ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement litigieux et de statuer par voie d'évocation sur les conclusions dirigées contre la délibération du 24 novembre 1995 ;
Sur la recevabilité du déféré préfectoral :

Considérant, en premier lieu, que la délibération attaquée est devenue exécutoire le 7 décembre 1995, date de sa réception à la préfecture ; que, par suite, le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES n'est pas fondé à soutenir que le déféré préfectoral, qui a été enregistré au greffe du Tribunal administratif de Montpellier le 16 avril 1996, serait prématuré ;
Considérant, en second lieu, que ni la loi n 82-213 du 2 mars 1982, ni le code des juridictions financières, ni aucune autre disposition législative ne confère aux chambres régionales des comptes le pouvoir d'annuler les délibérations des conseils généraux ; qu'ainsi, l'exception de recours parallèle invoquée par le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES doit être écarté ;
Sur la légalité de la délibération du conseil général des PYRENEES-ORIENTALES :
Considérant qu'aux termes de l'article 72 de la Constitution : "(les) collectivités (territoriales) s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; que la liberté d'association constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; qu'ainsi, si le second alinéa de l'article 6 de la loi n 83-8 du 7 janvier 1983, alors en vigueur à la date de la délibération attaquée, précise que "les collectivités territoriales peuvent s'associer pour l'exercice de leurs compétences en créant des organismes publics de coopération dans les formes et conditions prévues par la législation en vigueur", ces dispositions ne sauraient interdire aux départements de créer ou d'adhérer à une association de droit privé régie par la loi du 1er juillet 1901 ; que, toutefois, les départements ne peuvent confier à une association de droit privé la gestion d'un service public à caractère administratif qui, par sa nature ou par la volonté du législateur, ne peut être assuré que par eux-mêmes ; que, lorsqu'ils entendent s'associer pour gérer un tel service public, il leur appartient de choisir l'une des formes de coopération interdépartementale de droit public prévus par la loi ; qu'il résulte des articles 89 à 91 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, alors en vigueur, des articles L.166-1 et L.166-2 du code des communes alors applicable et de l'article 53 de la loi n 92-125 du 6 février 1992 que les départements peuvent s'associer pour gérer en commun des services publics administratifs soit en concluant des conventions, soit en créant des ententes ou des institutions interdépartementales, soit en constituant des syndicats mixtes ou des groupements d'intérêt public ;

Considérant que les articles 66 et 67 de la loi susvisée du 7 janvier 1983 font obligation aux conseils généraux d'assurer la conservation et la mise en valeur des archives départementales ; que "l'association des utilisateurs de GAIA" a pour objet d'assurer la maintenance et l'amélioration du logiciel créé par le département de Seine-et-Marne pour la gestion informatisée des services des archives départementales ; qu'un tel objet n'est pas dissociable de la gestion du service public des archives départementales ; qu'ainsi, la délibération attaquée a pour effet de faire participer le département des Pyrénées-Orientales à une association de droit privé régie par la loi du 1er juillet 1901 pour gérer l'une des composantes d'un service public administratif dont cette collectivité avait la charge par la volonté du législateur ; que, par suite, ladite délibération, contraire aux dispositions précitées du second alinéa de l'article 6 de la loi du 7 janvier 1983, est entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du déféré, que le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à demander l'annulation de cette délibération ;
Sur le déféré n 96-115 tendant au sursis à exécution de la délibération du conseil général :
Considérant que le présent arrêt annulant la délibération du conseil général des PYRENEES-ORIENTALES du 24 novembre 1995, il n'y a pas lieu de statuer sur le déféré du préfet des PYRENEES-ORIENTALES, enregistré au greffe du Tribunal administratif de Montpellier sous le n 96-115, tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette délibération ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 1996 et la délibération du conseil général des PYRENEES-ORIENTALES du 24 novembre 1995 décidant l'adhésion dudit département à l'association des utilisateurs du logiciel GAIA sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le déféré du préfet des PYRENEES-ORIENTALES tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la délibération du conseil général des Pyrénées-Orientalesdu 24 novembre 1995.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DES PYRENEES-ORIENTALES, au PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : Pleniere
Numéro d'arrêt : 96MA11805
Date de la décision : 21/01/1999
Sens de l'arrêt : Annulation non-lieu à statuer
Type d'affaire : Administrative

Analyses

10 ASSOCIATIONS ET FONDATIONS - Adhésion d'une collectivité territoriale à une association - Légalité - Conditions.

10, 135-03-03, 135-05-03 Si le second alinéa de l'article 6 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précise que "les collectivités territoriales peuvent s'associer pour l'exercice de leurs compétences en créant des organismes publics de coopération dans les formes et conditions prévues par la législation en vigueur", ces dispositions ne sauraient interdire aux départements de créer ou d'adhérer à une association de droit privé régie par la loi du 1er juillet 1901. Toutefois, les départements ne peuvent confier à une association de droit privé l'exécution d'un service public à caractère administratif qui, par sa nature ou par la volonté du législateur, ne peut être assuré que par eux-mêmes. Lorsqu'ils entendent s'associer pour gérer un tel service public, il leur appartient de choisir l'une des formes de coopération interdépartementale de droit public prévues par la loi. Les articles 66 et 67 de la loi du 7 janvier 1983 faisant obligation aux conseils généraux d'assurer la conservation et la mise en valeur des archives départementales, celui des Pyrénées-Orientales ne pouvait légalement décider d'adhérer à une association ayant pour objet la maintenance et l'amélioration d'un logiciel élaboré par un autre département pour la gestion informatisée des services des archives départementales et qui devait ainsi gérer l'une des composantes d'un service public administratif mis à la charge des départements par la loi.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - DEPARTEMENT - GESTION DES SERVICES PUBLICS - Gestion dans une structure de coopération interdépartementale - Service des archives.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COOPERATION - COOPERATION INTERDEPARTEMENTALE - Recours à une association de la loi du 1er juillet 1901 - Légalité - Conditions.


Références :

Code des communes L166-1, L166-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1
Loi du 10 août 1871 art. 89 à 91
Loi du 01 juillet 1901
Loi 82-213 du 02 mars 1982
Loi 83-8 du 07 janvier 1983 art. 6, art. 66, art. 67
Loi 92-125 du 06 février 1992 art. 53


Composition du Tribunal
Président : M. Hertgen
Rapporteur ?: M. Bidard de la N e
Rapporteur public ?: M. Benoit

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;1999-01-21;96ma11805 ?
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