Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n' 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTEPROVENCE;
Vu les deux requêtes enregistrées au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 23 juin 1997 sous le n' 97LY01487, présentées par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE, dont le siège est ..., représentée par son président M. Jean BALLESTER;
LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE demande à la Cour:
l'/ d'annuler le jugement du 27 mars 1997 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé la décision de son président en date du 26 octobre 1995 licenciant pour insuffisance professionnelle M. Alain Y..., d'autre part, lui a enjoint de réintégrer ce dernier sous astreinte de 1.000 F par jour de retard et, enfin, l'a condamnée à verser à l'intéressé les sommes de 615.000 F, 80.000 F et 12.000 F ;
2'/ de surseoir à l'exécution de ce Jugement ;
3'/ de rejeter l'ensemble des demandes présentées par M. Y... devant le Tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n' 87-1127 du 31 décembre 1987 ,
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 1998
- le rapport de M. BIDARD DE LA NOE, président assesseur;
- les observations de Me X... pour M. Y...;
- et les conclusions de M. BOCQUET, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'en cours d'instance, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE a produit une délibération de son assemblée générale autorisant son président à faire appel du jugement rendu par le Tribunal administratif de Marseille le 27 mars 1997 ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que la requête serait irrecevable pour défaut de capacité à agir de son auteur ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE soutient que le Tribunal administratif aurait dénaturé, dans le jugement attaqué, le sens de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Lyon en date du 4 juillet 1995 en l'analysant comme une confirmation de son jugement du 20 décembre 1993 ;
Considérant que le jugement susvisé du 20 décembre 1993 avait annulé la décision du président de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE du 14 novembre 1991 licenciant une première fois M. Y... pour insuffisance professionnelle; que, dans son arrêt du 4 juillet 1995, la Cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par ladite chambre tendant à l'annulation de ce jugement ; qu'ainsi, en mentionnant dans le jugement attaqué que la Cour avait confirmé son premier jugement, le Tribunal administratif n'a pas dénaturé la portée de l'arrêt rendu le 4 juillet 1995 ;
Considérant, en second lieu, que l'erreur commise par le Tribunal administratif sur la situation de M. Y... au regard de l'article 5 du contrat le liant à la CHAMBRE DE COMMERCE ET DINDUSTRIE a été sans influence sur le contenu et sur le sens du jugement attaqué ; que, par suite, la requérante ne peut s'en prévaloir ;
Sur la légalité de la décision prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. Y... :
Considérant que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE invoque, pour justifier le licenciement de M. Y..., qui était responsable du Centre régional d'Enseignement Touristique (C.R.E.T.) situé à Barcelonnette, l'insuffisance de son travail, de ses résultats et de ses contacts avec les entreprises locales
Considérant, s'agissant du premier reproche, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des rapports d'activité du C.R.E.T. et des nombreux témoignages produits, que M. Y... faisait preuve d'une activité qui était reconnue par plusieurs élus de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE ainsi que par de nombreux responsables socioprofessionnels ;
Considérant, s'agissant du second grief, que les documents contradictoires fournis par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE n'établissent pas la diminution dénoncée des "heures-stagiaires" ; que le déficit du budget du C.R.E.T. s'expliquerait, selon M. Y..., par le financement d'importants travaux ; que l'intéressé affirme, sans être démenti, que les deux nouvelles actions de formation qu'il avait conçues pour les métiers du bois et pour les sports de montagne ont été refusées par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE ,
Considérant, s'agissant du troisième -grief, que la Chambre de commerce et d'industrie n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'incapacité de M. Y... à "prospecter les entreprises du département et à concevoir une stratégie de développement" ; qu'ainsi, il ne ressort pas du dossier que M. Y... se soit montré inapte à l'exercice de ses fonctions ni que les faits qui lui étaient reprochés fussent de nature à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, par suite, l'organisme requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de licenciement du 26 octobre 1995 ;
Sur la réparation du préjudice de M. Y... au titre de ses pertes de salaires :
Considérant que, pour condamner la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE à verser la somme de 615.000 F à M. Y... en réparation des pertes de salaires pour la période comprise entre le mois de mars 1992, date d'effet de son premier licenciement et le 27 mars 1995, date de sa réintégration, le jugement attaqué a calculé le traitement moyen qu'aurait perçu l'intéressé s'il n'avait pas été licencié et a multiplié ce chiffre par le nombre de mois correspondant à la durée d'éviction illégale ; que le jugement précise que le montant ainsi obtenu doit être diminué des allocations de chômage éventuellement versées ainsi que des revenus tirés le cas échéant d'une activité professionnelle exercée pendant cette période ; que, pour contester cette méthode, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE se borne à soutenir que "l'évaluation du Tribunal est totalement extravagante" ; que, ce disant, elle n'établit pas l'erreur commise par les premiers juges ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué l'a condamnée à verser la somme de 615.000 F à M. Y... au titre de ses pertes de salaires ;
Sur les conclusions présentées en appel par M. Y...
En ce qui concerne la capitalisation des intérêts :
Considérant que M. Y... a demandé le 14 août 1997 la capitalisation des intérêts afférents aux indemnités de 615.000 F et de 80.000 F que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE a été condamnée à lui verser par le jugement du Tribunal administratif de Marseille ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts sur ces sommes -, qu'il convient, par suite. en application de l'article 1154 du code civil. de faire droit à la demande de M. Y... ;
En ce qui concerne l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE à verser à M. Y... la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article ler: La requête de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE est rejetée.
Article 2 : Les intérêts des sommes de 615.000 F (six cent quinze mille francs) et de 80.000 F (quatre vingt mille francs) auxquelles la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE- HAUTE-PROVENCE a été condamnée à verser à M. Y... par le jugement du Tribunal administratif de Marseille du 27 mars 1997 seront capitalisés à la date du 14 août 1997 pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3: La CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE est condamnée à verser à M. Y... la somme de 10.000 F (dix mille francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel .
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE DIGNE-LES-BAINS ET DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE, à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.