La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2023 | FRANCE | N°22LY03381

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 22LY03381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Allier a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202046 du 19 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision désignant le pays de destination et rejeté le surplus de sa demande.
<

br>Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 novembre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2022 par lequel la préfète de l'Allier a retiré son attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202046 du 19 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision désignant le pays de destination et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 novembre 2022, 1er décembre 2022 et 27 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Toupin, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

3°) d'annuler les décisions portant retrait de son attestation de demandeur d'asile et obligation de quitter le territoire français ;

4°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou la même somme à lui verser directement, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle.

6°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé, en particulier s'agissant de la réponse apportée aux moyens tirés de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnait l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnait le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La préfète de l'Allier, qui a reçu communication de la requête, n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité ivoirienne, née le 16 décembre 1994, est entrée en France en février 2020 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 8 novembre 2021, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mars 2022. Par un arrêté du 5 septembre 2022, la préfète de l'Allier a procédé au retrait de son attestation de demandeur d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 19 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision désignant le pays de destination et rejeté le surplus des conclusions de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2022. Elle relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 décembre 2022. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est mère d'un enfant, C... D..., né en France le 1er juillet 2020 d'un père de nationalité française, M. B... D..., qui l'a reconnu le 11 mars 2020. Mme A... vit avec son fils, de nationalité française, depuis la naissance de celui-ci et contribue, de ce fait, nécessairement à son éducation et à son entretien. Dès lors, en l'absence de contestation de paternité, Mme A... relève du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'oppose à ce qu'une décision portant obligation de quitter le territoire français soit prise à l'encontre d'un parent d'un enfant français mineur résidant en France dont il établit participer à l'entretien et à l'éducation. Par suite, en édictant la mesure d'éloignement en litige, la préfète de l'Allier a méconnu les dispositions précitées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

7. Le présent arrêt implique nécessairement, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'après remise d'une autorisation provisoire de séjour sans délai, la préfète de l'Allier réexamine la situation de Mme A... dans un délai de trois mois.

Sur les frais liés au litige :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Toupin de la somme de 1 000 euros.

9. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement n° 2202046 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 19 octobre 2022 ainsi que la décision de la préfète de l'Allier du 5 septembre 2022 obligeant Mme A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Allier de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, après remise sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Toupin une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Moulins, en application en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme Courbon, présidente-assesseure,

Mme Caraës, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

A. Courbon

Le président,

D. Pruvost

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY03381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03381
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : TOUPIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-07-06;22ly03381 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award