Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2018, le 9 août 2018, le 11 octobre 2018 et le 25 juin 2020, sous le n° 1804848, la société civile immobilière (SCI) L'Eau Vive, M. A... et Mme F... G..., Mme D... K..., Mme E... J... et M. B... G... ont demandé au tribunal d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 février 2018 par lequel le maire de la commune de Megève a délivré un permis de démolir et de construire un chalet d'habitation à M. C... et à Mme H... ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, et, d'autre part, l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel il leur a délivré un permis de construire modificatif.
Par un jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021, pris sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur ces demandes, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, dans l'attente de la notification au tribunal d'une mesure de régularisation des vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.
Par un jugement n°s 1804848 et 1805857 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres en annulant les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018.
Procédure devant la cour
I) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021 sous le n° 21LY04227, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de première instance de la SCI L'eau Vive et autres ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI L'eau Vive et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, la délivrance du permis modificatif constituant une circonstance de droit nouvelle imposant la réouverture de l'instruction ;
- le permis modificatif du 4 octobre 2021 régularise les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.
La requête a été communiquée à la SCI L'eau Vive et autres, qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023.
II) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021 sous le n° 21LY04226, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 ;
2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI L'eau Vive et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de réouverture de l'instruction ;
- le permis modificatif du 4 octobre 2021 régularise les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme.
La requête a été communiquée à la SCI L'eau Vive et autres, qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me Chaussat pour la commune de Megève ainsi que celles de Me Grisel pour la SCI L'eau Vive et autres.
Une note en délibéré, présentée pour la commune de Megève, a été enregistrée le 23 mars 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 février 2018, le maire de la commune de Megève a délivré à M. C... et à Mme H..., sur une parcelle cadastrée section AP n°..., au lieu-dit Glaise Est, un permis de construire portant sur la construction d'un chalet d'habitation d'une surface de plancher de 230,75 m², valant permis de démolir un mazot de 6,51 m². Il a accordé le 13 juillet 2018 un permis modificatif portant sur une création supplémentaire de surface de plancher de 12,30 m², une modification de l'emprise au sol et un abaissement de la toiture. La SCI L'Eau vive, M. A... G..., Mme F... G..., Mme D... K..., Mme E... J... et M. B... G... ont présenté un recours gracieux, reçu le 4 avril 2018 par la commune, tendant au retrait du permis initial, qui a été implicitement rejeté. Par une première requête, enregistrée sous le n° 1804848, ils ont demandé l'annulation de ces permis, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1805857, ils ont demandé l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2018 portant permis de construire modificatif. Par un jugement avant dire droit du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur ces requêtes jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, dans l'attente d'une mesure régularisant les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Le maire de la commune de Genève a délivré une mesure de régularisation M2 par un arrêté du 4 octobre 2021, qui porte sur la suppression de la rampe d'accès au garage enterré et la création de deux places de stationnement extérieures en gravier, mais qui n'a été produit devant le tribunal administratif que par une note en délibéré. Par un jugement du 9 décembre 2021, le tribunal administratif a annulé les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018 en retenant l'absence de régularisation des vices dans son jugement avant-dire-droit. La commune de Megève relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 qui a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres en annulant les arrêtés du 8 février 2018 et du 13 juillet 2018. Elle demande également, dans une requête distincte, le sursis à exécution de ce jugement.
2. Les deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 21LY04227 :
En ce qui concerne la régularité du jugement du 9 décembre 2021 :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme: " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". A l'issue du délai qu'il a fixé dans sa décision avant dire droit pour que lui soient adressées la ou les mesures de régularisation du permis de construire attaqué, le juge peut à tout moment statuer sur la demande d'annulation de ce permis et, le cas échéant, y faire droit si aucune mesure de régularisation ne lui a été notifiée. Il ne saurait toutefois se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu'il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué.
4. D'autre part, lorsque le juge est saisi d'un recours dirigé contre un permis de construire et qu'est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l'instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction. Lorsqu'il s'agit d'un permis de régularisation, sa production après la clôture de l'instruction rend le vice susceptible d'être régularisé inopérant contre le permis initial et constitue, si la partie qui le produit n'était pas en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction, une circonstance nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire imposant dès lors d'en tenir compte et, en conséquence, de rouvrir l'instruction.
5. En l'espèce, si, postérieurement au jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021, une mesure de régularisation a été prise le 4 octobre 2021, elle n'a toutefois été produite que dans le cadre d'une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif postérieurement à l'audience du 15 novembre 2021. La commune de Megève n'apporte aucune explication sur l'impossibilité de produire cette décision avant cette date. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en prononçant l'annulation des permis en litige sans rouvrir l'instruction pour prendre en compte cette mesure de régularisation, a statué au terme d'une procédure irrégulière.
En ce qui concerne les vices fondant l'annulation des permis de construire :
6. L'examen de la légalité des permis de construire des 8 février 2018 et 13 juillet 2018 impose d'examiner si, comme le soutient la commune de Megève en appel, la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 produite dans le dossier d'appel et communiquée par la cour, a régularisé les vices relevés par le tribunal dans son jugement d'annulation.
S'agissant de la méconnaissance des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme :
7. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / (...) ".
8. Le sursis à statuer prononcé par le jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021 était fondé sur l'absence de production, dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, du plan de coupe de la façade nord-ouest, ne permettant pas aux services instructeurs de se prononcer sur l'appréciation des règles d'implantation, de volume et de hauteur. Ce vice a toutefois été régularisé par la production de ce plan dans le dossier de la mesure de régularisation du 4 octobre 2021.
S'agissant de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme :
9. Aux termes de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme : " 11.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH concernant les constructions : / a. Implantation et volume : / (...) / Dans les secteurs UH2, UH3 et UH3p, - dans le cas d'une construction nouvelle ou d'extensions d'une construction existante, le rapport entre la hauteur maximum telle que définie à l'article 10 et la longueur de la façade pignon (hors éléments de débord) des constructions principales doit être au maximum de 0,65. " Aux termes de l'article 10 UH du règlement du plan local d'urbanisme : " HAUTEUR MAXIMALE / 10.1 Dispositions générales à l'ensemble de la zone UH : / (...) / La hauteur maximum des bâtiments est mesurée entre tout point situé sur la ligne de faîtage la plus haute de l'ensemble immobilier indivisible, projeté sur le point le plus bas du terrain fini après travaux d'exhaussement ou d'affouillement de sol nécessaires pour la réalisation du projet, pris dans le périmètre d'emprise au sol au droit des façades (hors balcons) dudit ensemble immobilier indivisible. / (...)/ 10.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH : / La hauteur maximum telle que définie ci-dessus doit, en premier lieu s'intégrer à l'environnement bâti existant et en second lieu, ne pas excéder : / (...) / - dans le secteur UH2 : 13 m / (...) / ".
10. Il ressort de la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 qu'en supprimant la rampe d'accès au garage enterré en façade nord-ouest et le garage enterré, le point le plus bas du terrain fini après travaux ne correspond plus au point situé à ce niveau mais au point d'altitude 1098,80 au niveau du rez-de-chaussée. La longueur de la façade pignon du projet litigieux dans la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 est de 13 mètres avec une hauteur de 8,45 mètres, le rapport s'établissant ainsi désormais à 0,65, en conformité avec les dispositions précitées de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme. Le vice retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance, par les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018, des dispositions de cet article 11.2 UH a, dès lors, été régularisé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les vices retenus par le tribunal administratif dans son jugement avant-dire-droit ont été régularisés. La commune de Megève est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres.
Sur la requête n° 21LY04226 :
12. Le présent arrêt ayant statué sur la requête de la commune de Megève tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY04226 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Sur les frais liés au litige :
13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCI L'eau Vive et autres la somme que demande la commune de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions en annulation présentées par la SCI l'Eau Vive et autres sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY04226.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Megève sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) L'Eau Vive, à M. A... et Mme F... G..., à Mme D... K..., à Mme E... J..., à M. B... G..., à la commune de Megève. Copie en sera adressée à M. C... et à Mme H....
Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le rapporteur,
F. Bodin-Hullin
La présidente,
M. I...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N°s 21LY04226-21LY04227