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28/06/2023 | FRANCE | N°21LY04094

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 28 juin 2023, 21LY04094


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des contributions exceptionnelles sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 à 2016 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1900229 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15

décembre 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2022, M. ou Mme A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et des contributions exceptionnelles sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 à 2016 et des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1900229 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2021, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2022, M. ou Mme A..., représenté par Me Colin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la compatibilité de l'article 123 bis du code général des impôts avec les principes de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux garantis par les articles 43 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ou la réduction de ces impositions à hauteur de l'exonération prévue en cas d'application du régime mère-fille ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et qu'elle s'est placée implicitement sur le terrain de l'abus de droit ;

- il a été privé des droits de la défense dès lors que l'administration a retenu une présomption irréfragable de fraude fiscale ;

- l'article 123 bis du code général des impôts n'est pas compatible avec les principes de libre circulation des capitaux et de libre établissement prévus par le droit communautaire ; il institue une différence de traitement fiscal selon que le siège d'une holding est situé en France ou dans un autre Etat membre ;

- la société Elem possède une substance ;

- l'article 3 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise était applicable de sorte que la société L.G.B. n'était pas soumise à un régime fiscal privilégié ;

- la société L.G.B. n'était pas soumise à un régime fiscal privilégié ;

- l'administration a commis une erreur de droit au regard de l'article 238 A du code général des impôts en ne retenant comme critère d'appréciation que le régime d'exonération des plus-values sur cession de titres de participation réalisées au Luxembourg sans tenir compte de l'ensemble des impôts dont relèverait l'entité bénéficiaire ; l'administration n'a pas pris en compte le bénéfice du régime fiscal des sociétés mères ;

- l'administration ne s'est pas prononcée sur la condition relative à l'existence d'un contournement de la législation française ;

- le service a opéré une confusion entre les majorations pour manœuvres frauduleuses et celles appliquées en matière d'abus de droit ; les pénalités ne sont pas suffisamment motivées ; l'administration n'établit pas l'existence de manœuvres frauduleuses.

Par des mémoires, enregistrés les 3 août 2022 et 3 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Le mémoire, enregistré le 6 janvier 2023, présenté pour M. A..., n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,

- les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Colin, représentant M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., associé de la SAS Debonix, qui avait pour activité la vente en ligne d'outillage professionnel, a créé, le 7 mai 2013, avec deux associés, une société de droit luxembourgeois, la société LGB Sarl, ayant pour objet la prise de participations dans d'autres sociétés luxembourgeoises ou étrangères, la gestion, le contrôle et la mise en valeur de ces participations, à laquelle les associés ont apporté respectivement 49, 1 083 et 49 parts de la SAS Debonix en échange d'un même nombre de parts de la société LGB Sarl. Cette dernière a, par la suite, cédé de façon échelonnée ses parts de la SAS Debonix à la SA Decaber, société française ayant une activité de holding, le 15 mai 2013, le 15 décembre 2014 et, enfin, le 18 septembre 2015 après que M. A... a créé, le 17 février 2015, une autre société de droit luxembourgeois, la société Elem Sarl, ayant le même objet que la société LGB Sarl, en lui apportant l'intégralité des parts qu'il détenait dans cette dernière société. A l'issue d'un contrôle sur pièces et de la mise en œuvre de l'assistance administrative internationale auprès des autorités fiscales luxembourgeoises, l'administration, constatant que M. A... détenait directement puis indirectement, via la société Elem Sarl, depuis le 31 décembre 2013, plus de 10 % du capital de la société LGB Sarl, a estimé que cette société n'était qu'un habillage juridique procédant d'un montage artificiel lui ayant permis de céder ses parts de la SAS Debonix à une société française, entre 2013 et 2015, sans être soumis à l'impôt en France à raison de ces cessions et considéré, en application du 1 de l'article 123 bis du code général des impôts auquel renvoie le 4 bis de ce même article, que les bénéfices de la société LGB Sarl devaient être regardés comme des revenus de capitaux mobiliers taxables à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. A..., au titre des années 2015 et 2016, à proportion de ses droits dans cette société. En conséquence, M. A... a été assujetti, au titre de ces deux années, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux contributions sociales, impositions auxquelles a été appliquée la majoration pour manœuvres frauduleuses de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 15 octobre 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes du l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 : " 1. Lorsqu'une personne physique domiciliée en France détient directement ou indirectement 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique-personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable-établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié, les bénéfices ou les revenus positifs de cette entité juridique sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers de cette personne physique dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu'elle détient directement ou indirectement lorsque l'actif ou les biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable sont principalement constitués de valeurs mobilières, de créances, de dépôts ou de comptes courants. Pour l'application du premier alinéa, le caractère privilégié d'un régime fiscal est déterminé conformément aux dispositions de l'article 238 A par comparaison avec le régime fiscal applicable à une société ou collectivité mentionnée au 1 de l'article 206 (...) 3. Les bénéfices ou les revenus positifs mentionnés au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, le 31 décembre. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France (...) Toutefois, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat ou territoire n'ayant pas conclu de convention d'assistance administrative avec la France, ou qui est non coopératif au sens de l'article 238-0 A le revenu imposable de la personne physique ne peut être inférieur au produit de la fraction de l'actif net ou de la valeur nette des biens de la personne morale, de l'organisme, de la fiducie ou de l'institution comparable, calculée dans les conditions fixées au 1, par un taux égal à celui mentionné au 3° du 1 de l'article 39 (...) 4 bis. Le 1 n'est pas applicable, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de cette entité juridique par la personne domiciliée en France ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française (...) ". Aux termes de la décision n° 2016-614 QPC du Conseil constitutionnel du 1er mars 2017 : " Les mots " lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne " figurant au 4 bis de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, sont contraires à la Constitution (...) ".

En ce qui concerne l'application de la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et la fortune du 1er avril 1958 :

3. Aux termes de l'article 3 de la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et la fortune du 1er avril 1958 dans sa rédaction alors applicable : " 4. Les gains provenant de l'aliénation d'actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou toute autre institution ou entité, dont l'actif ou les biens sont constitués pour plus de 50 pour cent de leur valeur ou tirent plus de 50 pour cent de leur valeur - directement ou indirectement par l'interposition d'une ou plusieurs autres sociétés, fiducies, institutions ou entités - de biens immobiliers situés dans un Etat contractant ou de droits portant sur de tels biens ne sont imposables que dans cet Etat. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les biens immobiliers affectés par une telle société à sa propre activité d'entreprise. Les dispositions de l'alinéa qui précède s'appliquent également à l'aliénation par une entreprise desdites actions, parts ou autres droits. "

4. M. A... soutient que les plus-values de cession de valeurs mobilières sont imposables tant au Luxembourg qu'en France et que cette situation de double imposition doit se régler par le recours à la convention fiscale franco-luxembourgeoise, en particulier son article 3, et non par celui de l'article 123 bis du code général des impôts.

5. Toutefois, M. A... a été imposé à raison de la réintégration dans ses revenus imposables de bénéfices réalisés par la société luxembourgeoise LGB Sarl, réputés distribués, et non de la taxation de plus-values de cession de valeurs mobilières. En tout état de cause, il ne peut se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention fiscale invoquées applicables à la date du fait générateur de l'imposition aux plus-values de cession de titres à prépondérance immobilière. Il s'ensuit que l'administration pouvait légalement mettre en œuvre l'article 123 bis du code général des impôts.

En ce qui concerne la compatibilité de l'article 123 bis avec les libertés d'établissement et de circulation des capitaux :

6. D'une part, ainsi qu'il a été dit point 2, par sa décision n° 2016-614 QPC du 1er mars 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du 4 bis de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa version issue de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 n'était constitutionnelle qu'en étant lue comme suit : " Le 1 n'est pas applicable si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de cette entité juridique par la personne domiciliée en France ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens de l'article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ". Aux termes de l'article 63 de ce traité : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ". En application de ces stipulations, une mesure susceptible d'entraver la liberté d'établissement et la liberté de mouvement de capitaux ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général, à condition que son application soit propre à garantir la réalisation de l'objectif ainsi poursuivi et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci, la lutte contre l'évasion fiscale étant au nombre des objectifs légitimes compatibles avec le traité que les États membres peuvent poursuivre et répondant à une raison impérieuse d'intérêt général. Pour ce qui concerne la justification tirée de l'objectif de prévenir l'évasion fiscale, peuvent être admises les mesures ayant pour objet spécifique de faire obstacle aux montages artificiels dont le but serait d'éluder l'application de la législation fiscale française.

8. Les dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts ont été adoptées par le législateur afin de lutter contre la fraude fiscale, qui est au nombre des objectifs légitimes compatibles avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne que les États membres peuvent poursuivre et répondant à une raison impérieuse d'intérêt général. Contrairement à ce que soutient M. A..., aucune présomption irréfragable de fraude ne résulte de l'article 123 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2009. Au demeurant, dans la rédaction antérieure de cet article issue de la loi du 30 décembre 1998 de finances pour 1999, le Conseil constitutionnel a, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2017-659 QPC du 6 octobre 2017, déclaré conforme à la Constitution le premier alinéa du 1 de l'article 123 bis du code général des impôts, sous la réserve d'interprétation mentionnée au point 7 de sa décision, selon laquelle cet alinéa ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que le contribuable puisse être autorisé à prouver, afin d'être exempté de l'application de l'article 123 bis du code général des impôts, que la participation qu'il détient dans l'entité établie ou constituée hors de France n'a ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude ou d'évasion fiscales, la localisation de revenus à l'étranger. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les libertés d'établissement et de circulation des capitaux garanties par les articles 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne feraient obstacle à l'application des dispositions de l'article 123 bis du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application de l'article 123 bis du code général des impôts en l'espèce :

S'agissant de l'existence d'un montage artificiel :

9. Il est constant que la société LGB Sarl, qui exerce une activité de holding et dont l'actif est principalement composé d'immobilisations financières constituées uniquement des actions de la société française SAS Debonix, n'a déclaré aucun chiffre d'affaires depuis sa création en 2013, qu'elle ne dispose pas de locaux au Luxembourg, qu'elle y a uniquement une adresse de domiciliation via une société domiciliaire dont le gérant est co-gérant de la société LGB Sarl, qu'elle n'a aucun moyen matériel et humain, qu'elle n'est pas référencée dans les annuaires luxembourgeois, que ses associés français ont été absents de toutes les délibérations des assemblées générales, qu'elle ne supportait aucune charge d'exploitation à l'exception de dépenses d'un montant de 2 000 euros hors taxe annuels correspondant à la mise à disposition d'une boîte aux lettres et d'une ligne téléphonique et qu'elle n'a pas eu d'autre activité, sur la période de trente-six mois, que la revente des titres de la SAS Debonix que ses associés lui avaient apportés. Si le requérant fait valoir que les sociétés de droit luxembourgeois auxquelles les associés de la société LGB Sarl ont apporté leurs titres en février 2015 avaient une activité réelle, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur le constat, qui résulte des éléments rappelés ci-dessus, de l'absence de toute substance économique de la société LGB Sarl seule à l'origine des bénéfices en cause. C'est par suite à juste titre que l'administration a estimé que la société LGB Sarl était dénuée de substance économique et que sa création, qui ne répondait pas à un motif économique, financier ou patrimonial, présentait le caractère d'un montage artificiel dans le but exclusif d'éluder l'impôt en France.

S'agissant de l'assujettissement à un régime fiscal privilégié :

10. Aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " (...) Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ".

11. Aux termes du 1 de l'article 145 du code général des impôts : " Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation. (...) ; c.. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans. En cas de non-respect du délai de conservation, la société participante est tenue de verser au Trésor une somme égale au montant de l'impôt dont elle a été exonérée indûment, majoré de l'intérêt de retard. Ce versement est exigible dans les trois mois suivant la cession. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. La quote-part de frais et charges prévue au premier alinéa du présent I est fixée à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que, pour l'application de l'article 123 bis du code général des impôts, les bénéfices ou les revenus positifs d'une entité juridique établie ou constituée hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié sont déterminés selon les règles du code général des impôts comme si l'entité juridique était imposable à l'impôt sur les sociétés en France. Ces règles incluent le régime des sociétés mères défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts dès lors que l'entité juridique serait soumise totalement ou partiellement à l'impôt sur les sociétés au taux normal si elle était établie en France.

13. Aux termes du 1 de l'article 39 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme ". Aux termes du a quinquies du I de l'article 219 du même code, dans cette même rédaction : " Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007 / Une quote-part de frais et charges égale à 12 % du montant brut des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable (...) et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable (...) ". Aux termes de l'article 219 de ce code : " (...) Le taux normal de l'impôt est fixé à 33, 1 / 3 %. (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a indiqué que le régime fiscal luxembourgeois auquel est soumise la société LGB Sarl exonère d'impôt sur les plus-values la cession des participations qu'une société détient alors que la législation française soumet à l'impôt sur les sociétés ces mêmes plus-values, les gains nets issus des titres cédés avant le 1er juin 2015 constituant en France une plus-value à court terme passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun et les gains nets issus des cessions de titres intervenues postérieurement au 1er juin 2016 constituant une plus-value à long terme dont la quote-part taxée est fixée à 12 % aux termes de l'article 219-I a quinquies du code général des impôts et a assorti ces précisions d'un tableau de comparaison des modalités de taxation du bénéfice au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 réalisé par la société LGB Sarl telles que pratiquées par le Luxembourg avec celles qui auraient été appliquées si la société avait été établie en France. En appel, le ministre a procédé à des corrections des montants initialement retenus dans la proposition de rectification et a réalisé une nouvelle comparaison incluant notamment le régime de faveur des sociétés mères défini aux articles 145 et 216 du code général des impôts.

15. M. A... soutient que pour établir le caractère privilégié ou non du régime fiscal auquel était soumise la société LGB Sarl, il doit être tenu compte de l'impôt sur la fortune dont elle s'est acquittée au Luxembourg et du régime des sociétés mères.

16. D'une part, l'impôt sur la fortune luxembourgeois ne constituant pas un impôt sur les bénéfices et les revenus au sens de l'article L. 238 A du code général des impôts, l'administration n'était pas tenue de le prendre en compte pour établir le caractère privilégié du régime fiscal luxembourgeois. D'autre part, le ministre établit, en appel, après avoir précisé que le bénéfice comptable réalisé par la société LGB Sarl a été déterminé sur la base des documents transmis par les autorités luxembourgeoises en réponse à une demande d'assistance administrative, que même si le régime des sociétés mères défini à l'article 145 et 216 du code général des impôts était appliqué à tous les produits financiers, l'impôt acquitté au Luxembourg par la société LGB Sarl demeurerait inférieur de plus de la moitié à celui auquel elle aurait été redevable si elle avait été établie en France, démontrant ainsi que la société LGB Sarl était soumise au Luxembourg à un régime fiscal privilégié au titre des exercices clos en 2015 et 2016.

17. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, que la société LGB Sarl était soumise à un régime fiscal privilégié au Luxembourg au sens des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts.

18. A supposer que M. A... ait entendu se prévaloir des énonciations de la documentation administrative BOI-IS-BASE-10-10-10-10, celle-ci ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

19. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. "

20. M. A... soutient que la procédure suivie est irrégulière dès lors que l'administration s'est placée implicitement sur le terrain de l'abus de droit et n'a pas mis en œuvre la procédure de répression de l'abus de droit fiscal prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

21. Ainsi qu'il résulte de qui a été dit précédemment, les impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu en litige, notifiées à M. A... selon la procédure contradictoire, ont été établies, à bon droit, sur le fondement du dispositif anti-abus prévu à l'article 123 bis du code général des impôts de sorte que l'administration n'était pas tenue de recourir à la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, l'administration n'a écarté aucun acte au motif qu'il présentait un caractère fictif, ni n'a soutenu que M. A... avait recherché le bénéfice d'une application littérale de la loi fiscale en vue d'éluder ou de minorer l'impôt dont il était redevable mais a procédé à l'analyse des conditions ayant présidé à la création de la société LGB Sarl, de son objet social, de la nature de son activité réelle, de ses modalités de fonctionnement, de ses moyens d'exploitation et de son régime fiscal pour en déduire que la création de cette société de droit luxembourgeois dépourvue de substance économique participait d'un montage artificiel dans le but de bénéficier d'un régime fiscal privilégié de sorte que les bénéfices de cette entité étaient réputés constituer des revenus de capitaux mobiliers au sens de l'article 123 bis du code général des impôts. Ainsi, l'administration ne s'est pas davantage placée implicitement sur le terrain de l'abus de droit fiscal. Par suite, le moyen tiré de ce que M. A... a été privé des garanties applicables à cette procédure et notamment de la possibilité de saisir le comité de l'abus de droit fiscal ne peut qu'être écarté.

22. M. A... reprend en appel, dans les mêmes termes, le moyen soulevé en première instance tiré de ce que l'administration a méconnu les droits de la défense en lui opposant une présomption irréfragable de fraude fiscale ne lui permettant pas d'apporter la preuve de la substance économique et juridique de la société LGB Sarl et de ce que sa participation dans la société de droit luxembourgeois Elem n'a pas pour objet ou pour effet de lui permettre de localiser des revenus à l'étranger dans un but de fraude ou d'évasion fiscale. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif.

Sur les pénalités :

23. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (...) ". Selon l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable ".

24. Pour justifier la pénalité prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé, dans la proposition de rectification, qu'en tant qu'actionnaire unique de la société luxembourgeoise Elem Sarl, détenant une partie des parts de la société luxembourgeoise LGB Sarl, M. A... apparaissait comme l'un des instigateurs et comme bénéficiaire du montage artificiel dont le seul but était d'éluder la fiscalité associée à l'imposition des plus-values de cession des participations qu'il détenait initialement en France en délocalisant des actifs aux fins de bénéficier d'un régime fiscal privilégié et qu'au vu de l'importance des sommes passibles de l'impôt, M. A... ne pouvait ignorer que l'omission de reporter les bénéfices réalisés par la société luxembourgeoise LGB Sarl au titre des revenus de capitaux mobiliers dans ses déclarations des années 2015 et 2016 en vertu de l'article 123 bis du code général des impôts aurait pour conséquence une importante minoration de l'impôt sur le revenu dû. Par suite, la proposition de rectification est suffisamment motivée.

25. Dans ces conditions, les éléments, rappelés au point précédent, sur lesquels l'administration s'est fondée pour faire application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses sont de nature à démontrer l'intention, qui a été celle de M. A..., d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et, par suite, à établir le bien-fondé de cette majoration.

26. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Courbon, présidente de la formation de jugement,

Mme Caraës, première conseillère,

M. Pin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

La rapporteure,

R. Caraës

La présidente,

A. CourbonLa greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY04094


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY04094
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables.


Composition du Tribunal
Président : Mme COURBON
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : CABINET GL CONSEILS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-06-28;21ly04094 ?
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