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16/02/2012 | FRANCE | N°10LY00930

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 février 2012, 10LY00930


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2010, présentée pour M. Jean-Pierre A, domicilié ...;

M. A demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer aux fins d'examen par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dans le cadre de la procédure de règlement amiable, de sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 0701848 du 19 mars 2010 en tant que le T

ribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire dirigée à titre p...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2010, présentée pour M. Jean-Pierre A, domicilié ...;

M. A demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer aux fins d'examen par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dans le cadre de la procédure de règlement amiable, de sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices nés de sa contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement n° 0701848 du 19 mars 2010 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire dirigée à titre principal contre l'Etablissement français du sang et, subsidiairement, contre le centre hospitalier d'Aix-les-Bains ;

3°) de condamner, à titre principal, l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 273 044,98 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation de ses préjudices et, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier d'Aix-les-Bains à lui verser une indemnité du même montant, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang et du centre hospitalier d'Aix-les-Bains une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

Il soutient que :

- contrairement à ce que le tribunal administratif a jugé, sa contamination par le virus de l'hépatite C doit être regardée comme imputable aux transfusions sanguines dont il a fait l'objet à la clinique du Docteur Herbert en novembre 1983 ; en effet, l'enquête transfusionnelle est incomplète, un des donneurs à l'origine de l'un des produits sanguins qu'il a reçus n'ayant pas été retrouvé ; le risque transfusionnel est important ; l'Etablissement français du sang, substitué au centre départemental de transfusions sanguines de Chambéry, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les transfusions ne sont pas à l'origine de la contamination ; le doute doit lui profiter ;

- l'ONIAM, substitué à l'Etablissement français du sang, est chargé d'examiner les demandes d'indemnisation amiable formulées sur le fondement des dispositions de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique ;

- si sa contamination n'est pas regardée comme imputable aux transfusions, elle doit être reconnue comme étant d'origine nosocomiale et résultant des actes invasifs, notamment la gastroscopie avec biopsie, dont il a fait l'objet en janvier 1981 au centre hospitalier d'Aix-les-Bains ; il a présenté des symptômes de la maladie, notamment une asthénie, entre 1983 et le diagnostic de l'hépatite C en 1990 ; il appartient au centre hospitalier d'apporter la preuve que sa contamination résulte d'une cause étrangère à l'hospitalisation ;

- il souffre d'une hépatite C chronique d'activité modérée avec fibrose ; les traitements antiviraux n'ont pas permis d'éradiquer le virus ;

- ses frais d'assistance par un médecin lors de l'expertise s'élèvent à 600 euros ; contrairement à ce que l'expert a estimé, l'affection hépatique est à l'origine d'un préjudice professionnel ; l'asthénie engendrée par l'hépatite C est un des éléments à l'origine de la cessation d'activité de son entreprise en 1987 ; il a été contraint de refuser un emploi très gratifiant et a été licencié en 1995 à cause de la maladie ; il est désormais classé en deuxième catégorie des invalides ; son préjudice professionnel doit être fixé à la somme de 177 479,98 euros ; l'incapacité temporaire totale et l'incapacité temporaire partielle, sous-estimées par l'expert, seront justement réparées par l'allocation d'une somme de 40 565 euros ; le préjudice de la douleur doit être évalué à 6 000 euros ; le déficit fonctionnel permanent justifie une indemnité de 8 400 euros ; le préjudice d'agrément doit être indemnisé par une somme de 10 000 euros ; le préjudice lié au caractère évolutif de sa pathologie doit être fixé à la somme de 30 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 août 2010, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

L'ONIAM fait valoir que :

- il est substitué à l'Etablissement français du sang dans cette instance en vertu de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 entrée en vigueur le 1er juin 2010 ;

- dans la mesure où il indemnise la victime au titre de la solidarité nationale, les recours subrogatoires des tiers payeurs ne peuvent s'exercer à son encontre ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 septembre 2010, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie qui conclut, à titre principal, à la condamnation de l'Etablissement français du sang à lui verser une somme de 134 437,41 euros au titre des prestations exposées pour la prise en charge de l'affection virale de M. A, outre une somme de 966 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à la condamnation du centre hospitalier d'Aix-les-Bains à lui verser les mêmes sommes ;

Elle soutient que :

- l'Etablissement français du sang ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'innocuité des transfusions incriminées ; un des donneurs n'a pas pu être contrôlé ; il existe un doute sérieux qui doit profiter à la victime ; l'Etablissement français du sang doit donc être déclaré responsable de la contamination de M. A ;

- elle est bien fondée à obtenir le remboursement des débours imputables à l'hépatite C de la victime ;

- si la contamination de M. A est d'origine nosocomiale, le centre hospitalier d'Aix-les-Bains doit être condamné à lui rembourser les frais exposés pour le compte de M. A ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 25 janvier 2011 et régularisé le 26 janvier suivant, présenté pour le centre hospitalier d'Aix-les-Bains qui conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie ;

Il soutient que :

- sa responsabilité ne saurait être recherchée à raison d'une contamination d'origine transfusionnelle ; seule la responsabilité de l'ONIAM, substitué à l'Etablissement français du sang, est susceptible d'être recherchée à ce titre ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté l'hypothèse d'une contamination transfusionnelle dès lors, d'une part, que M. A a apporté des éléments qui permettent de présumer une telle origine et que, d'autre part, l'Etablissement français du sang n'a pas établi l'innocuité de tous les produits transfusés ;

- l'expert n'a pas conclu à l'existence d'une contamination d'origine nosocomiale ; rien ne permet de remettre en cause la désinfection du matériel d'endoscopie ; la probabilité d'une contamination nosocomiale est plus faible que celle d'une contamination transfusionnelle ; aucun élément ne permet de retenir que la contamination s'est produite en 1981 au centre hospitalier ; lorsque la victime a fait l'objet de plusieurs interventions dans des établissements différents, comme dans la présente instance, il lui appartient de prouver dans quel établissement la contamination s'est produite, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; l'expert retient une contamination en 1983, année de réalisation des transfusions et d'une gastroscopie dans une clinique privée, alors que la gastroscopie dans les services du centre hospitalier a été effectuée en 1981 ; l'asthénie date de 1987 et accrédite l'hypothèse d'une contamination en 1983 ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 février 2011, présenté pour M. A, qui déclare se désister de ses conclusions à fin de sursis à statuer, maintenant le surplus de ses conclusions ainsi que ses moyens ; Il soutient en outre que les éléments apportés permettent de présumer que sa contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles, l'office n'apportant pas la preuve d'une cause de contamination autre que la transfusion ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2011, présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre ;

Il soutient que l'ONIAM lui est substitué depuis le 1er juin 2010 ;

Vu l'ordonnance en date du 28 juin 2011 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative par laquelle le président de la 6ème chambre a fixé la date de clôture de l'instruction au 22 juillet 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 juillet 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, portant à 980 euros la somme réclamée à titre d'indemnité forfaitaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juillet 2011, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui conclut principalement au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce qu'il soit sursis à statuer ;

Il soutient que :

- une autre cause possible de contamination que la seule transfusion existe ;

- le doute ne peut profiter à la victime qu'en cas de vraisemblance de la contamination par transfusion ;

- les risques d'infection nosocomiale chez M. A sont élevés ;

- il ne peut être tenu à l'indemnisation des risques nosocomiaux ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 novembre 2011, présenté pour M. A ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 janvier 2012, présentée pour l'ONIAM ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 1er février 2012, présentée pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment son article 67 ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le décret n° 2010-252 du 11 mars 2010 relatif à la dotation couvrant les dépenses liées à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ;

Vu l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pollard, avocat de M. A, de Me Roquelle-Meyer, avocat de l'ONIAM, de Me Demailly, avocat du centre hospitalier d'Aix-les-Bains et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie ;

Considérant que M. A, né en 1948, a subi en 1981 au centre hospitalier d'Aix-les-Bains une gastroscopie et une biopsie ; qu'en 1983, à la suite d'une hémorragie digestive, il a été admis à la clinique chirurgicale Herbert à Aix-les-Bains où une gastroscopie a été pratiquée et il a reçu deux unités de concentré de globules rouges ; que la contamination de M. A par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée en 1990 ; que sur saisine du Tribunal de grande instance de Chambéry, deux expertises successives ont été ordonnées en 2004 et en 2006 ; que l'intéressé a recherché devant le Tribunal administratif de Grenoble la responsabilité de l'Etablissement français du sang (EFS) et de la compagnie AXA France IARD pour contamination par voie transfusionnelle et, à titre subsidiaire, celle du centre hospitalier d'Aix-les-Bains et de la clinique chirurgicale pour affection d'origine nosocomiale ; que, par un jugement du 19 mars 2010, le Tribunal a rejeté cette demande ; que dans le dernier état de ses conclusions, M. A demande réparation par l'EFS des conséquences dommageables de l'hépatite dont il est atteint et, subsidiairement, de mettre cette somme à la charge du centre hospitalier d'Aix-les-Bains ;

Sur la substitution de l'ONIAM à l'EFS dans la présente instance et sa portée :

Considérant qu'aux termes du IV du même article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. " ; qu'il est constant que ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 ; que l'ONIAM se trouve donc substitué à l'Etablissement français du sang dans la présente instance relative à l'indemnisation du préjudice résultant de la contamination de M. A par l'hépatite C, tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; que l'action subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie est donc recevable ; que, dès lors, l'Etablissement français du sang doit être mis hors de cause ;

Sur les obligations de l'ONIAM :

Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; que dès lors que, selon, ces mêmes dispositions, le doute profite au demandeur, le fait que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;

Considérant qu'en 1981 et en 1983 M. A, qui n'a antérieurement encouru aucun risque ni présenté aucun symptôme avéré de contamination par le virus de l'hépatite au cours de sa vie personnelle ou professionnelle, a subi des actes invasifs, en particulier une endoscopie digestive avec biopsie ainsi qu'une transfusion avec deux unités de sang alors qu'un des donneurs, dont le statut anti-VHC est demeuré inconnu, n'a pu être retrouvé ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des expertises médicales, qu'il a ainsi été exposé à deux facteurs de risques simultanés d'ordre transfusionnel et nosocomial qualifiés de majeurs par l'expert sans que ce dernier puisse se prononcer sur leurs degrés respectifs de probabilité ; qu'il s'en déduit que la probabilité d'une origine transfusionnelle de la contamination de M. A par le VHC est aussi vraisemblable que celle d'une origine nosocomiale ; que le doute devant profiter au patient, cette contamination doit donc être présumée comme ayant pour origine la transfusion reçue en 1983 à la clinique chirurgicale Herbert malgré l'existence probable d'un autre mode de contamination par voie nosocomiale dans cette clinique ou au centre hospitalier d'Aix-les-Bains et alors que l'office n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer que la contamination pourrait avoir une toute autre origine ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que l'ONIAM, agissant au titre de la solidarité nationale, répare les conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les préjudices dont M. A et la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie demandent réparation ;

Sur les droits à réparation :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un état des débours daté du 3 février 2010, que les dépenses de santé exposées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie en lien avec la contamination virale de M. A s'élèvent à 11 120,71 euros ; que cette somme doit être mise à la charge de l'ONIAM ;

Considérant qu'il résulte également de l'état des débours fourni par la caisse que l'intéressé nécessitera deux consultations chez un spécialiste, deux actes de biologie et deux échographies abdominales annuels ; que la caisse justifie suffisamment de ces frais futurs qu'elle évalue à un montant total de 182,08 euros pour une année ; qu'en l'absence d'accord de l'ONIAM pour un remboursement du capital représentatif, il y a lieu de le condamner à payer à la caisse, dans cette limite, ces frais à chaque échéance annuelle, sur justificatifs ;

Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de son affection et de l'état de fatigue intense qui en résulté pour lui, M. A, après avoir subi plusieurs arrêts de travail pour maladie en 1994, a été licencié pour inaptitude le 12 mai 1995, a été classé en première catégorie des invalides en août 1996 et reconnu invalide en deuxième catégorie en novembre 1999 ; qu'il n'a pas toléré les traitements par bithérapie qu'il a subis depuis 1997 et n'a pu reprendre une activité professionnelle ; qu'il a été admis à la retraite le 1er janvier 2009 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie justifie avoir versé à M. A du 13 avril au 31 décembre 1994, du 1er janvier au 31 décembre 1995 et du 1er janvier au 30 novembre 1996 des indemnités journalières pour un montant total de 31 073 euros ; que, pour cette même période, l'intéressé a perçu de la caisse une somme d'un montant total de 90 710,59 euros correspondant aux arrérages échus de ses pensions d'invalidité catégories 1 et 2 à compter des 1er décembre 1996 et 1999 ; que M. A, dont la rémunération annuelle moyenne avant son licenciement était d'environ 22 669 euros a, jusqu'à sa mise à la retraite, exposé des pertes de revenus qui doivent être estimées à 305 000 euros, intégralement compensées par les indemnités journalières versées par la caisse pour la période antérieure au 1er décembre 1996 ; que pour la période postérieure à cette date jusqu'à sa mise à la retraite, M. A est fondé à demander le paiement par l'ONIAM des pertes de rémunération non compensées, soit un montant de 183 210,41 euros ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le remboursement à la caisse de l'ensemble des indemnités journalières et des arrérages de la rente d'invalidité pour un montant total de 121 789,59 euros ;

Considérant que M. A ne justifie pas de ce que son affection aurait diminué ses perspectives professionnelles ;

Considérant que si M. A perçoit depuis le 1er janvier 2009 une retraite mensuelle brute de 511,86 euros, il ne fournit aucun élément qui aurait permis de connaître le montant des droits à pension auxquels il aurait pu prétendre en l'absence de contamination par le VHC ; que sa demande d'indemnité au titre des pertes de droits à la retraite ne peut donc qu'être rejetée ;

Quant aux autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant que M. A s'est fait assister par un médecin conseil dans le cadre des opérations d'expertise ; qu'il y a lieu de mettre ces frais, qui s'élèvent à la somme de 600 euros, à la charge de l'ONIAM ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que M. A est atteint d'une hépatite C chronique d'activité modérée qui, selon l'expert, est stabilisée même si le risque existe qu'elle s'aggrave ; que contrairement à ce qu'a estimé l'expert, la période d'incapacité temporaire de l'intéressé doit être fixée à au moins 32 mois ; qu'en l'absence d'éléments déterminants produits par M. A, le taux d'incapacité permanente partielle de 7 % fixé par l'expert doit être retenu ; que l'intéressé a enduré des souffrances morales et physiques évaluées à 2,5 sur une échelle de 7 ; que son affection et les traitements suivis sont à l'origine d'une asthénie importante, d'un état de grande fatigue et d'épisodes dépressifs qui ont entraîné pour M. A un préjudice d'agrément et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence qui incluent le préjudice spécifique de contamination lié notamment à l'anxiété ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices en allouant à M. A une somme de 40 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM doit être condamné à verser à M. A une indemnité de 223 810,41 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie une somme de 132 910,30 euros ainsi que, au titre des frais futurs, une somme de 182,08 euros par an ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Considérant que M. A a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme qui lui est due à compter de la réception par l'EFS de sa réclamation préalable en date du 6 juillet 2007 ; que M. A a demandé la capitalisation des intérêts pour la première fois dans son mémoire enregistré le 21 avril 2010 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande de capitalisation, tant à cette date, qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;

Sur l'indemnité forfaitaire :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 997 euros auquel elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté interministériel du 29 novembre 2011 ; qu'il y a lieu de mettre la somme de 997 euros à la charge de l'ONIAM ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à M. A et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie d'une somme de 1 500 euros chacun ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2010, en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. A dirigée contre l'Etablissement français du sang, auquel s'est substitué l'ONIAM, est annulé.

Article 2 : L'ONIAM est condamné à verser à M. A une somme de 223 810,41 euros avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'EFS de sa réclamation préalable en date du 6 juillet 2007 et capitalisation des intérêts au 21 avril 2010 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie une somme de 132 910,30 euros et annuellement, sur justificatifs, une somme au titre des frais exposés dans le futur dans la limite de 182,08 euros. Il versera également à la caisse une somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

Article 4 : L'ONIAM versera à M. A et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie une somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Pierre A, à l'ONIAM, au centre hospitalier d'Aix-les-Bains, à l'Etablissement français du sang, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie et à la mutuelle Radiance.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2012.

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N° 10LY00930

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00930
Date de la décision : 16/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Guy VIVENS
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : GESICA GRENOBLE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-02-16;10ly00930 ?
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