La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2008 | FRANCE | N°08LY00789

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2008, 08LY00789


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 avril 2008, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le préfet demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800030, en date du 11 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 4 décembre 2007 par lequel il a refusé d'accorder un titre de séjour à Mme Tamou Y et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, en fixant le Maroc comme pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

22) de rejeter les dema

ndes présentées par Mme Y devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les aut...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 avril 2008, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le préfet demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0800030, en date du 11 mars 2008, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 4 décembre 2007 par lequel il a refusé d'accorder un titre de séjour à Mme Tamou Y et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, en fixant le Maroc comme pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'issue de ce délai ;

22) de rejeter les demandes présentées par Mme Y devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2008 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Reynoird, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme Tamou Y, ressortissante marocaine née en 1939, est entrée en France le 24 mai 2006, munie d'un visa pour un court séjour en tant qu'ascendant non à charge ; que, par un arrêté du 4 décembre 2007, le PREFET DE L'ISERE a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'elle avait sollicité au titre de la vie privée et familiale, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le Maroc comme pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai ; que le PREFET DE L'ISERE fait appel du jugement du 11 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République » ;

Considérant que Mme Y, qui est veuve et ne dispose d'aucune ressource propre, soutient que ses deux filles installées en France, dont une est française, ont justifié qu'elles pouvaient la prendre à leur charge, s'agissant d'ailleurs pour elles d'une obligation alimentaire légale, et qu'elle a la possibilité de recevoir en France des soins adaptés à son état de santé ; que, toutefois, il est constant que quatre autres de ses enfants vivent au Maroc et que l'un d'entre eux, qui est fonctionnaire, s'est lui-même engagé à subvenir à ses besoins, alors d'ailleurs qu'il n'est pas allégué que ses filles installées en France subvenaient à ses besoins lorsqu'elle était au Maroc ; que, par ailleurs, si elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif, d'hypertension artérielle, d'hypothyroïdie et d'une hémochromatose, le préfet démontre, par la production de documents établis par la direction des affaires sanitaires et sociales en octobre 2006, que ces affections peuvent être traitées de façon adéquate dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions et eu égard à l'entrée en France récente de l'intéressée, c'est à tort que, pour annuler la décision par laquelle le PREFET DE L'ISERE a rejeté la demande de titre de séjour de Mme Y, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le Maroc comme pays de destination, le Tribunal administratif de Grenoble a considéré que la première de ces décisions méconnaissait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en se fondant sur les seules circonstances que l'intéressée est prise en charge par ses enfants installés en France qui lui assurent de « meilleures conditions de vie que dans son pays d'origine » et que les pathologies dont elle est atteinte « peuvent être soignées efficacement en France » ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y devant le Tribunal administratif de Grenoble et la Cour administrative d'appel de Lyon ;

Sur l'arrêté du 4 décembre 2007 en tant qu'il refuse à Mme Y la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle porte la mention « visiteur » » ;

Considérant que Mme Y, qui ne dispose d'aucune ressource propre, ne peut pas se prévaloir de ces dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française (...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) » ;

Considérant que Mme Y ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11-2° auquel elle fait référence, qui, contrairement à ce qu'elle soutient, ne concernent pas les ascendants d'un ressortissant français ; que, par ailleurs, alors qu'elle est entrée en France en mai 2006 sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention « ascendant non à charge », et que, selon ses propres déclarations, elle est retournée au Maroc à deux reprises depuis son arrivée en France en mai 2006, elle ne justifie pas avoir obtenu un visa de long séjour tel qu'exigé par les dispositions sus rappelées de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut, dans ces conditions, davantage invoquer les dispositions de cet article ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues aux articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme Y n'entrant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans le champ d'application du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE L'ISERE n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande de titre de séjour ;

Considérant, en quatrième lieu, que, pour les motifs susmentionnés relatifs aux pathologies dont fait état Mme Y et à la possibilité qu'il y a de les traiter de façon adéquate dans son pays d'origine, celle-ci, qui n'a d'ailleurs pas demandé la délivrance d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade, n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur son état de santé ;

Sur l'arrêté du 4 décembre 2007 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'article 52 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration : « I. - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision obligeant Mme Y à quitter le territoire français n'avait pas à être en elle-même motivée ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est, dès lors, inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs énoncés ci-avant dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour, les moyens identiques dirigés, par voie d'exception, à l'encontre de cette même décision de refus de séjour doivent être écartés ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs indiqués précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision faisant obligation à Mme Y de quitter le territoire français, alors que celle-ci n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc, qu'elle n'a quitté qu'en 2006 et où elle est revenue depuis à deux reprises, ne méconnaît pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur l'arrêté du 4 décembre 2007 en tant qu'il fixe le Maroc comme étant le pays vers lequel l'intéressée sera reconduite :

Considérant que la décision du 4 décembre 2007 du PREFET DE L'ISERE désignant le pays de renvoi est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français « fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire » ; que cette décision doit par ailleurs être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication de la nationalité de l'intéressée et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 11 mars 2008, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 4 décembre 2007 refusant de délivrer un titre de séjour à Mme Y, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays vers lequel elle serait reconduite ; que, par voie de conséquence, il est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le Tribunal administratif de Grenoble lui a fait injonction de délivrer à Mme Y une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par Mme Y et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 0800030 est annulé.

1

5

N° 08LY00789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00789
Date de la décision : 30/10/2008
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ALBAN COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2008-10-30;08ly00789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award