Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juillet 1997, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-VICTOR (03), représentée par son maire dûment habilité à cet effet, par Me X..., avocat ;
La COMMUNE DE SAINT-VICTOR demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 95-1106 du 8 avril 1997 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamnée à payer à la S.A.R.L. SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT la somme de 1 488 906 F, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points, à compter du 15 février 1995 sur la somme de 1 378 608 F et à compter du 21 avril 1995 sur la somme de 110 298 F, et ce, dans le délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement, sous astreinte de 500 F par jour de retard, ainsi que la somme de 10.000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel;
2 ) de rejeter la demande présentée par la S.A.R.L. SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
3 ) de condamner la S.A.R.L. SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT à lui payer la somme de 20.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la lettre du 22 novembre 2001 par laquelle le président de la formation du jugement a informé les parties, en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;
Vu les observations, enregistrées comme ci-dessus le 5 décembre 2001, présentées pour la S.A.R.L. SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT en réponse à la lettre du 22 novembre 2001 du président de la formation de jugement, la société soutient que le moyen tiré de l'application des dispositions du 2ème alinéa de l'article L.332-11 du code de l'urbanisme ne peut être qualifié d'ordre public ; qu'en tout état de cause, il ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce ; que l'application des dispositions des articles L.332-28 et L.332-30 du code de l'urbanisme sur lesquelles les premiers juges se sont fondés pour condamner la commune ne comporte aucune limitation dans la restitution des sommes qui lui sont dues ; qu'en outre, la commune n'apporte aucune précision sur une éventuelle mise en jeu des dispositions du 2ème alinéa de l'article L.332-11 ; que, à supposer même que ces dernières soient applicables en l'espèce, elles ne la priveraient pas d'obtenir la restitution des sommes indûment versées ; qu'elles ne pourraient avoir pour effet que d'en limiter le montant ;
Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2001 :
le rapport de Mme LAFOND, premier conseiller ;
les observations de Me Sery, avocat de la S.A.R.L.
SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT . et les conclusions de Mme LASTIER, commissaire du gouvernement;
Considérant qu'aux termes de l'article L.332-9 du code de l'urbanisme alors applicable: "Dans les secteurs du territoire de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, celui-ci peut mettre à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire tout ou partie des dépenses de réalisation des équipements publics correspondant aux besoins des habitants actuels ou futurs du secteur concerné et rendus nécessaires par la mise en oeuvre du programme d'aménagement ...Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions";
Considérant qu'en application des dispositions précitées, le conseil municipal de SAINT-VICTOR a, par délibération du 21 décembre 1990, approuvé le programme d'aménagement d'ensemble des lieux-dits Le Rif et Les Gardes, prévu un programme d'équipements publics à réaliser dans un délai déterminé, ainsi que son coût, décidé la mise à la charge des constructeurs de ce programme, selon un barème défini par la délibération, et fixé à la date de commencement des travaux l'exigibilité de la contribution ainsi instituée ; que la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT, bénéficiaire courant 1991 de deux permis de construire des immeubles à destination industrielle au lieu-dit Les Gardes, s'est ainsi vue tenue de régler, au titre des dispositions susmentionnées, une contribution à ces dépenses d'équipements publics; que, saisi par elle, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, se fondant sur les dispositions des articles L.332-28 et L.332-30 du code de l'urbanisme, a, par jugement en date du 8 avril 1997, condamné la COMMUNE DE SAINT-VICTOR à lui reverser la somme globale de 1.488.906 F, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points ; que cette collectivité demande l'annulation dudit jugement ;
Sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande de la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT :
Considérant que les participations exigées, en application des dispositions précitées du code de l'urbanisme, des bénéficiaires d'autorisations de construire ont pour but exclusif de financer des équipements publics ; que, par suite, les litiges relatifs auxdites participations, qui se rattachent à l'exécution de travaux publics, ressortissent, en vertu de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, à la juridiction administrative; qu'il en est ainsi, notamment des demandes de restitution des sommes versées à ce titre;
Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT:
Considérant qu'aux termes de l'article R.102 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en vigueur à la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif: "Sauf en matière de travaux publics, le tribunal administratif ne peut être saisi que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans le délai de deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée"; qu'il en résulte que le délai de deux mois ne s'applique pas, sauf si elles sont régies par des dispositions spéciales, aux demandes présentées en matière de travaux publics ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, constituent de telles demandes celles qui tendent à la répétition de sommes versées en application de l'article L.332-9 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la fin de non recevoir tirée de ce que la demande de la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT serait tardive ne peut être accueillie;
Au fond:
Considérant que, pour réputer sans cause le versement en litige, le tribunal administratif, se fondant sur les dispositions de l'article L.332-28 du code de l'urbanisme issues de la loi du 29 janvier 1993, lesquelles n'étaient au demeurant pas applicables à l'espèce compte-tenu de la date de délivrance des permis de construire, a jugé que la participation dont s'agit devait être expressément prévue par les permis de construire, et ne l'avait pas été ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les arrêtés par lesquels le préfet a délivré à la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT les permis de construire qui ont été à l'origine de la participation contestée ont visé la délibération susmentionnée du conseil municipal en date du 21 décembre 1990 ; que, dès lors que l'article L.332-9 du code de l'urbanisme réserve au conseil municipal la compétence pour établir la participation en cause, en fixer le taux et les modalités de répartition entre les constructeurs, ainsi que la date d'exigibilité, ce seul visa suffisait à rendre ladite participation exigible, sans que le préfet eût à réaffirmer l'existence d'une obligation qu'il n'avait pouvoir ni d'instituer ni de modifier ; que la COMMUNE DE SAINT-VICTOR est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé sans cause la participation dont s'agit et s'est fondé sur ce motif pour en prescrire le remboursement assorti des intérêts au taux légal majoré de cinq points ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé devant le tribunal administratif par la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.332-11 du code de l'urbanisme alors applicable : "Si les équipements publics annoncés n'ont pas été réalisés dans le délai fixé par la délibération instituant ...la participation, la restitution des sommes éventuellement versées ... peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire. Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, la taxe est alors rétablie de plein droit dans le secteur concerné et la restitution de ces sommes peut être demandée par les bénéficiaires des autorisations de construire pour la part excédant le montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible en l'absence de la délibération prévue à l'article L.332-9. Les sommes à rembourser portent intérêts au taux légal." ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 31 décembre 1993 prévue par la délibération du 21 décembre 1990 pour l'achèvement des équipements publics dont s'agit, les équipements publics annoncés n'étaient pas achevés; que la SARL SAINT VICTOR-DEVELOPPEMENT est dès lors fondée à demander la restitution des sommes qu'elle a versées ; que toutefois il résulte de l'instruction qu'à la date de délivrance des permis de construire, la taxe locale d'équipement était instituée dans la commune de SAINT-VICTOR ; que par suite, le droit à répétition de la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT ne peut s'exercer que pour la part excédant la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible au titre desdits permis de construire en l'absence de la délibération du 21 décembre 1990 ; que la somme à rembourser doit porter intérêts au taux légal ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-VICTOR est seulement fondée à demander que la somme en principal de 1.488.906 F que le jugement attaqué a mise à sa charge soit réduite du montant de la taxe locale d'équipement qui aurait été exigée de la SARL SAINTVICTOR DEVELOPPEMENT en l'absence de ladite délibération et qu'elle ne soit assortie que des intérêts au taux légal à compter du 15 février 1995 ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens;
Sur les frais irrépétibles:
Considérant qu'en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, qui reprennent les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT à verser à la COMMUNE DE SAINT-VICTOR une somme de 5.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens; que les mêmes dispositions font obstacle à ce que la commune, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT, une somme quelconque au titre des mêmes frais;
Article 1ER : La somme en principal de 1.488.906 F que la COMMUNE DE SAINT-VICTOR a été condamnée à payer à la SARL SAINTVICTOR DEVELOPPEMENT par l'article 1 du jugement n 95.1106 en date du 8 avril 1997 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réduite de la part correspondant à la taxe locale d'équipement qui aurait été exigible de la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT en l'absence de la délibération du conseil municipal de SAINTVICTOR en date du 21 décembre 1990. Elle sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 février 1995, aux lieu et place de ceux accordés par l'article 1 dudit jugement. La SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT est renvoyée devant la COMMUNE DE SAINT-VICTOR pour la liquidation de la somme qui lui est due.
Article 2 : Le jugement en date du 8 avril 1997 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT est condamnée à payer à la COMMUNE DE SAINT-VICTOR la somme de 5.000 F en application de l'article L.-761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE SAINT-VICTOR et les conclusions de la SARL SAINT-VICTOR DEVELOPPEMENT sont rejetés.