Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 8 août et le 8 novembre 1994, présentés pour Mme Janine Y... et Mlle Valérie Y..., demeurant ..., par Me Christine X..., avocat au barreau de Paris ;
Elles demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 912048-912049-913356-913797, en date du 20 avril 1994, du tribunal administratif de GRENOBLE, en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à ce que la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS-LES-BAINS soit condamnée à leur verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elles ont subis du fait du décès de leur époux et père dans le cadre d'une opération de déclenchement d'avalanche, le 1er mai 1987 ;
2°) de condamner la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS-LES-BAINS à verser à Mme Janine Y... la somme de 150.000 francs pour elle même et de 80.000 francs pour chacun de ses enfants mineurs, et à Mlle Valérie Y... la somme de 80.000 francs, avec intérêts de droit et capitalisation de ces intérêts ;
3°) de condamner la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS-LES-BAINS à leur verser la somme de 10.000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 décembre 1998 :
- le rapport de M. MONTSEC, premier conseiller ;
- les observations de Me MAURICE substituant Me RIVA, avocat de la commune de SAINT-GERVAIS et de Me COHENDY, avocat de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute-Savoie ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que le tribunal administratif de GRENOBLE a, pour écarter en l'espèce l'existence d'une faute imputable à la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS-LES-BAINS, répondu notamment au moyen des consorts Y... relatif à l'éventuelle faute de service commise par M. Z..., employé communal ; qu'il a précisé que, si le couloir où s'est produit l'accident ne constitue pas une piste de ski, il est situé à proximité des pistes et que le moyen tiré de ce que la décision de déclenchement de l'avalanche aurait été prise par une autoriré incompétente manquait en fait ; que son jugement est, par suite, suffisamment motivé ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : " Sous réserve des dispositions prévues par les articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnées par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants-droit " ; qu'aux termes de l'article L. 454-1 du même code : " Si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants-droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ... " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la victime ou ses ayants-droit ne sauraient exercer le recours ainsi prévu contre l'auteur de l'accident ou son commettant que si celui-ci, en raison des conditions dans lesquelles la victime était employée et exécutait son travail lors de l'accident, était un tiers à l'égard de ladite victime ;
Considérant que l'accident dont a été victime M. A..., le 1er mars 1987, alors qu'il participait, avec un employé de la commune de SAINT-GERVAIS-LES-BAINS, à une opération de déclenchement préventif d'avalanche, destinée à protéger le domaine skiable du Mont Joly, sur le territoire de cette commune, et décidée dans le cadre du plan d'intervention pour le déclenchement des avalanches (P.I.D.A.), présente le caractère d'un accident du travail ; que, si M. Y... était employé salarié non de la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS-LES-BAINS mais de la Société d'équipement du Mont Joly (S.E.M.J.), concessionnaire du domaine skiable du Mont Joly, il résulte de l'arrêté municipal du 4 février 1987, relatif au P.I.D.A., que, dans le secteur en cause, dit " couloir de la Coule ", le président directeur général de la S.E.M.J. était habilité à prendre la décision de déclenchement des avalanches et que M. Y... devait participer à ce type d'opérations en sa qualité de pisteur secouriste artificier de la S.E.M.J. ; qu'ainsi, M. Y... n'agissait pas alors pour son propre compte, contrairement à ce que soutiennent les consorts Y... à l'instance, mais devait être regardé comme mis à la disposition de la commune par la S.E.M.J., dans la logique du contrat de concession liant cette société à la commune ; qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté du 4 février 1987 que, lors desdites opérations, M. Y... devait intervenir sous la responsabilité et la direction effective de l'employé communal qui l'accompagnait, chef d'équipe, déclencheur artificier, qualifié de " directeur de l'opération de déclenchement" et qu'il devait lui même seulement " seconder " ; qu'il est d'ailleurs constant que, le jour de l'accident, M. Y... était effectivement placé sous les ordres du préposé de la commune ; que M. Y... participait donc à cette occasion à un travail en commun avec la commune ; que, dans ces conditions, ladite commune ne saurait être regardée comme ayant eu la qualité de tiers par rapport à M. Y..., au sens des dispositions susrappelées de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, en application des dispositions susrappelées du code de la sécurité sociale, les ayants-droit de M. Y... et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE SAVOIE ne peuvent en tout état de cause demander à la commune, dans les conditions du droit commun de la responsabilité administrative, la réparation des préjudices résultant de l'accident ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions des consorts Y... et de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE SAVOIE tendant à la condamnation de la commune sur le fondement du dommage de travaux publics, y compris en tout état de cause pour ce qui concerne les conséquences d'un éventuel retard dans l'organisation des secours, qui ne sont pas détachables du travail en commun dont s'agit, ne peuvent être que rejetées ;
Considérant qu'ainsi, Mme Janine Y... et Mlles Valérie et Stéphanie Y... d'une part et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE SAVOIE d'autre part ne sont pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif de GRENOBLE a, par le jugement attaqué, rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions de Mme Janine Y... et Mlles Valérie et Stéphanie Y..., ainsi que de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE SAVOIE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE SAINT-GERVAIS-LES-BAINS, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser aux consorts Y... et à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE SAVOIE une somme quelconque au titre des frais qu'ils ont supportés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mme Janine Y... et Mlles Valérie et Stéphanie Y..., ainsi que les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE SAVOIE, sont rejetées.