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25/06/1998 | FRANCE | N°96LY00248

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 25 juin 1998, 96LY00248


Vu, enregistré au greffe de la cour le 5 février 1996, le recours présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 95-2358 - 95-2361, en date du 19 octobre 1995, du tribunal administratif de MARSEILLE en tant qu'il a annulé la décision, notifiée à M. Kader X... le 6 février 1995, de mettre à exécution l'arrêté du 15 juin 1988 ordonnant son expulsion ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. Kader X... devant le tribunal administratif de MARSEILLE tendant à l'annulation de la décision du

6 février 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 nov...

Vu, enregistré au greffe de la cour le 5 février 1996, le recours présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ;
Le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 95-2358 - 95-2361, en date du 19 octobre 1995, du tribunal administratif de MARSEILLE en tant qu'il a annulé la décision, notifiée à M. Kader X... le 6 février 1995, de mettre à exécution l'arrêté du 15 juin 1988 ordonnant son expulsion ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. Kader X... devant le tribunal administratif de MARSEILLE tendant à l'annulation de la décision du 6 février 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 1998 :
- le rapport de M. MONTSEC, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions du ministre de l'intérieur à fin d'annulation :
Considérant que lorsqu'un arrêté d'expulsion a été dépourvu d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, l'exécution d'office de l'expulsion doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial mais sur un nouvel arrêté d'expulsion dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui s'est substitué à l'arrêté initial ;
Considérant que, par arrêté en date du 15 juin 1988, le ministre de l'intérieur a enjoint M. Kader X..., ressortissant algérien, de sortir du territoire français, au motif que sa présence constituait une menace pour l'ordre public ; que cet arrêté d'expulsion de M. X... a été pris pour des motifs tirés du comportement de l'intéressé entre 1982 et 1987 ; que, toutefois, il est constant que cet arrêté n'a été notifié à M. X... que le 6 février 1995, avant d'être exécuté dès le lendemain 7 février 1995 ; qu'en l'espèce, près de sept années se sont donc écoulées entre l'arrêté initial d'expulsion et sa notification, puis exécution, sans que l'administration établisse ni même allègue que ce retard ne lui est pas exclusivement imputable ; que dans ces conditions et compte tenu des changements de circonstances de fait et de droit intervenus pendant cette longue période, une nouvelle décision d'expulsion doit être regardée comme s'étant substituée le 6 février 1995 à l'arrêté du 15 juin 1988 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 1989 : " Sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ... " ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'entre 1987, date de la dernière condamnation dont il était fait état dans l'arrêté du 15 juin 1988, et le 6 février 1995, date à laquelle la nouvelle décision d'expulsion est intervenue, M. X..., qui résidait en France et y exerçait la profession de maçon, ait troublé de quelque manière que ce soit l'ordre public ; que, dans ces conditions, le MINISTRE DE L'INTERIEUR ne pouvait pas estimer, à cette dernière date, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation, que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public, au sens des dispositions susrappelées de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction alors applicable ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de MARSEILLE a annulé cette nouvelle décision notifiée le 6 février 1995 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ETAT à payer à M. X... la somme de 5.000 francs en application de ces dispositions ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de cinq mille francs (5.000 francs) au titre de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96LY00248
Date de la décision : 25/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - DECISIONS IMPLICITES - Arrêté d'expulsion mis à exécution plus de 6 ans après sa signature - Naissance d'une nouvelle décision d'expulsion révélée par la mise à exécution - Existence (1).

01-01-08, 335-02 Lorsqu'un arrêté d'expulsion n'a fait l'objet d'aucune mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, son exécution d'office doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial, mais sur un nouvel arrêté d'expulsion dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial (1). En l'espèce, l'arrêté, en date du 15 juin 1988, motivé par la menace à l'ordre public que constituait la présence en France de l'intéressé, a été notifié à celui-ci le 6 février 1995, sans que l'administration n'établisse ni même n'allègue que ce retard ne soit pas exclusivement imputable à elle-même. Le dossier ne faisant état, depuis 1987, d'aucune atteinte portée à l'ordre public par l'étranger expulsé, la décision d'expulsion considérée comme intervenue en 1995 doit être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

- RJ1 ETRANGERS - EXPULSION - Exécution des mesures d'expulsion - a) Arrêté d'expulsion dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue - Retard imputable à l'administration - Notification et exécution à l'issue de ce délai - Mesure fondée non sur l'arrêté initial mais sur un nouvel arrêté qui s'est substitué au précédent - b) Erreur manifeste d'appréciation en l'espèce (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 89-548 du 02 août 1989
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 23

1.

Cf. sol. contr. (pour un arrêté de reconduite à la frontière) CE, 1998-02-18, Préfet des Alpes-Maritimes, n° 168745, T. p.


Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Montsec
Rapporteur public ?: M. Bézard

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1998-06-25;96ly00248 ?
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