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30/01/1996 | FRANCE | N°94LY00328

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 30 janvier 1996, 94LY00328


Vu, enregistré au greffe de la cour le 23 février 1994 le recours présenté par le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à payer à la compagnie méditerranéenne d'exploitation de carrières (C.O.M.E.C.) une indemnité de 1 625 966 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 1986 ;
2°) de rejeter la demande de la société C.O.M.E.C. devant le tribunal administra

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3°) à titre subsidiaire, dans le cas où la demande de la société C.O.M.E.C...

Vu, enregistré au greffe de la cour le 23 février 1994 le recours présenté par le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Nice a condamné l'Etat à payer à la compagnie méditerranéenne d'exploitation de carrières (C.O.M.E.C.) une indemnité de 1 625 966 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 1986 ;
2°) de rejeter la demande de la société C.O.M.E.C. devant le tribunal administratif ;
3°) à titre subsidiaire, dans le cas où la demande de la société C.O.M.E.C. ne serait pas rejetée, de réformer le jugement attaqué et de limiter à 150 000 francs l'indemnité mise à la charge de l'Etat ;
La société C.O.M.E.C. demande à la cour :
1°) de rejeter le recours du ministre ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'une part de fixer le point de départ des intérêts au taux légal à la date du 19 décembre 1984 et d'autre part de prononcer la capitalisation annuelle des intérêts échus depuis le 29 décembre 1986 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 50 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 1996 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de Me CABANES, avocat de la COMPAGNIE MEDITERRANEENNE D'EXPLOITATION DE CARRIERES ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel du ministre :
Considérant qu'aucune disposition ne limite la possibilité de faire appel ouverte au défendeur régulièrement appelé en première instance ; que la société C.O.M.E.C. ne saurait en conséquence utilement faire valoir que l'appel du ministre ne serait pas recevable à défaut pour l'Etat d'avoir, malgré l'envoi d'une mise en demeure, présenté des observations en défense ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si, à défaut d'avoir présenté des observations en défense malgré la mise en demeure qui lui avait été régulièrement adressée, l'Etat devait être réputé acquiescer aux faits exposés par la société requérante et qu'ainsi les chefs de préjudice qu'elle invoquait pouvaient être regardés comme établis dans leur existence et leur montant, il appartenait au tribunal administratif, qui ne pouvait condamner une collectivité publique à payer une somme non due par elle, de rechercher si les dommages dont se prévalaient la société requérante, procédaient directement de l'illégalité de l'arrêté préfectoral constituant la faute de service engageant la responsabilité de l'Etat ; que par suite en s'abstenant de statuer sur ce point le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa décision ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, d'évoquer et de statuer immédiatement ;
Sur la demande de la société C.O.M.E.C. devant le tribunal administratif :
Considérant que par un jugement du 11 mars 1983 devenu définitif le tribunal administratif de Nice a, en relevant qu'il était fondé sur des motifs entachés d'erreur d'appréciation, annulé l'arrêté du préfet du Var du 10 décembre 1981 ayant rejeté la demande présentée par la société C.O.M.E.C. en vue d'être autorisée à exploiter une carrière sur le territoire de la commune d'Evenos ; que l'illégalité de cet arrêté préfectoral constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société C.O.M.E.C. a d'abord conclu avec les propriétaires des terrains sur lesquels elle se proposait d'effectuer l'exploitation projetée, un contrat de fortage lui conférant un droit d'extraction pour 51 ans ; qu'après avoir fait effectuer diverses études, elle a conclu en mai 1980 un compromis de vente sur d'autres terrains nécessaires à l'établissement de la voie d'accès à la carrière projetée ; que ce compromis de vente a été passé sous condition suspensive de l'octroi des autorisations administratives nécessaires, l'option pouvant être levée jusqu'au 31 décembre 1981 ; qu'après le rejet de sa demande par l'arrêté préfectoral du 10 décembre 1981, la société C.O.M.E.C. n'a pu malgré une demande en ce sens, obtenir du propriétaire du terrain d'assiette de la voie d'accès une prolongation de cette option, ledit propriétaire ayant trouvé acquéreur par ailleurs ;
Considérant que dans ces conditions, même si après l'annulation par le tribunal administratif de l'arrêté préfectoral en cause, la société C.O.M.E.C. n'a pas présenté une nouvelle demande d'ouverture de carrière, elle est fondée à soutenir que, compte tenu des contraintes de droit privé auxquelles elle était tenue, le refus illégal qui lui a été opposé l'a, à la date où il est intervenu, définitivement privée de la possibilité de réaliser son projet ;

Considérant que les débours d'un montant de 77 436 francs que la société C.O.M.E.C. a inutilement exposés pour faire réaliser des études précises du site sur lequel elle avait conclu un contrat de fortage, et qui contrairement à ce que soutient le ministre ne s'inscrivent pas dans une simple campagne générale de prospection peuvent être regardés comme la conséquence directe de l'illégalité fautive engageant la responsabilité de l'Etat ; qu'il en est de même de la perte du dépôt de garantie de 60 000 francs stipulé dans le compromis de vente avec le propriétaire des terrains de la voie d'accès ;
Considérant qu'en application du décret du 20 décembre 1979 relatif aux autorisations de carrière, la société C.O.M.E.C. devait à l'appui de sa demande justifier qu'elle était titulaire d'un contrat de fortage sur les terrains qu'elle se proposait d'exploiter ; que le préjudice résultant des redevances de fortage qu'elle a été amenée à régler inutilement à partir du 1er juillet 1980 est également la conséquence directe de l'illégalité fautive en cause ;
Considérant que la mise en place d'un projet de cette importance impliquait nécessairement de réunir à l'avance les accords de droit privé nécessaires ; que le ministre n'est par suite pas fondé à soutenir que le paiement desdites redevances ne saurait être compris dans le préjudice indemnisable qu'à compter du 23 avril 1981, jour du dépôt de la demande ; qu'en revanche le ministre est fondé à soutenir qu'en souscrivant un contrat de fortage non assorti d'une condition suspensive tenant à l'octroi de l'autorisation d'exploitation nécessaire la société C.O.M.E.C. a commis une imprudence de nature à écarter la responsabilité de l'Etat pour la période postérieure au refus qui lui a été opposé ; que la société C.O.M.E.C. ne saurait dès lors demander que les redevances versées en application du contrat de fortage soient retenues au-delà du 31 décembre 1981 ; que le préjudice indemnisable de la société C.O.M.E.C. s'établit ainsi du 1er juillet 1980 au 31 décembre 1981 à 306 886 francs ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à payer à la société C.O.M.E.C. une indemnité de 444 322 francs ;
Considérant que la société C.O.M.E.C. a droit aux intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 1986, date de réception par l'administration de sa demande préalable présentée dans le cadre de la présente instance ; que la société C.O.M.E.C. ne peut demander que soit retenue la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif d'une précédente requête introductive d'instance ayant ensuite donné lieu à un désistement de sa part ;

Considérant que la capitalisation des intérêts ne peut prendre effet qu'à la date à laquelle elle est demandée, dès lors, qu'il est dû au moins une année d'intérêts depuis la date de départ du cours desdits intérêts ou depuis une précédente capitalisation ; que par suite la société C.O.M.E.C. n'est pas fondée à demander dans un mémoire enregistré au greffe de la cour le 28 juillet 1994, la capitalisation des intérêts annuellement échus depuis le 19 décembre 1986 ;
Considérant qu'à la date du 28 juillet 1994, il était dû au moins une année d'intérêts ; que par suite en application de l'article 1154 du code civil, la société C.O.M.E.C. a droit à cette date à la capitalisation des intérêts échus dans la mesure où le jugement du tribunal administratif n'aurait alors pas été exécuté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la société C.O.M.E.C. une somme de 8 000 francs :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 décembre 1993 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société C.O.M.E.C. une indemnité de 444 322 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 1986, lesdits intérêts au taux légal étant capitalisés à la date du 28 juillet 1994, dans la mesure où le jugement du tribunal administratif n'aurait alors pas été exécuté.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la société C.O.M.E.C. et du recours du ministre est rejeté.
Article 4 : l'Etat est condamné à payer à la société C.O.M.E.C. une somme de 8 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00328
Date de la décision : 30/01/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-04-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 79-1108 du 20 décembre 1979


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. GAILLETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1996-01-30;94ly00328 ?
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