Vu, enregistrée au greffe de la cour le 29 mars 1993, la requête présentée pour la SCI SALAMBO dont le siège social est ... par Me Y..., avocat au barreau de Nice ;
La société demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à la demande de l'hoirie de Mlle X... et de 5 autres requérants, annulé le permis de construire qui lui avait été délivré le 14 septembre 1987 par le maire de Nice ;
2°) de rejeter la demande de l'hoirie de Mlle X... et autres devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 1995 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;
Sur l'existence d'un litige et l'intérêt de la SCI SALAMBO à faire appel :
Considérant que le permis de construire litigieux en date du 14 septembre 1987 a été retiré par arrêté du maire de Nice du 4 décembre 1992 ; que le retrait de l'acte litigieux n'étant pas devenu définitif à défaut d'expiration du délai de recours à la date du 17 décembre 1992 à laquelle est intervenu le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice ne devait pas prononcer un non-lieu et a, à bon droit, statué sur la demande d'annulation qui lui était soumise ; que l'arrêté portant retrait du permis de construire litigieux a ensuite fait l'objet de la part de la SCI SALAMBO d'un recours pour excès de pouvoir actuellement pendant devant le tribunal administratif de Nice ; que le retrait n'étant ainsi toujours pas devenu définitif, le permis de construire litigieux ne peut être regardé comme ayant disparu de l'ordre juridique ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, la requête d'appel de la SCI SALAMBO n'est pas dépourvue d'objet ;
Sur la recevabilité de la demande des copropriétaires devant le tribunal administratif :
Considérant que l'instance devant le tribunal administratif a été introduite par des copropriétaires agissant à titre personnel en leur qualité de titulaires de lots de la copropriété qui leur donnait intérêt à agir ; que par suite la SCI SALAMBO ne peut utilement faire valoir qu'au cours de l'assemblée générale des copropriétaires du 21 octobre 1987 une majorité aurait refusé d'autoriser le syndic à agir au nom du syndicat des copropriétaires ; qu'au surplus cette délibération de l'assemblée générale des copropriétaires a été annulée par un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 13 avril 1992 ; qu'elle était d'ailleurs relative à une éventuelle instance judiciaire tendant à obtenir la remise à l'état initial des lieux et ne visait pas expressément le permis de construire ;
Sur la légalité du permis de construire litigieux :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme, "la demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique" ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 25 b) de la loi susvisée du 10 juillet 1965, qui sont d'ordre public et auxquelles les stipulations des règlements de copropriété ne sauraient déroger, en vertu de l'article 43 de la même loi, que les travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur d'un immeuble sont soumis à autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ;
Considérant qu'il découle des dispositions susénoncées que, lorsque l'autorité administrative en l'état du dossier qui lui est soumis, est informée de ce que le projet du pétitionnaire porte sur un immeuble en copropriété, il lui appartient d'exiger la production des autorisations auxquelles la loi, complétée le cas échéant par les stipulations du règlement de copropriété, subordonne l'exercice du droit de construire de chacun des copropriétaires ; qu'il lui revient, en particulier, de vérifier si les travaux mentionnés sur la demande de permis de construire affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et nécessitent ainsi l'assentiment de l'assemblée générale des copropriétaires ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que les travaux autorisés par le permis de construire litigieux en vue de l'installation d'un restaurant consistaient dans le percement d'un mur de façade et la construction d'une surface couverte sur une terrasse ; que, par suite, alors même que la surface de ladite terrasse constituait une partie privative à l'usage exclusif de la SCI SALAMBO, les travaux en cause affectaient à la fois l'aspect extérieur de l'immeuble et les parties communes ; qu'ils nécessitaient une autorisation de l'assemblée générale même si le règlement de copropriété admettait le principe de l'installation d'un restaurant dans l'immeuble ;
Considérant que le maire de Nice a délivré le permis de construire litigieux au vu d'une attestation du syndic faisant état de l'accord des copropriétaires sans préciser les conditions dans lesquelles il avait été obtenu ; que le maire alerté en outre par la lettre d'une copropriétaire du 2 septembre 1987, devait exiger que lui soit justifiée l'existence d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ; qu'au demeurant il résulte d'un arrêt du 5 juillet 1989, devenu définitif, de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 juillet 1989 statuant en matière correctionnelle et déclarant le syndic coupable du délit de faux qu'aucun accord de l'assemblée générale des copropriétaires n'avait été sollicité et obtenu ; que, par suite, le maire de Nice ne pouvait sans méconnaître les dispositions précitées de l'article R.421-1-1 du code de l'urbanisme, tenir la SCI SALAMBO, comme habilitée à présenter une demande de permis de construire ;
Considérant que la légalité d'un acte administratif s'apprécie à la date de son intervention ; que, par suite, même si une délibération postérieure de l'assemblée générale des copropriétaires est, au regard des règles de droit privé, de nature à régulariser la situation, la SCI SALAMBO ne peut utilement faire valoir qu'une délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 21 octobre 1987 postérieure à la délivrance du permis en cause, aurait accepté les travaux projetés ; qu'au surplus, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, cette délibération a été ensuite annulée par un jugement du tribunal de grande instance de Nice ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SCI SALAMBO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Nice a annulé le permis de construire qui lui avait été délivré le 14 septembre 1987 par le maire de Nice ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les conclusions de la SCI SALAMBO ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est la partie perdante ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner la SCI SALAMBO à payer une somme de 800 francs à chacun des six copropriétaires défendeurs ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la Ville de Nice tendant à ce que la SCI SALAMBO soit condamnée à lui payer une somme de 4 000 francs ;
Article 1er : La requête de la SCI SALAMBO est rejetée.
Article 2 : La SCI SALAMBO est condamnée à payer, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, une somme de 800 francs à chacun des six copropriétaires défendeurs.
Article 3 : La demande de la ville de Nice tendant à ce que la SCI SALAMBO soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais irrépétibles est rejetée.