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10/10/1995 | FRANCE | N°94LY01093

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 10 octobre 1995, 94LY01093


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 13 juillet 1994, la requête présentée pour la commune de Montgenèvre par la SCP VIER BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
La commune de Montgenèvre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à la société d'exploitation du téléphérique et annexes de Serre Chevalier (S.E.T.A.S.C.) une indemnité de rachat de la concession des remontées mécaniques par annuités de 790 190 francs payables de 1986 à 1998, out

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Vu, enregistrée au greffe de la cour le 13 juillet 1994, la requête présentée pour la commune de Montgenèvre par la SCP VIER BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
La commune de Montgenèvre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 27 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à payer à la société d'exploitation du téléphérique et annexes de Serre Chevalier (S.E.T.A.S.C.) une indemnité de rachat de la concession des remontées mécaniques par annuités de 790 190 francs payables de 1986 à 1998, outre intérêts au taux légal capitalisés sur les annuités échues et a ordonné une expertise aux fins d'estimer la valeur des biens mobiliers garnissant les bâtiments de la concession à la date de son rachat le 1er janvier 1986 ;
2°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble au 1er juin 1994 portant désignation de l'expert ;
3°) de rejeter la demande de la société S.E.T.A.S.C. devant le tribunal administratif ; La société S.E.T.A.S.C demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Montgenèvre ;
2°) de la condamner à lui payer une somme de 40 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 1995 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- Les observations de la SCP VIER, BARTHELEMY, avocat de la ville de Montgenèvre et de Me REBUFAT, avocat de la société S.E.T.A.C. venant aux droits de la S.A.D.B.M. ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de MONTGENEVRE :
Considérant qu'aux termes de l'article 372-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales : "La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires." ;
Considérant que l'acte de fusion établi le 18 juin 1991 entre la société S.A.B.D.M. et la société S.E.T.A.S.C prévoit avec effet au 1er décembre 1990 l'absorption totale de la société S.A.B.D.M. par la société S.E.T.A.S.C. qui prend en charge tous les éléments d'actif et de passif existants et se trouve subrogée dans tous les droits et obligations résultant des contrats de la société apporteuse ; que conformément aux dispositions précitées de l'article 372-1 de la loi du 24 juillet 1966, cet acte de fusion a de plein droit emporté dissolution de la société S.A.B.D.M. qui n'a plus eu d'existence à partir du 1er décembre 1990 ; que la société S.E.T.A.S.C. lui a ainsi succédé dans l'ensemble de ses droits et notamment ceux résultant de l'instance pendante devant le tribunal administratif de Grenoble alors même qu'elle est relative à une créance née avant le 1er décembre 1990 et qu'elle n'est pas expressément mentionnée dans l'acte de fusion ; que la société S.E.T.A.S.C. a pu en conséquence à bon droit poursuivre ladite instance engagée par la société S.A.B.D.M. ; que la commune de Montgenèvre n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée et tirée de ce que la société S.E.T.A.S.C. n'avait ni intérêt, ni qualité pour agir ;
Sur le droit de la société S.E.T.A.S.C. à une indemnité de rachat de la concession :
Considérant que par une convention en date du 20 mai 1958 la commune de Montgenèvre a concédé à titre exclusif pour une durée de 40 ans à la société S.A.B.D.M., la construction et l'exploitation des remontées mécaniques existantes ou à établir sur les terrains communaux ; que par une convention en date du 18 octobre 1972 suspendant la convention précitée du 20 mai 1958 et conclue pour une durée de 26 ans correspondant à la durée de la concession restant à courir, la société S.A.B.D.M. a moyennant le versement d'un loyer donné à bail l'ensemble des installations à la commune qui en a alors assuré elle-même l'exploitation ; que par délibération du 24 décembre 1985, le conseil municipal de Montgenèvre a décidé de racheter la concession à compter du 1er janvier 1986 ;
Considérant que la société S.A.B.D.M. aux droits de laquelle vient la société S.E.T.A.S.C. a demandé devant le tribunal administratif de Grenoble que la commune soit condamnée à lui verser des annuités de rachat calculées sur la base des loyers perçus en application du contrat de bail de 1972 ; que par le jugement attaqué, dont la commune fait appel, le tribunal administratif a fait droit à sa demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 du cahier des charges de la concession : "La commune de MONTGENEVRE se réserve le droit de racheter la concession au 1er janvier de chaque année à dater du 1er janvier 1985. Le prix de rachat sera obtenu en relevant, d'après les comptes d'exploitation annuels, les produits nets perçus par le concessionnaire pendant les cinq années qui auront précédé celle où le rachat sera effectué. On éliminera les produits nets des deux plus faibles années et on établira le produit moyen des cinq autres années. Ce produit moyen formera le montant d'une annuité qui sera due et payée au concessionnaire pendant chacune des années qui resteront à courir sur la durée de la concession. Dans aucun cas, le montant de l'annuité ne sera inférieur au produit de la dernière des sept années prises pour termes de comparaison." ;
Considérant que l'annuité de rachat dont la collectivité publique qui met fin à un contrat de concession doit assurer le versement jusqu'au terme normal de la concession a pour but d'indemniser le concessionnaire de la perte des recettes qu'il aurait pu normalement retirer de l'exploitation jusqu'à l'expiration du contrat et correspondant à la durée pendant laquelle il pouvait escompter amortir les investissements qu'il a effectués ; qu'ainsi en déterminant cette annuité en fonction des produits nets d'exploitation réalisés pendant les 7 années précédant celle du rachat, les dispositions précitées de l'article 11 du cahier des charges de la concession doivent être regardées comme ayant entendu envisager seulement les recettes perçues dans le cadre d'une exploitation assurée par le concessionnaire lui-même à ses risques et périls et non les loyers stipulés indépendamment des résultats d'exploitation en application d'un contrat de bail confiant l'exploitation à la commune après avoir suspendu l'exécution du contrat de concession ;
Considérant que la commune de Montgenèvre est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Grenoble a estimé que le montant des loyers perçus par la société concessionnaire pendant les années ayant précédé le rachat représentait en l'espèce le produit résultant de l'exploitation ; que la commune de Montgenèvre est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que par son article 1er le jugement attaqué l'a condamnée à payer à la société S.E.T.A.S.C., outre intérêts au taux légal capitalisés, une annuité de rachat de 790 190 francs de 1986 à 1998 ;

Considérant que la décision de rachat de la concession prise par la commune a alors même qu'il ne comportait aucune stipulation en ce sens emporté de plein droit résiliation du contrat de bail de 1972 ; que ladite décision de rachat a ainsi opéré un retour au régime de la concession que le contrat de bail avait suspendu ; que par suite les droits de l'ancien concessionnaire ne peuvent être appréciés qu'en fonction des termes du contrat de concession ; que l'annuité de rachat doit indemniser le concessionnaire des recettes qu'il aurait pu normalement retirer de la concession du 1er janvier 1986 au 4 juin 1998 ; que compte tenu de la période d'exploitation dont le concessionnaire est ainsi privé par la décision de rachat et que l'annuité de rachat doit en conséquence indemniser, ladite annuité de rachat doit être calculée conformément à l'article 11 du cahier des charges de la concession, d'après les produits nets d'exploitation que la concession pouvait normalement produire au cours des 7 années précédant le rachat compte tenu des installations remises par le concessionnaire en 1972 et abstraction faite du chiffre d'affaires induit par les investissements nouveaux réalisés par la commune ; que cette période de référence qui seule peut permettre d'apprécier la rentabilité qui pouvait être escomptée de l'exploitation de 1986 à 1998 doit, même si elle a correspondu à une gestion communale des installations, être retenue dès lors que cette situation résulte d'un accord exprès de volonté des parties pour suspendre l'application du traité de concession ;
Considérant que la cour ne trouve pas au dossier les éléments lui permettant de déterminer les produits nets d'exploitation et partant le montant de l'indemnité de rachat ; qu'il y a lieu en conséquence de prescrire une expertise à laquelle il sera procédé par un collège de 3 experts désignés par le président de la cour ; que les experts auront pour mission de fournir à la cour tous éléments de nature à lui permettre de déterminer les produits nets d'exploitation et de donner leur avis sur les montants à retenir ; que les experts devront en particulier évaluer les recettes brutes qui auraient été perçues par le concessionnaire s'il avait normalement continué à exploiter la concession pendant la période de référence et les charges qu'il aurait alors assumées ; que dans lesdites charges doivent être distingués les salaires du personnel, les frais généraux, impôts et taxes de toute nature ainsi que les frais d'entretien et de réparations courantes des installations ; que doivent également être évaluées les dotations aux amortissements et provisions qui auraient dû alors être constituées par le concessionnaire en vue de travaux de renouvellement ou de grosses réparations nécessaires au retour des installations en bon état en fin de concession ; qu'il y aura aussi lieu de faire apparaître le montant des remboursements en capital et intérêts correspondant aux emprunts contractés pour la construction des installations et que la société concessionnaire doit continuer à assurer ;
Sur l'indemnité de reprise de matériels :

Considérant que par jugement du 6 juillet 1995, le tribunal administratif a, à ce titre, condamné la commune à payer à la société S.E.T.A.S.C. une somme de 10 000 francs ; que faute d'avoir été frappé d'appel, ce jugement est devenu définitf ; que par suite l'intervention de ce jugement passé en force de chose jugée prive d'objet les conclusions de la commune tendant à ce que le jugemnt attaqué du 27 mai 1994 soit réformé en tant qu'il a statué sur ce point et prescrit une expertise ;
Considérant que tous droits et moyens des parties doivent être réservés jusqu'en fin de cause ;
Article 1 : Il est ordonné une expertise à laquelle il sera procédé par un collège de trois experts désignés par le président de la cour.
Article 2 : Les experts auront pour mission :
1°) de fournir à la cour tous éléments, en particulier ceux indiqués dans les motifs ci-dessus, de nature à lui permettre de déterminer le produit net d'exploitation que les installations de remontées mécanique de Montgenèvre, pouvaient normalement produire au cours des 7 années précédent le rachat de la concession. 2°) de donner leur avis sur le montant des produits nets à retenir pour la détermination de l'indemnité de rachat. Cette évaluation sera effectuée en retenant les installations existantes en 1972 et remises alors par le concessionnaire à la commune et en faisant abstraction du chiffre d'affaires induit par les investissements nouveaux réalisés par la commune depuis 1972.
Article 3: Les experts prêteront serment par écrit. Leur rapport sera déposé au greffe de la cour dans un délai de 6 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 mai 1994 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la commune tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur l'indemnité de reprise de matériels.
Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin de cause.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY01093
Date de la décision : 10/10/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-04-05 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS


Références :

Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 372-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. GAILLETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1995-10-10;94ly01093 ?
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