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10/10/1995 | FRANCE | N°93LY00707

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 10 octobre 1995, 93LY00707


Vu, enregistré au greffe de la cour le 10 mai 1993, le recours présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme ;
Le ministre demande à la cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 2 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat entièrement responsable des désordres affectant le pont routier enjambant le canal d'Arles à Port-de-Bouc et l'a condamné à payer à la commune de Port-de-Bouc, compte-tenu d'une provision de 3 000 000 francs déjà allouée, une somme de 2 518 708 francs, outre intérêts au taux légal capit

alisés ainsi que les frais de constat d'urgence et d'expertise ;
2°/ de ...

Vu, enregistré au greffe de la cour le 10 mai 1993, le recours présenté par le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme ;
Le ministre demande à la cour :
1°/ d'annuler le jugement en date du 2 mars 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat entièrement responsable des désordres affectant le pont routier enjambant le canal d'Arles à Port-de-Bouc et l'a condamné à payer à la commune de Port-de-Bouc, compte-tenu d'une provision de 3 000 000 francs déjà allouée, une somme de 2 518 708 francs, outre intérêts au taux légal capitalisés ainsi que les frais de constat d'urgence et d'expertise ;
2°/ de rejeter la demande de la commune de Port-de-Bouc devant le tribunal administratif ; La commune de Port-de-Bouc demande à la cour :
1°/ de rejeter le recours de l'Etat ;
2°/ de le condamner à lui payer une somme de 11 860 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 1995 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de Me BARTHELEMY, avocat de la commune de Port-de-Bouc ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :
Considérant que le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme soutient que les travaux d'approfondissement du canal d'Arles à Port-de-Bouc réalisés par l'Etat en 1981 ne sont pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, à l'origine ou tout au moins ne constituent pas la cause unique, des importants désordres qui ont affecté à partir de 1988 le pont routier enjambant le canal appartenant à la commune de Port-de-Bouc ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise prescrite en référé par le président du tribunal administratif de Marseille que le glissement du talus surplombant le canal a entraîné un déplacement de la semelle de fondation de la pile Sud du pont à l'origine de fissurations dont la gravité a imposé sa fermeture à la circulation et l'exécution de travaux confortatifs urgents pour pallier la ruine de l'ouvrage ; qu'il n'est pas contesté que le talus surplombant le canal fait partie du domaine public de l'Etat ;
Considérant que pour voir sa responsabilité écartée ou atténuée, l'Etat fait valoir, en premier lieu, que l'activité sismique enregistrée depuis 1977 constitue une des causes de la survenance des désordres ; que s'il produit des relevés faisant état de phénomènes périodiques et plus particulièrement en 1984 d'un séisme de plus forte intensité dont l'épicentre était relativement proche, il n'apporte aucun élément technique précis de nature à établir que lesdits phénomènes sismiques auraient été à l'origine du glissement du talus ayant lui-même provoqué la fissuration de la pile Sud du pont routier ;
Considérant, qu'en deuxième lieu, l'Etat soutient que les très fortes précipitations enregistrées lors de la période d'apparition des fissures auraient également joué un rôle dans la survenance des désordres ; qu'il n'apporte toutefois pas davantage, qu'en ce qui concerne les phénomènes sismiques allégués, d'éléments techniques précis de nature à établir que lesdites précipitations seraient même pour une part à l'origine du déclenchement du processus de déstabilisation du talus qui était d'ailleurs amorcé lors des plus fortes précipitations qui ont été relevées à l'automne 1987 ;
Considérant que l'Etat soutient, en troisième lieu, que le développement de l'urbanisation sur les terrains alentours lié à l'insuffisance du réseau communal d'évacuation des eaux pluviales et usées, serait à l'origine de l'arrivée dans le talus d'importantes quantités d'eaux qui auraient largement participé à sa déstabilisation ; que si l'expert a effectivement relevé l'arrivée de volumes d'eau significatifs, il conclut qu'ils correspondent à un phénomène naturel de drainage provoqué par l'existence de la tranchée constituée par le canal ; que s'il a évoqué l'hypothèse de la rupture d'une canalisation communale qui aurait pu affecter en profondeur la stabilité du talus, aucun incident de ce type n'a été dûment localisé et constaté, l'expert indiquant d'ailleurs qu'une telle rupture n'aurait pu être que la conséquence du mouvement de glissement du talus ; qu'ainsi l'Etat, qui n'apporte également sur ce point aucun élément technique précis, n'établit pas qu'un fait de la victime aurait pu jouer un rôle dans la survenance ou l'aggravation des désordres ;

Considérant que si le ministre fait valoir que la méthode retenue par l'expert notamment en ce qu'elle appréhenderait partiellement la nature géologique du sous-sol, l'aurait conduit à surestimer les possibilités de glissement du talus liées au surcreusement du canal, il n'apporte, à défaut en particulier ainsi qu'il a été dit ci-dessus, d'établir l'existence d'autres causes à l'origine du sinistre, aucun élément de nature à infirmer les concluions de l'expert suivant lesquelles le glissement du talus ne se serait pas produit si les travaux d'approfon-dissement du canal n'avaient pas été exécutés ; que, par ailleurs, le ministre n'allègue pas que le pont aurait été initialement mal conçu ou réalisé, notamment en ce qui concerne la prise en compte de la structure géologique du terrain d'assiette ; qu'enfin, compte tenu des caractéristiques des phénomènes en cause, la seule circonstance que les premiers désordres ne soient apparus que plus de 5 ans après l'exécution des travaux de surcreusement n'est pas en elle-même de nature à exclure qu'ils puissent être à l'origine du sinistre ; que dans ces conditions le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a retenu l'existence d'un lien de causalité entre le travail public réalisé pour le compte de l'Etat et le dommage subi par l'ouvrage communal ;
Considérant que la responsabilité de l'Etat est engagée vis-à-vis de la commune de Port-de-Bouc, tiers par rapport à l'ouvrage public constitué par le canal, du seul fait de l'existence dudit lien de causalité ; que le ministre ne peut en conséquence utilement faire valoir que ses services ont pris toutes les précautions nécessaires pour préserver la stabilité du pont et n'auraient ainsi commis aucune faute ;
Considérant que si le ministre soutient que la commune aurait tardé à mettre en oeuvre les mesures qu'imposait la gravité des désordres et consistant dans l'interdiction du pont à la circulation et la réalisation d'urgence de travaux confortatifs, il n'apporte à l'appui de cette allégation aucun élément de nature à établir, d'une part, que la commune aurait réellement été négligente et, d'autre part, que cette situation aurait été à l'origine d'une aggravation des désordres ; qu'ainsi aucune faute de la victime n'est de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a déclaré l'Etat entièrement responsable du dommage subi par la commune de Port-de-Bouc ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que l'Etat doit être condamné à payer à la commune de Port de Bouc une somme de 5 000 francs ;
Article 1er : Le recours du ministre de l'équipement et des transports et du tourisme est rejeté.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la commune de Port-de-Bouc une somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 93LY00707
Date de la décision : 10/10/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

67-02-03-01 TRAVAUX PUBLICS - REGLES COMMUNES A L'ENSEMBLE DES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS - LIEN DE CAUSALITE - EXISTENCE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. GAILLETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1995-10-10;93ly00707 ?
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