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17/05/1995 | FRANCE | N°94LY00663

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 17 mai 1995, 94LY00663


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 avril 1994, présentée par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France, dont le siège est ... à 63045, CLERMONT-FERRAND, représentée par son directeur général ;
la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 8 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour

la période du 1er janvier 1983 au 30 avril 1985 par avis de mise en recouvremen...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 22 avril 1994, présentée par la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France, dont le siège est ... à 63045, CLERMONT-FERRAND, représentée par son directeur général ;
la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 8 février 1994 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1983 au 30 avril 1985 par avis de mise en recouvrement du 7 décembre 1987 et pour les périodes du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1985, du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1986, du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1987 et du 1er janvier 1988 au 11 juillet 1988 par avis de mise en recouvrement du 20 février 1991 ainsi que des pénalités dont il a été assorti et, d'autre part, des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987 et, pour l'année 1988, à ce que le montant de cette cotisation supplémentaire soit ramenée à 1 701 293 francs ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et, à défaut, d'admettre pour les années 1985, 1986, 1987 et 1988 la compensation entre les montants de droits redressés et les dégrèvements qui résulteraient d'un nouveau calcul du volume d'affaires non taxable en fonction du seul profit brut ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 1995 :
- le rapport de M. MILLET, conseiller ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :
Considérant que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée des années 1985 à 1988 et aux pénalités des années 1983 à 1985, à concurrence des dégrèvements prononcés, sans préciser le montant de ces dégrèvements, alors au surplus que le directeur des services fiscaux s'était borné à proposer la réduction des droits, sans la prononcer, ni viser l'année 1988 ; qu'ainsi, le tribunal s'est mépris sur l'étendue du litige dont il demeurait saisi ; que l'article 2 du jugement doit, en conséquence, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande de première instance sur lesquelles le tribunal administratif ne s'est pas prononcé et d'y statuer en même temps que sur le surplus des conclusions dont la cour est saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 9 avril 1992, postérieure à l'introduction de la demande, le directeur régional des impôts, chargé de la direction des vérifications nationales et internationales, a prononcé un dégrèvement de 213 765 francs, correspondant au montant des intérêts de retard dont étaient assortis les droits de taxe sur la valeur ajoutée rappelés pour les années 1983, 1984 et 1985 ; que, par décision en date du 19 juillet 1994, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur des services fiscaux du Puy de Dôme a prononcé un dégrèvement de 501 313 francs sur le complément des droits de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France, au titre des années 1985, 1986 et 1987 ; que les conclusions de la demande et de la requête relatives à ces droits et intérêts de retard sont devenues sans objet ;
Sur le bien fondé :
Considérant, en premier lieu, que la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France ne conteste plus, en appel, le bien-fondé des impositions au regard de la loi fiscale ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
"Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportées à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente." ;

Considérant qu'il est constant que si l'instruction de la direction générale des impôts publiée au BODGI n° 3 L-1-79 du 31 janvier 1979, qu'invoque la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France en se fondant sur l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qualifie les opérations de change manuel de "livraisons de biens meubles corporels", cette position n'a été admise qu'au point de vue de la territorialité et du fait générateur de l'impôt, et ne concerne pas l'assiette de la base ou l'étendue du droit à déduction ; qu'elle ne comporte donc sur ces deux derniers points aucune interprétation formelle dont la redevable pourrait se prévaloir ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux terme de l'article 256 du code général des impôts, alors applicable et relatif aux opérations obligatoirement imposables : " ... Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. La livraison d'un bien meuble s'entend du transfert de propriété d'un bien meuble corporel même si ce transfert est opéré en vertu d'une réquisition de l'autorité publique ... III. Les opérations autres que celles définies au II et, notamment, la livraison de biens meubles incorporels, les travaux immobiliers et les opérations de commission et de façon, sont considérées comme des prestations de services" ; qu'aux termes de l'article 266 du même code : "1. La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation ..." ; et qu'aux termes de l'article 212 de l'annexe II audit code, pris pour l'application de l'article 273-I du code, relatif aux dispositions applicables aux entreprises qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'ensemble de leurs activités : "Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations égale au montant de cette taxe multipliée par le rapport existant entre le montant annuel des recettes afférentes à des opérations ouvrant droit à déduction et le montant annuel des recettes afférentes à l'ensemble des opérations réalisées ..." ;
Considérant que la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel requérante fait valoir que les prêts qu'elle consent à ses clients proviennent en grande partie d'avances que lui fait la caisse nationale de Crédit Agricole à raison desquelles elle supporte des charges financières ; que le chiffres d'affaires qu'elle réalise effectivement à l'occasion de ses opérations de prêts ne correspond pas au montant des intérêts versés par ses clients mais représente ce montant diminué desdites charges ; qu'enfin, prétendant que pour le calcul du "prorata" défini à l'article 212 de l'annexe II au code, le chiffre d'affaires des opérations imposables de plein droit ou par option à la taxe sur la valeur ajoutée est limité au seul "profit brut", elle sollicite que le volume d'affaires afférent aux opérations de prêts, lesquelles sont exonérées, ne figure au dénominateur que pour celui qui résulte de la "marge brute sur intérêts" ;

Considérant que la prestation d'avances effectuée par la caisse nationale de Crédit Agricole au profit des caisses régionales, dès lors que la première est une entité juridique différente des secondes, est distincte de la prestation de crédit rendue par celles-ci au profit de leurs emprunteurs avec qui elles sont liées par un contrat de prêt conclu exclusivement avec eux ; qu'ainsi, la recette procurée par chacune de ces opérations doit être déterminée indépendamment l'une de l'autre ; que l'intérêt inhérent à l'opération de prêts des caisses régionales est le prix réclamé à leurs clients à raison de la prestation qui leur est consentie ; qu'il constitue la rémunération que perçoivent ces caisses en contrepartie du service rendu ; que cet intérêt répond à la notion de recette telle qu'elle résulte des termes précités de l'article 266-1 a) du code général des impôts et de l'article 212 de l'annexe II audit code ; que cette définition s'applique aussi bien aux opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée qu'à celles qui en sont exonérées et recouvre, d'ailleurs, celle de "montant brut du profit" retenu pour les opérations de change manuel ; que cette notion ne saurait être étendue au "bénéfice brut" rapporté par l'opération de prêts et préconisé par la requérante ; que, pour la détermination du pourcentage général de déduction, la recette afférente aux opérations de prêts dont s'agit, est donc celle procurée par lesdites opérations, et correspond au montant des intérêts versés par les emprunteurs des caisses régionales, sans que puissent être déduites de leur montant les charges financières inhérentes aux opérations d'avances qui lient lesdites caisses à la caisse nationale de Crédit Agricole ;
Considérant qu'il suit de là que la caisse requérante n'est pas fondée à soutenir que la détermination du volume d'affaires faite par l'administration procéderait de deux méthodes différentes selon qu'il s'agit d'opérations imposables ou d'opérations exonérées ; que, dès lors que l'opération d'avance effectuée par la caisse nationale de Crédit Agricole est distincte de celle de prêt consentie par les caisses régionales à leurs clients, la requérante ne saurait valablement alléguer que la "rémunération d'un même crédit" est retenue, pour l'établissement du "prorata", à la fois au niveau de la caisse nationale et à celui des caisses régionales ; que, par suite, le calcul du pourcentage général de déduction procédant de l'application de la loi fiscale, elle ne saurait utilement invoquer que les établissements du groupe bancaire auquel elle appartient seraient traités défavorablement par rapport à d'autres établissements financiers ou bancaires ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France n'est pas fondée à soutenir que, c'est à tort que, par le surplus du jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 8 février 1994 est annulé.
Article 2 : A concurrence de la somme de 213 765 francs, en ce qui concerne les intérêts de retard dont étaient assortis les droits de taxe sur la valeur ajoutée rappelés pour la période du 1er janvier 1983 au 31 décembre 1985 et de la somme de 501 313 francs en ce qui concerne le complément de taxe sur la valeur ajoutée auquel la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France a été assignée au titre de la période au 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande devant le tribunal administratif et sur les conclusions de la requête.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00663
Date de la décision : 17/05/1995
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-08-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS


Références :

CGI 256, 266, 273
CGI Livre des procédures fiscales L80 A
CGIAN2 212
Instruction 3L-1-79 du 30 janvier 1979


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MILLET
Rapporteur public ?: M. BONNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1995-05-17;94ly00663 ?
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