Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 août 1993, présentée par M. François X... demeurant "Résidence Le Port" à SAINT TROPEZ (83990) ;
M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 6 mai 1993 par lequel le tribunal administratif de Nice ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 dans les rôles de la commune de SAINT TROPEZ ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ainsi que le remboursement des frais irrépétibles évalués à 40 000 francs ;
3°) d'ordonner, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement et de l'imposition contestée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 1995 :
- le rapport de M. MILLET, conseiller ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. François X... exploite à Saint-Tropez (Var) en tant que gérant libre, sous l'enseigne "Le Papagayo", un fonds de commerce "Snack-bar-dancing ; que ce fonds est la propriété de la SARL "La Dunette" dont le requérant et son frère, Edouard X..., détiennent chacun la moitié du capital, les locaux d'exploitation et le terrain d'implantation étant la propriété de M. Edouard X... ; que M. François X... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble qui ont porté sur la période du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1984 ; qu'il conteste les compléments d'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre des années 1981 à 1984 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décisions en date des 16 juin 1994 et 28 juin 1994, le directeur des services fiscaux du Var a prononcé des dégrèvements, en droits et pénalités, respectivement à concurrence de 123 750 francs, 39 685 francs et 3 674 francs, des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. François X... a été assujetti au titre des années 1981, 1982 et 1984 ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble :
Considérant que pour justifier l'excédent des disponibilités en espèces constaté par le vérificateur, ainsi que la nature et l'origine d'importantes sommes portées au crédit de ses comptes bancaires, M. X... s'est borné à faire état de dépôts en espèces que lui auraient faits des membres de sa famille et de l'encaissement, pour le compte de son frère résidant aux Antilles, de chèques émis par des personnes avec lesquelles ce dernier était en relation d'affaires ; qu'une telle réponse, qui n'était assortie d'aucune justification sur la réalité des versements, ni sur les accords lui conférant un rôle d'intermédiaire pour le compte de son frère, était invérifiable et assimilable, par son caractère évasif, à un refus de réponse de nature à justifier la taxation d'office des sommes dont l'origine restait inexpliquée ; que M. X... n'établit pas avoir proposé au vérificateur des justificatifs bancaires que celui-ci aurait refusé d'examiner ; que les variations successives constatées dans le montant des redressements restent sans incidence sur la régularité de la procédure ;
Sur le bien-fondé des redressements issus de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble :
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X..., la notification de redressements du 5 décembre 1985 comportait l'indication des circonstances de droit et de fait qui fondaient les redressements ; qu'elle était, dès lors, suffisamment motivée et de nature à interrompre le délai de prescription ; que si cette notification, effectuée en application de la procédure contradictoire de redressement, ne mentionnait pas la catégorie de revenus à laquelle les sommes non justifiées devaient être rattachées, il est constant que l'administration, qui est en droit, à tout moment de la procédure, de substituer une base légale nouvelle à celle primitivement retenue, s'est prévalue, à juste titre comme il a été dit ci-dessus, de la situation de taxation d'office dans laquelle M. X... s'était placé pour défaut de réponse à la demande de justifications ; que, par suite, l'irrégularité affectant la notification susvisée n'a pas d'incidence sur l'effet interruptif de prescription qui lui est attaché ; que la substitution de base légale proposée par le ministre n'est pas soumise à la condition d'une nouvelle notification ; que le moyen tiré de ce que la notification du 12 juin 1986 ne viserait pas l'année 1981, outre qu'il manque en fait, est donc inopérant ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient à M. X..., régulièrement taxé d'office, d'apporter la preuve de l'exagération des redressements contestés ;
Considérant, en second lieu, que si M. X... prétend que, pour la détermination des balances-espèces des années 1981, 1982 et 1984, il n'a pas été suffisamment tenu compte des disponibilités dégagées au titre de l'année précédente, il n'apporte aucun élément à l'appui de son allégation qui ne concerne pas les années 1982 et 1984, dès lors qu'au titre des années 1981 et 1983, il a été constaté un excédent des disponibilités employées ; que s'il soutient avoir reçu des fonds en dépôt de son frère Edouard pour subvenir aux besoins de leur mère et de sa fille pour la scolarité de sa petite fille, il ne produit aucune pièce permettant d'identifier l'auteur de ces libéralités ; qu'enfin, s'il affirme que 45 000 francs de remises d'espèces proviendraient de joueurs du casino pour la couverture de chèques sans provision, il ne verse au débat aucune pièce permettant de déceler une corrélation ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. X... soutient avoir encaissé au cours des années 1981, 1982 et 1983 de nombreux chèques pour le compte de son frère Edouard auquel il faisait, après encaissement, de nombreux virements, il ne produit aucune pièce de ce dernier l'autorisant à servir d'intermédiaire ; qu'en ce qui concerne l'aide que lui aurait accordée son frère Maurice pour l'achat des parts de la société du casino, la circonstance que le chèque émane de la SNC X... et Cie contredit cette allégation ; que, pour les autres chèques restant en litige, il n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'ils ne correspondent pas à des revenus imposables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'apporte pas la preuve du caractère exagéré des bases d'imposition mises à sa charge en raison de revenus d'origine indéterminée ;
Sur les rehaussements consécutifs à la vérification de comptabilité de l'entreprise personnelle de M. François X... :
Considérant, en premier lieu, que si M. X... soutient qu'il y aurait lieu de tenir compte en tant que charge professionnelle de ce qu'il utilise occasionnellement une pièce de son appartement à usage de bureau, il n'apporte, en tout état de cause, à l'appui de son affirmation aucun élément permettant d'apprécier la réalité de cette utilisation ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. X... soutient avoir réglé une partie du loyer dû à son frère par compensation avec la prise en charge de dépenses personnelles de l'intéressé, il n'apporte aucune justification de la réalité d'un accord passé avec le propriétaire pour modifier les termes du bail prévoyant les modalités de règlement du loyer ; que, par suite, l'administration établit que les dépenses correspondantes n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise ; que, toutefois, l'administration n'a pas contesté l'affirmation du contribuable selon laquelle le loyer dû n'a pas été comptabilisé dans les charges de l'entreprise ; que, par suite, M. X... est fondé à demander la compensation de cette erreur comptable, à concurrence des redressements litigieux, avec le rehaussement effectué à ce titre et à en obtenir la décharge ;
Considérant, en troisième lieu, que M. X... a donné le détail des travaux de réparation et d'entretien portés en frais généraux au cours des années litigieuses ; que, tant en première instance qu'en appel, l'administration s'est bornée à contester le caractère déductible des dépenses en cause, sans préciser, pour chaque facture, les raisons pour lesquelles les travaux correspondraient, soit en ce qu'ils accroîtraient la valeur des biens, soit en ce qu'ils prolongeraient la durée de leur utilisation, à la création d'immobilisations ; que, s'agissant de dépenses n'ayant pas, par elles mêmes, une telle nature, ces observations générales ne peuvent établir le caracètre erroné de leur comptabilisation en charge, quand bien même existerait, comme l'affirme le ministre, une étroite communauté d'intérêt entre le bailleur et le preneur ; que, sur ce point, M. X... est également fondé à demander la décharge des redressements correspondants ;
Considérant, enfin, que le bail conclu avec la société propriétaire du fonds de commerce stipule qu'outre le paiement du loyer, le preneur s'oblige à consentir au bailleur une avance sans intérêt d'un million de francs ; que si l'administration soutient que cet avantage constitue un acte anormal de gestion à concurrence des intérêts dont M. X... s'est volontairement privé, elle n'établit pas que ledit avantage, ajouté au montant du loyer, aurait pour effet de porter la rémunération du bailleur à un niveau excédant la valeur locative du fonds ; que, par suite, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'acte anormal de gestion qu'elle invoque ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté la totalité du surplus de ses conclusions ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat (ministre du budget) à verser à M. X... la somme qu'il réclame au titre des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : A concurrence des sommes de cent vingt trois mille sept cent cinquante francs (123 750 francs), trente neuf mille six cent quatre vingt cinq francs (39 685 francs) et trois mille six cent soixante quatorze francs (3 674 francs), en ce qui concerne les compléments d'impôts sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre des années 1981, 1982 et 1984, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. François X....
Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu de M. X... pour les années 1981, 1982, 1983 et 1984 sont réduites à concurrence des redressements prononcés pour la prise en charge de dépenses personnelles du propriétaire des murs du fonds de commerce en compensation de loyers, des charges considérées à tort comme des immobilisations et des intérêts des avances consenties par M. X... au bailleur du fonds de commerce.
Article 3 : Il est accordé à M. X..., décharge en droits et pénalités de la différence entre les impositions auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981, 1982, 1983 et 1984 et celles résultant de l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice, en date du 6 mai 1993, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.