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28/02/1995 | FRANCE | N°94LY00911

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 28 février 1995, 94LY00911


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 14 juin 1994, la requête présentée pour M. et Mme X..., demeurant ... (Alpes Maritimes) par Me Y..., avocat au barreau de Nice ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 19 mai 1994 du magistrat délégué chargé des référés au tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser une provision de 600 000 francs ainsi qu'une indemnité mensuelle de 5 000 francs ;
2°) de condamner l'Etat à leur payer lesdites sommes ;
3°) de

condamner l'Etat à leur payer une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'a...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 14 juin 1994, la requête présentée pour M. et Mme X..., demeurant ... (Alpes Maritimes) par Me Y..., avocat au barreau de Nice ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance en date du 19 mai 1994 du magistrat délégué chargé des référés au tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser une provision de 600 000 francs ainsi qu'une indemnité mensuelle de 5 000 francs ;
2°) de condamner l'Etat à leur payer lesdites sommes ;
3°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
. Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 1995 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- et les conclusions de M. GAILLETON, commissaire du gouvernement ;

Sur le fond :
Considérant qu'aux termes de l'article R.129 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut accorder une provision au créancier qui a saisi le tribunal ou la cour d'une demande au fond lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ..." ;
Considérant que les requérants sont propriétaires sur la commune de Coaraze d'une maison d'habitation qui a subi de graves désordres à la suite d'une coulée de boue dans la nuit du 8 au 9 janvier 1994 ; que pour demander que l'Etat soit condamné à leur verser une indemnité, les requérants invoquent la faute qu'aurait commise le préfet en leur délivrant un permis de construire le 21 octobre 1980 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des avis techniques émanant tant de l'office national des forêts que du centre d'études techniques de l'équipement que la coulée de boue qui a emprunté le lit du ruisseau à proximité duquel la maison des requérants est construite a pour origine l'arrachement d'une importante masse de terres par les pluies qui avaient eu lieu les jours précédents ; que les mêmes avis relèvent que la maison des requérants, située dans l'axe d'une des deux arches du pont par lequel une route départementale franchit la vallée à quelques dizaines de mètres en amont, représente un obstacle à l'écoulement des eaux et est exposée à toute nouvelle coulée ;

Considérant que même en admettant comme le soutient le ministre, que l'arche du pont dans le prolongement de laquelle se trouve la maison n'ait pas été conçue pour assurer le passage des eaux et ait pour seule fonction de permettre le franchissement du ravin et que la maison ne soit pas implantée au fond même du thalweg, l'administration n'apporte aucun élément de nature à contester sérieusement que la construction litigieuse représente un obstacle à l'écoulement d'une crue faisant suite à des précipitations d'un volume habituel ; qu'ainsi il ne résulte pas des pièces du dossier que la construction de la maison en cause ait été autorisée à une distance et à une hauteur suffisantes par rapport au lit du ruisseau pour que la sécurité de ses occupants soit garantie ; que dès l'instant que le bassin versant dudit ruisseau est formé de terrains pentus, instables et dénudés et que la survenance de précipitations brusques entraînant une érosion massive est fréquente dans la région, le risque naturel auquel est exposé la maison des requérants, résulte de la configuration même des lieux et ne peut être regardé comme ayant été inconnu de l'administration lorsqu'elle a délivré le permis de construire ; que si les pluies qui ont précédé le sinistre ont été importantes, elles n'ont pas dépassé tous les précédents connus dans la région et n'ont ainsi pas revêtu un caractère de force majeure ; que dès lors en délivrant aux requérants un permis de construire alors que les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme lui permettaient de s'opposer à un projet de construction portant atteinte à la sécurité publique, le Préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ; que cette illégalité fautive, de nature à engager la responsabilité de l'Etat, est directement à l'origine du préjudice subi ; que si les requérants ont fait preuve d'une grave imprudence en entreprenant une construction à cet endroit et que la faute qu'ils ont ainsi commise est de nature à atténuer celle de l'Etat, la responsabilité de la collectivité publique demeure engagée à leur égard ; que, par suite, en l'état de l'instruction, les requérants sont fondés à se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable de l'Etat à leur égard ; qu'ils sont en conséquence fondés à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée le président du tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'indemnité provisionnelle ; qu'il y a dès lors lieu d'annuler ladite ordonnance en tant que par son article 7, elle a, en rejetant le surplus des conclusions des requérants, écarté leur demande d'indemnité provisionnelle ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'accorder aux requérants une indemnité provisionnelle de 250 000 francs au titre du préjudice lié à la diminution de la valeur vénale de leur maison ; qu'en revanche en l'état de l'instruction et en l'absence de justifications et d'indications sur la nature exacte des frais que les requérants ont dû exposer pour se reloger, il n'y a pas lieu de leur accorder à ce titre une indemnité provisionnelle ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X... à titre provisionnel une somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 19 mai 1994 est annulée en tant que par son article 7 elle a rejeté la demande d'indemnité provisionnelle de M. et Mme X....
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. et Mme X... une indemnité de 250 000 francs.
Article 3 : L'Etat est à titre provisionnel condamné à payer à M. et Mme X... une somme de 5 000 francs sur les fondements de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00911
Date de la décision : 28/02/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-03-015-04 PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - REFERE-PROVISION - CONDITIONS


Références :

Code de l'urbanisme R111-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R129, L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. GAILLETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1995-02-28;94ly00911 ?
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