Vu la requête sommaire et les mémoires ampliatifs, enregistrés au greffe de la cour les 26 mai 1992, 15 octobre 1992 et le 12 juillet 1993 présentés pour M. Pierre Y..., demeurant ... (13007) MARSEILLE, par Me X..., avocat ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 7 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille ne lui a accordé qu'une réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités mises à sa charge au titre des années 1979 à 1981 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 décembre 1994 :
- le rapport de M. PANAZZA, président--rapporteur ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 16 juillet 1993, postérieure à l'enregistrement de la requête de M. Y..., le directeur des services fiscaux des Bouches du Rhône a prononcé en sa faveur un dégrèvement d'un montant de 504 334 francs représentant une partie des droits et la totalité des pénalités restant en litige au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 1981 ; que les conclusions de la requête relatives à cette imposition sont dans cette mesure devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : "Une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ... ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification" ;
Considérant que la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble de M. Y... doit être regardée, en l'absence de toute contestation sur ce point, comme ayant débuté le 19 octobre 1982 ; qu'un premier avis de vérification, adressé le 21 septembre 1982 au domicile du contribuable, a été reçu par son épouse qui en a accusé réception le 27 septembre 1982 comme l'a admis le requérant en cours d'instance ; qu'il a également reconnu avoir lui-même reçu le 11 octobre 1982, au lieu de son incarcération, un deuxième avis de vérification daté du 4 octobre 1982 ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de notification de l'avis de vérification antérieurement au début de celle-ci manque en fait ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à engager sous une forme orale le débat contradictoire qu'elle est tenue de mener avec un contribuable qui fait l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ; que, par suite, le requérant qui, par ailleurs, ne conteste pas avoir eu des échanges de correspondances avec le vérificateur, n'est pas fondé à soutenir que les opérations de cette vérification auraient été viciées par le caractère tardif de l'entrevue avec le vérificateur sur le lieu de son incarcération ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 16 du livre des procédures fiscales, l'administration " ...peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; qu'aux termes de l'article L 69 du même livre : " ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L 16" ;
Considérant qu'à la suite des constatations opérées lors de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, le vérificateur a considéré que les sommes portées au crédit des comptes bancaires de M. Y... excédaient notablement le montant de ses revenus déclarés au cours des années 1979 à 1981 ; qu'il a interrogé le contribuable sur l'origine des crédits bancaires inexpliqués en lui demandant de produire toutes justifications utiles ;
Considérant que les circonstances que M. Y... était incarcéré et qu'une partie de ses documents personnels avaient été saisis par l'autorité judiciaire ne présentaient pas par elles-mêmes le caractère d'un événement de force majeure interdisant à l'administration de mettre en oeuvre la procédure susmentionnée ou dispensant M. Y... d'apporter les justifications demandées ; qu'en admettant que M. Y... ne fût pas immédiatement en mesure de répondre à l'ensemble des questions qui lui étaient posées par le vérificateur, il résulte de l'instruction qu'il n'a pris, à l'époque, aucune disposition pour avoir accès, dans la mesure où cela lui était nécessaire, aux documents que le service tenait à sa disposition, ou obtenir copie de ceux que l'autorité judiciaire détenait ; que, dans ces conditions, dès lors que M. Y... n'a fourni aucune justification de l'origine des sommes portées à ses comptes, se bornant à faire état de son incarcération et de son impossibilité de répondre aux questions posées faute de posséder les documents nécessaires, ou n'apportant que des réponses imprécises et non vérifiables, assimilables à une absence de réponse, l'administration était en droit de procéder à la taxation d'office prévue à l'article L 69 du livre des procédures fiscales ;
Considérant que M. Y... soutient que la mention relative à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant été rayée sur l'imprimé de réponse aux observations du contribuable, il a été ainsi privé de la possibilité de saisir cette commission ; que, toutefois, il est constant que, du fait de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre, le litige n'avait pas, alors, à être soumis à l'appréciation de la commission départementale des impôts directs ; que, dès lors, la circonstance que le contribuable n'ait pas eu la possibilité de saisir ladite commission est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, que M. Y... n'apporte pas, par les documents qu'il produit devant la cour, la preuve qui lui incombe, dès lors qu'il a été régulièrement soumis à une procédure d'imposition d'office, de l'existence d'un prêt qu'il aurait consenti à un ami, et dont les somme de 30 000 francs et 50 000 francs relevées au crédit de ses comptes constitueraient le remboursement ; qu'il ne justifie pas davantage que les autres versements en espèces constatés sur ses comptes, pour des montants de 112 450 francs en 1979, 83 500 francs en 1980, 25 000 francs en 1981, proviendraient comme il l'affirme de prélèvements effectués à titre d'avance dans les caisses de l'établissement dont il était à l'époque le directeur-adjoint ; qu'en se bornant à affirmer n'avoir effectué qu'un apport de 25 000 francs sur le compte courant ouvert à son nom dans la société SERCA et en s'abstenant de produire le détail des opérations comptables relatives à ce compte pour les exercices en cause, le requérant n'établit pas que c'est à tort que le vérificateur a regardé comme des revenus d'origine indéterminée les deux apports de 50 000 francs constatés sur ce compte ;
Considérant, en second lieu, que les sommes versées à un salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail sont soumises à l'impôt sur le revenu dans la mesure où elles ne réparent pas un préjudice autre que celui résultant pour ce salarié de la perte de son revenu ;
Considérant qu'après avoir estimé que l'indemnité de 1 235 000 francs perçue par M. Y... à la suite de son licenciement compensait en totalité la perte de revenus résultant de son licenciement, l'administration a admis en cours d'instance qu'elle avait pour objet, à hauteur de 830 717 francs, de réparer un préjudice distinct et a prononcé le dégrèvement correspondant susmentionné ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la quote-part de l'indemnité ainsi exclue de son revenu passible de l'impôt au titre de 1981 apparaît suffisante, compte tenu, notamment, de l'âge et de l'ancienneté dans l'entreprise de l'intéressé ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le solde de l'indemnité de licenciement, d'un montant de 135 000 francs, n'a été versé à l'intéressé qu'en 1982 ; qu'il y a lieu, par suite, de déduire ce montant de la somme de 404 283 francs représentant la quote-part de l'indemnité restant soumise à l'impôt sur le revenu au titre de 1981 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la totalité du surplus de ses conclusions ;
Article 1er : A concurrence de la somme de cinq cent quatre mille et trois cent trente quatre francs (504 334 francs) en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auquel M. Y... a été assujetti au titre de l'année 1981, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y....
Article 2 : La base de l'impôt sur le revenu assignée à M. Y... au titre de l'année 1981 est réduite d'une somme de cent trente cinq mille francs (135 000 francs).
Article 3 : M. Y... est déchargé des droits et intérêts de retard correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 2.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 7 avril 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.