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14/06/1994 | FRANCE | N°92LY01006

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 14 juin 1994, 92LY01006


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er octobre 1992, présenté par le ministre du budget ;
Le ministre du budget demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 18 mai 1992 en tant que, par ce jugement, le tribunal a accordé à M. X... une réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1983 ;
2°) de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de M. X... ;
. Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le li

vre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours ad...

Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 1er octobre 1992, présenté par le ministre du budget ;
Le ministre du budget demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 18 mai 1992 en tant que, par ce jugement, le tribunal a accordé à M. X... une réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1981 à 1983 ;
2°) de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de M. X... ;
. Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 1994 :
- le rapport de M. GAILLETON, conseiller ;
- les observations de Me Z..., substituant la SCP CAILLAT-DAY
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non recevoir opposée au recours :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié le 15 juin 1992 au directeur des services fiscaux de Grenoble ; que le recours du ministre du budget a été enregistré à la cour le 1er octobre 1992, soit dans le délai de quatre mois dont l'administration fiscale dispose pour faire appel sur le fondement de l'article R 200-18 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par M. X... au recours du ministre doit être écartée ;
Sur les impositions en litige :
Considérant que le ministre établit, par le document qu'il produit en appel, que M. X... a été informé de l'engagement de la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble par la remise d'un avis, conformément aux dispositions de l'article L 47 du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence d'un tel avis pour prononcer la décharge des impositions en litige ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'instruction que M. X... a disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil entre la date à laquelle il a reçu l'avis susmentionné, soit le 13 juin 1984, et celle où les opérations de contrôle de sa situation fiscale personnelle ont effectivement commencées, soit le 25 juin 1984, jour où l'intéressé a été convoqué par le vérificateur aux fins de lui présenter ses relevés bancaires ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; qu'aux termes de l'article L 69 du même livre : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L 16." ;

Considérant que la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble dont M. X... a fait l'objet a révélé, par l'excédent inexpliqué des disponibilités employées sur celles dégagées par le contribuable pendant chacune des années 1981 à 1983, des revenus dépassant largement ceux qu'il avait déclarés pour lesdites années ; que cette constatation autorisait l'administration à recourir pour les années en cause, ainsi qu'elle l'a fait les 22 avril, 23 avril et 25 mai 1985, à la procédure de demande de justifications prévue à l'article L 16 précité du livre des procédures fiscales ; que si, dans sa réponse à ces demandes, parvenue au service le 11 juillet 1985, M. X... a donné sur certains points des explications dont l'administration a ultérieurement tenu compte, l'intéressé n'a en revanche, s'agissant des sommes restant en litige, apporté aucun élément de réponse ou s'est borné, soit à faire état de prêts sans date certaine, soit à formuler des observations non assorties des précisions et justifications suffisantes de nature à permettre au service d'en apprécier la pertinence ; qu'il n'a pas fourni d'éléments plus précis dans la réponse qu'il a faite à la nouvelle demande du service en date du 7 août 1985 ; que ses réponses ont pu, par suite, être regardées par l'administration comme équivalentes à un défaut de réponse ; que l'administration pouvait dès lors légalement, en vertu de l'article L 69 précité, taxer d'office M. X... à raison des sommes dont l'origine restait inexpliquée ; que si, dans la notification par laquelle elle a fait connaître à M. X... les bases servant au calcul des impositions, elle a inexactement rangé ces sommes dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, elle est en droit, comme elle le fait devant le juge par substitution de base légale, de soutenir que ces sommes devaient être regardées comme des revenus d'origine indéterminée ne se rattachant à aucune catégorie définie par le code général des impôts ;
Considérant qu'en vertu de l'article L 193 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. X... régulièrement taxé d'office d'apporter la preuve que l'administration a fait une évaluation exagérée de ses bases d'imposition ;
Considérant, en premier lieu, s'agissant de l'année 1981, que la somme dont l'administration a demandé à M. X... de justifier l'origine correspond au versement d'un chèque de 20 000 francs constaté le 2 avril sur son compte bancaire ouvert auprès de la banque "La Prudence", et non celle, d'un même montant, enregistrée sur ce compte le 3 mars précédent ; que, par suite, en se bornant à produire un bordereau bancaire correspondant à cette dernière somme, M. X..., qui ne conteste pas sérieusement la réalité du premier versement, n'établit pas que la somme de 15 220 francs, qui reste effectivement en litige compte tenu de la limitation du redressement auquel l'administration a procédé, ne présente pas le caractère d'un revenu ;

Considérant, en deuxième lieu, s'agissant de l'année 1982, que compte tenu des liens familiaux unissant les intéressés, le chèque de 100 000 francs tiré le 14 octobre 1982 au bénéfice de M. X... par son frère peut être présumé, en l'absence d'éléments permettant de penser qu'il pouvait exister des relations d'affaires entre eux, correspondre au remboursement de sommes antérieurement prêtées par M. X... à son frère ; qu'en revanche, en l'absence de contrat de prêt ayant date certaine, M. X... n'établit pas que la somme de 70 000 francs qui a été versée pour son compte entre les mains de M. Y... le 17 juin 1986, postérieurement aux opérations de vérification, correspondrait au remboursement du chèque d'un même montant tiré par celui-ci et encaissé le 17 août 1982 sur le compte ouvert par Mme X... auprès de la Caisse d'Epargne ; qu'il n'est, dès lors, pas établi que la somme de 70 000 francs encaissée à cette dernière date correspondait à un prêt et non à un revenu ; que compte tenu de la composition du foyer de M. X... qui comprenait quatre personnes, des éléments patrimoniaux possédés par l'intéressé et de la faiblesse des dépenses de train de vie payées par chèque au cours de l'année 1982, qui se sont élevées seulement à 13 208 francs, l'administration a pu évaluer à 100 000 francs les dépenses de train de vie payées en espèces par le contribuable pour dresser la balance entre les espèces qu'il a employées au cours de cette année et celles qu'il a dégagées ; que, dès lors, la somme de 82 123 francs correspondant à l'excédent des espèces employées mis en évidence par cette balance, dont les autres éléments retenus par le service ne sont pas contestés par M. X..., doit être regardée comme un revenu imposable ;
Considérant enfin, en dernier lieu, s'agissant de l'année 1983, que M. X..., qui ne fait notamment pas état d'un retrait en espèces correspondant, n'établit pas qu'il aurait encaissé pour le compte d'un ami le chèque de 7 000 francs qu'il a remis sur le compte bancaire de son épouse le 16 octobre ; qu'il établit, en revanche, avoir dégagé une somme en espèces de 35 000 francs le 12 avril 1983 à raison de la cession d'un véhicule automobile acquis au cours de la même année ; que, pour dresser la balance des espèces de l'année 1983, qui fait ressortir un excédent de disponibilités employées d'un montant de 21 872 francs taxé d'office, l'administration a retenu une somme de même montant au titre des disponibilités employées par M. X... à l'occasion de l'achat de ce véhicule ; que dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que le contribuable aurait effectivement déboursé une somme supérieure pour cette acquisition, contrairement à ce que soutient maintenant le ministre, M. X... doit être regardé comme apportant la preuve de l'absence de bien fondé de l'imposition de la somme de 21 872 francs ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget est seulement fondé à demander que les sommes de 15 220 francs, 152 123 francs et 7 000 francs soient respectivement réintégrées dans les bases de l'impôt sur le revenu dû par M. X... au titre de chacune des années 1981 à 1983 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ..." ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre des années 1981 à 1983 est remis à sa charge à concurrence de la réintégration dans ses bases d'imposition de sommes s'élevant respectivement à 15 220 francs pour 1981, 152 123 francs pour 1982 et 7 000 francs pour 1983.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 18 mai 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget et les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY01006
Date de la décision : 14/06/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE


Références :

CGI Livre des procédures fiscales R200-18, L47, L16, L69, L193
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GAILLETON
Rapporteur public ?: M. RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1994-06-14;92ly01006 ?
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