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03/11/1993 | FRANCE | N°92LY00225

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 03 novembre 1993, 92LY00225


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 1992, présentée pour la société à responsabilité limitée Institut Artistique de Provence dont le siège est situé ..., représentée par sa gérante en exercice, par la SCP André-André et associés, avocat ;
La société Institut Artistique de Provence demande à la cour :
1) d'annuler le jugement en date du 31 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er

janvier 1979 au 31 décembre 1983 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposi...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 1992, présentée pour la société à responsabilité limitée Institut Artistique de Provence dont le siège est situé ..., représentée par sa gérante en exercice, par la SCP André-André et associés, avocat ;
La société Institut Artistique de Provence demande à la cour :
1) d'annuler le jugement en date du 31 octobre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1983 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition et de condamner l'Etat à lui payer une somme de 20 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive n°77/388/CEE du Conseil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 1993 :
- le rapport de M. COURTIAL, conseiller ;
- les observations de Me BOUFFARD, avocat de la SARL Institut Artistique de Provence ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société à responsabilité limitée Institut Artistique de Provence gère un établissement privé d'enseignement musical à Marseille ; qu'elle demande la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1983 à raison de son activité d'enseignement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que celui-ci ne fait pas mention de la communication à la société du mémoire en défense produit par l'administration et sur lequel le tribunal s'est fondé ; qu'aucune pièce du dossier n'établit cette communication ; que, dans ces conditions, l'affirmation de la requérante selon laquelle le document susmentionné ne lui a pas été communiqué, en méconnaissance des prescriptions de l'article R.138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, doit être regardée comme établie ; qu'il suit de là que le jugement attaqué est irrégulier et doit, de ce fait, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Institut Artistique de Provence devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur le principe de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ... les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ..." ; qu'aux termes de l'article 256 A : "Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel, une ou plusieurs opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention." ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 261-7-1b, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée "les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée ..." ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante, qui a, au cours des années en litige, réalisé des bénéfices et versé à sa gérante des rémunérations et des loyers, n'est pas fondée à soutenir que sa gestion était désintéressée au sens des dispositions précitées ;
Considérant, en deuxième lieu, que les prestations de services que la société a effectuées dans le cadre de son activité d'enseignement musical ne sont pas au nombre de celles, limitativement énumérées, effectuées dans le cadre de l'enseignement primaire, secondaire, supérieur, technique ou professionnel ou de la formation professionnelle continue qui sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions de l'article 261-4-4° a) du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, que la société Institut Artistique de Provence a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de ses prestations d'enseignement musical sur le fondement des dispositions des articles 256 et 256 A précités du code général des impôts ; qu'ainsi, à supposer que, comme le soutient la requérante, les dispositions législatives susmentionnées codifiées à l'article 261-4-4° a), prises en vue d'exonérer certaines prestations d'enseignement, aient transposé de façon trop restrictive les dispositions de l'article 13 A 1 i) de la sixième directive n°77/388 du conseil des communautés européennes qui ont prévu, sous certaines conditions, qu'il appartient aux Etats membres de fixer l'exonération des activités relatives à : "l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'Etat membre concerné", la non compatibilité qui en résulterait entre la loi française et la directive européenne en ce qui concerne la portée de l'exonération est sans incidence sur les dispositions relatives à la définition du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée qui constitue, comme il vient d'être indiqué, le fondement non contesté de l'imposition ; qu'il suit de là que la société Institut Artistique de Provence ne peut, en tout état de cause, invoquer utilement le moyen tiré de la non compatibilité de l'article 261-4-4° a) du code général des impôts avec l'article 13 A 1 i) de la sixième directive ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne que si les directives lient les Etats membres "quant aux résultats à atteindre" et si, pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire effet en droit interne ; qu'ainsi, qu'elles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne sauraient être directement invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'une demande en décharge ou en restitution d'impôt ; que la société requérante ne peut donc soutenir utilement que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 13 A 1 i) précité de la sixième directive est directement applicable à son activité ;

Considérant, en dernier lieu, que si la société requérante soutient sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, d'ailleurs sans l'établir, que l'inspecteur des impôts compétent, consulté en 1982, avait admis son non assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, elle ne se prévaut, alors qu'elle conteste une imposition primitive et non un rehaussement d'impositions antérieures, d'aucune interprétation de la loi fiscale qui résulterait d'une instruction ou d'une circulaire publiée et en vigueur à la date des opérations en cause ; que, par suite, elle n'est pas non plus fondée à critiquer le principe de son assujettissement sur le terrain de la doctrine administrative ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il est constant que la société Institut Artistique de Provence n'a pas déposé au cours de la période litigieuse les déclarations, prévues par les articles 270 et 287-1 du code général des impôts, qu'elle était tenue de souscrire en qualité de redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle a été taxée d'office conformément aux dispositions de l'article L 66-3° du livre des procédures fiscales ; qu'elle ne saurait, par suite, utilement invoquer les vices dont serait entachée la vérification de comptabilité qui a été engagée après que le service eut constaté, au vu de son dossier, l'absence de dépôt de déclarations et lui eut adressé une demande d'information sur la nature de son activité ;
Considérant qu'il ressort de l'examen des notifications de redressements, en date du 16 décembre 1983, relative à la période du 1er janvier au 31 décembre 1979 et en date du 9 mars 1984, relative à la période du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1983, que ces documents mentionnent les modalités de la détermination des bases d'imposition conformément aux dispositions de l'article L 76 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales relatif aux mentions qui doivent être portées sur un avis de mise en recouvrement individuel, les éléments du calcul des droits n'ont pas à y figurer lorsque le contribuable n'a pas souscrit la déclaration nécessaire au calcul desdits droits ; que, dès lors que, comme il a été indiqué ci-dessus, la société requérante n'a pas déposé les déclarations auxquelles elle était tenue, cette dernière ne peut invoquer utilement le fait que l'avis de mise en recouvrement individuel qui lui a été notifié ne comportait pas une mention relative au calcul des droits ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant que les notifications de redressements comportent les mentions prescrites par l'article L 76 du livre précité ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'elles n'auraient pu valablement interrompre la prescription ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé les bases d'imposition en retenant les montants hors taxes des recettes déclarées en vue de l'imposition à l'impôt sur les sociétés et n'a pas fait application du régime transitoire prévu pour les affaires en cours au 1er janvier 1979 ; qu'elle a toutefois ultérieurement procédé à l'imputation de la taxe déductible après que la redevable lui eut présenté les justificatifs appropriés ; que la requérante, qui n'a fourni aucun élément permettant d'appréhender les montants de recettes encaissées au cours de la période litigieuse et celui des affaires en cours au 1er janvier 1979, et qui n'a produit devant le juge aucune preuve comptable ou extra comptable de l'exagération des bases ainsi déterminées, n'est pas fondée à remettre en cause la méthode employée pour la reconstitution du chiffre d'affaires imposable et les résultats obtenus ou à solliciter une mesure d'expertise ;
Sur les pénalités :
Considérant que les indemnités et intérêts de retard prévus par l'article 1728 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur son dus de plein droit sur la base de l'imposition à laquelle ils s'appliquent ; qu'ils n'impliquent ainsi aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable et n'ont dès lors pas le caractère d'une sanction ; que le moyen, qui d'ailleurs manque en fait, tiré de l'absence de motivation au regard des dispositions de la Loi du 11 juillet 1979 des intérêts de retard que l'administration a laissé à la charge de la redevable doit, par suite, être écarté ; que la société ne peut davantage invoquer sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 une instruction administrative, contraire à la loi sur ce point, qui ferait obligation de motiver l'application des indemnités et intérêts de retard ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par la société Institut Artistique de Provence devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête doivent être rejetés ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une somme au titre des frais exposés pour le soutient de l'instance :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que la demande de la société Institut Artistique de Provence, qui est la partie perdante, ne peut qu'être rejetée ;
Article 1er : Le jugement en date du 31 octobre 1991 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Institut Artistique de Provence devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY00225
Date de la décision : 03/11/1993
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

COMMUNAUTES EUROPEENNES - PORTEE DES REGLES DE DROIT COMMUNAUTAIRES - DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES.


Références :

CEE Directive 388-77 du 17 mai 1977 Conseil art. 13 A 1 i
CGI 256, 256 A, 261, 13 A, 270, 287 par. 1, 1728
CGI Livre des procédures fiscales L80 A, L66, L76, R256-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R138, L8-1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Traité du 25 mars 1957 Rome art. 189


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M.COURTIAL
Rapporteur public ?: M. BONNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1993-11-03;92ly00225 ?
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