Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Pavilly a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'ordonner une expertise, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, portant sur les désordres affectant les maisons d'un lotissement situé à Pavilly (76570).
Par une ordonnance n° 2304069 du 1er mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande et désigné un expert.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2024 et un mémoire récapitulatif enregistré le 18 avril 2024, la compagnie Areas Dommages et la société Paris Nord Assurances Services (PNAS), assureurs de la commune de Pavilly, représentées par Me Phelip, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance entreprise en tant qu'elle a rejeté les conclusions tendant à la mise en cause de la communauté de communes Caux-Austreberthe ;
2°) statuant à nouveau, de dire l'expertise ordonnée par le président du tribunal administratif opposable et contradictoire à la communauté de communes Caux-Austreberthe ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Caux-Austreberthe la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la compétence relative à la gestion des eaux pluviales urbaines a été transférée aux communautés de communes de plein droit,
- la communauté de communes Caux-Austreberthe ne justifie pas avoir renoncé à l'exercice de cette compétence,
- en tout état de cause, le détachement de la compétence " gestion des eaux pluviales urbaines " de la compétence " assainissement " depuis le 1er janvier 2020 n'a pas eu pour effet de transférer automatiquement aux communes membres de la communauté de communes ladite compétence,
- seule la responsabilité de la communauté de communes pourra être engagée de sorte que sa participation aux opérations d'expertise présente un caractère utile.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 10 et 29 avril 2024, la communauté de communes Caux-Austreberthe, représentée par Me Sandrine Gillet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Arcadis le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le réseau appartient à la commune de Pavilly qui ne conteste pas en avoir la charge,
- la gestion des eaux pluviales demeure une compétence optionnelle pour les communautés de communes,
- cette compétence ne lui a pas été transférée et relève toujours de la compétence de la commune de Pavilly,
- en conséquence, sa participation aux opérations d'expertise n'est pas utile.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2024, la commune de Pavilly, représentée par Me François Muta, conclut à la réformation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a mis hors de cause la communauté de communes Caux-Austreberthe et à la mise en cause de cette dernière aux opérations d'expertise.
Elle soutient que :
- la communauté de commune Caux-Austreberthe exerce depuis 2015 la compétence " assainissement " de sorte qu'elle doit être regardée comme exerçant également depuis cette date la compétence " gestion des eaux pluviales ",
- la communauté de communes est responsable de l'ouvrage à l'origine des désordres, de sorte que sa participation aux opérations d'expertise est utile.
La procédure a été communiquée à M. et Mme D..., à la SCI LD Immo, à Mme B..., à M. I..., à Mme A... et à M. H..., expert, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu la décision du 1er décembre 2021 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Douai a désigné Mme Ghislaine Borot, présidente de la 1ère chambre, pour juger les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République,
- la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes,
- le code général des collectivités territoriales,
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Pavilly déclare être propriétaire d'un aqueduc souterrain d'évacuation des eaux pluviales traversant un lotissement de seize pavillons, situé rue du docteur G... à Pavilly (76570). Par l'effet de la dégradation progressive de différents tronçons du réseau, l'ouvrage s'est effondré le 23 novembre 2022, provoquant un effondrement du terrain situé 1 rue du docteur G.... D'autres désordres ont également été constatés sur certaines habitations voisines, et notamment des fissurations importantes et affaissements au niveau des sols et terrasses. Compte tenu du risque généralisé d'effondrement des terrains du lotissement, le maire de la ville a invité les résidents à quitter leur habitation. La commune de Pavilly a déclaré ce sinistre à la société PNAS, courtier en assurance et mandataire de son assureur, la société Areas Dommages. Une expertise amiable a alors été engagée. Compte tenu du silence de son assureur et de son mandataire sur les garanties éventuellement consenties, la commune de Pavilly a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande d'expertise portant sur les causes et origines des désordres constatés, et sur la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier à la situation actuelle. Par ordonnance du 1er mars 2024, la juge des référés du tribunal a désigné un expert à cette fin. La compagnie Areas Dommages et la société PNAS relèvent appel de cette ordonnance en tant que la juge des référés a mis hors de cause la communauté de communes Caux-Austreberthe.
Sur les conclusions de la commune de Pavilly :
2. Les conclusions présentées par la commune de Pavilly ont été enregistrées plus de quinze jours après que l'ordonnance de référé lui a été notifiée, le 1er mars 2024, et sont donc intervenues après l'expiration du délai d'appel prévu par l'article R. 533-1 du code de justice administrative. Ainsi, ses conclusions tendant à la réformation de l'ordonnance entreprise en tant que la juge des référés a mis hors de cause la communauté de communes Caux-Austreberthe sont tardives et donc irrecevables.
Sur la demande de mise en cause :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'apprécier les dommages et d'évaluer un préjudice en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique dès lors que, manifestement, la responsabilité de la personne mise en cause ne pourra être retenue.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales : " I. La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : (...) 6° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8, sans préjudice de l'article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes ; / 7° Eau, sans préjudice de l'article 1er de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes. (...) ". Aux termes de l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales : " La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, dénommé service public de gestion des eaux pluviales urbaines. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 5211-17 du même code : " Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier, certaines de leurs compétences dont le transfert n'est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice./ Ces transferts sont décidés par délibérations concordantes de l'organe délibérant et des conseils municipaux se prononçant dans les conditions de majorité requise pour la création de l'établissement public de coopération intercommunale. Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d'un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la commune de la délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur les transferts proposés. A défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée favorable. (...) ".
5. Pour justifier l'utilité de la participation de la communauté de communes Caux-Austreberthe aux opérations d'expertise, les sociétés requérantes soutiennent qu'elle est compétente en matière de gestion des eaux pluviales urbaines en vertu des dispositions précitées de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales et qu'elle est, par conséquent, gestionnaire de l'aqueduc responsable des désordres.
6. Il résulte cependant de l'instruction que les désordres constatés ont pour origine l'effondrement d'un aqueduc sous-terrain dont la commune de Pavilly a reconnu être propriétaire et gestionnaire. Or, il n'est pas sérieusement démontré que la commune aurait transféré à la communauté de communes Caux-Austreberthe sa compétence en matière de gestion des eaux pluviales urbaines telle qu'elle résulte de l'article L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, alors que cette compétence n'est pas au nombre de celles obligatoirement transférées aux communautés de communes en application de L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 ne rendant obligatoire que le seul transfert des compétences relatives à l'eau et à l'assainissement. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, en particulier des statuts de la communauté de communes tels que modifiés le 18 décembre 2018, que cette dernière assumerait une telle compétence, laquelle ne saurait être rattachée à la compétence " assainissement " au sens de la loi précitée. Ainsi, en l'état de l'instruction, la mise en cause de la communauté de communes Caux-Austreberthe n'apparaît pas utile.
7. Il en résulte que la compagnie Areas Dommages et la société PNAS ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à la mise en cause de la communauté de communes Caux-Austreberthe.
ORDONNE :
Article 1er : La requête est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des parties présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la compagnie Areas Dommages, à la société Paris Nord Assurances Services, à la communauté de communes Caux-Austreberthe, à la commune de Pavilly, à M. et Mme E... D..., à la SCI LD Immo, à Mme J... B..., à M. C... I..., à Mme F... A... et à M. K... H..., expert.
Fait à Douai le 4 juillet 2024.
La présidente de la 1ère chambre,
Juge des référés,
signé
Ghislaine Borot
La République mande et ordonne au préfet de Seine-Maritime, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Et par délégation,
L'adjointe administrative,
Hélène Dal Magro
N°24DA00529 2