Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... et Mme C... E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative afin de décrire l'ensemble des nuisances liées au bruit et à la pollution qu'ils subissent en raison du trafic routier sur l'autoroute A22 et la route départementale 652 ainsi que les travaux de nature à remédier à ces désordres.
Par une ordonnance n° 1901179 du 30 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a désigné un expert à cette fin.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2021, la ministre de la transition écologique, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par M. et Mme E....
Elle soutient que :
- l'ordonnance est insuffisamment motivée faute de réponse à l'argument tiré du caractère public des données existantes en matière de bruit et de pollution ;
- l'Etat doit être mis hors de cause s'agissant des nuisances provenant de la route départementale 652 gérée par la métropole européenne de Lille ;
- l'expertise est inutile dès lors que les époux E... ne sont pas concernés par le bruit de l'A22, leur habitation étant située à plus de 300 mètres, soit en dehors du périmètre défini par l'arrêté préfectoral du 26 février 2016 ; une éventuelle action indemnitaire serait irrecevable faute d'intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- le juge des référés a méconnu son office sur ce point en ordonnant néanmoins l'expertise ;
- elle est inutile eu égard aux informations disponibles en matière de bruit et du contexte de la demande ;
- l'expertise est également inutile concernant les nuisances liées à la pollution dès lors qu'il existe déjà des données sur les phénomènes de pollution ; il en ressort que la concentration des polluants dans le secteur d'habitation n'excède pas certains seuils réglementaires.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 avril et 5 juillet 2021, M. et Mme E..., représentés par Me Virginie Stienne-Duwez, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Ils font valoir que :
- l'ordonnance n'est pas entachée d'irrégularité ;
- le juge des référés du tribunal administratif de Lille a retenu à bon droit le caractère utile de la demande d'expertise.
Par un mémoire, enregistré le 28 juin 2021, la métropole européenne de Lille, représentée par Me Michel Teboul, conclut :
1°) à l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
2°) au rejet de la demande présentée par les époux E... ;
3°) à titre subsidiaire, au rejet des conclusions de l'Etat tendant à sa mise hors de cause.
4°) à titre subsidiaire, à la modification de la mission de l'expert telle que définie en première instance.
Elle soutient que :
- la mesure d'expertise ordonnée n'est pas utile dès lors M. et Mme E... se plaignent de nuisances sonores qui existaient déjà à la date à laquelle ils ont acquis leur habitation ; leur requête au fond est vouée au rejet ; il existe également déjà des données s'agissant de la pollution ;
- à supposer que la mesure d'expertise soit confirmée, l'expert doit préciser la part de nuisances sonores imputables respectivement à la route départementale et à l'autoroute, il doit préciser quelle est l'aggravation des nuisances depuis l'acquisition de leur maison par les époux E..., la date de construction des ouvrages et dire si le cumul des nuisances sonores provoque une gêne acoustique.
Les parties ont été informées par lettre du 3 mai 2022, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'ordonnance était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la métropole européenne de Lille, tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du 30 mars 2021, dès lors qu'elles sont présentées après le délai d'appel de quinze jours prévu à l'article R. 533-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été présenté pour la métropole européenne de Lille, représentée par Me Michel Teboul, enregistré le 12 mai 2022, en réponse au courrier du 3 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E... ont fait l'acquisition le 23 août 2018 d'une maison à usage d'habitation dans la commune de Wasquehal, située à proximité de l'autoroute A22 et de la route départementale 652, dont la gestion a été transférée à la métropole européenne de Lille. Ils ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de désigner un expert chargé de décrire l'ensemble des nuisances liées au bruit et à la pollution qu'ils subissent en raison du trafic routier de ces deux infrastructures routières, d'indiquer les travaux de nature à remédier à ces désordres et d'apprécier l'étendue de leur préjudice. Par une ordonnance du 30 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a fait droit à leur demande. La ministre de la transition écologique fait appel de cette ordonnance. La métropole européenne de Lille demande l'annulation de cette ordonnance et à titre subsidiaire le rejet des conclusions de la ministre de la transition écologique tendant à sa mise hors de cause ou la modification de la mission impartie à l'expert.
Sur les conclusions de l'appel principal :
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Il ressort de l'ordonnance attaquée et en particulier du point 4, que le juge des référés du tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par le préfet du Nord, a caractérisé avec une précision suffisante l'utilité des mesures qu'il a prescrites en indiquant notamment que l'expertise était susceptible d'éclairer les données d'un litige éventuel quant aux troubles allégués par les époux E... et leurs conséquences du fait de la circulation routière avoisinante et pour lesquels ils avaient déjà saisi les autorités compétentes. Ainsi, l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune insuffisance de motivation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de juridiction administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". L'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens et de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir. Et si le juge des référés, statuant en application de l'article R. 532-1 du code de
justice administrative, ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsqu'elle est formulée à
l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction
administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription, il ne lui appartient
pas, en revanche, d'apprécier leur chance de succès.
4. Si la ministre de la transition écologique fait valoir que la maison des requérants se trouve hors du secteur affecté par le bruit de part et d'autre de l'autoroute A22, tel que défini par les dispositions de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 26 février 2016 portant approbation du classement sonore des infrastructures de transports routiers et ferroviaires du département du Nord, une telle circonstance ne saurait suffire à faire regarder toute action indemnitaire susceptible d'être engagée par les intéressés comme étant irrecevable. L'existence d'une étude sur le bruit, menée préalablement à l'édiction de l'arrêté préfectoral du 26 février 2016, de même que le fait que les époux E... ont acquis leur bien postérieurement à l'édification des infrastructures routières litigieuses, ne rendent pas davantage inutile l'expertise ordonnée plusieurs années après, alors que les requérants font état d'une augmentation significative du trafic routier. Enfin, s'agissant des nuisances liées à la pollution, s'il est vrai qu'il existe déjà des données publiques sur la qualité de l'air pouvant être utiles à toute action contentieuse à venir, il ressort de l'ordonnance attaquée que le premier juge a seulement demandé à l'expert de rechercher et préciser l'ensemble des nuisances causées par le trafic routier en mettant entre parenthèses le bruit et la pollution et n'a ordonné à l'expert d'effectuer des mesures que pour le bruit et non pour la pollution. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'écarter de l'examen de l'expert les nuisances liées à la pollution. Il résulte de tout ce qui précède que la mesure d'expertise litigieuse présente un caractère d'utilité au sens et pour l'application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Par suite, la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a ordonné l'expertise demandée.
Sur les conclusions de la métropole européenne de Lille :
5. En vertu de l'article R. 533-1 du code de justice administrative, une ordonnance rendue en application de l'article R. 532-1 est susceptible d'appel " devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ". L'ordonnance attaquée du 30 mars 2021 a été notifiée à la métropole européenne de Lille le jour même dans l'application Télérecours, l'accusé de réception établi par l'application attestant la réception effective de cette notification à 13h49.
6. Dès lors que les conclusions de l'appel principal de l'Etat sont rejetées, la situation de la métropole européenne de Lille ne se trouve pas aggravée de sorte que ses conclusions, présentées le 28 juin 2021, soit après l'expiration du délai d'appel, sont irrecevables.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. et Mme E..., d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la métropole européenne de Lille sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à M. et Mme B... E..., à la métropole européenne de Lille et à M. A... D..., expert.
Fait à Douai, le 25 mai 2022.
La présidente de la cour,
Signé
N. Massias
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Bénédicte GOZE
N°21DA00820 2